La main droite sait ce que fait la main gauche


Acteurs : Le sujet d’expérimentation qui peut être au singulier ou au pluriel. L’entité qui n’est pas connue du sujet mais dont les extensions formelles et informelles sont une ascendance directe sur les actions de la main droite et de la main gauche.

Objectif : Un sujet d'expérimentation reçoit les faveurs des deux mains. La main droite et la main gauche adoptent des modes d’interaction dissemblables dont la visée commune est d’établir les frontières d’un univers didactique à l’intérieur duquel va s’élaborer un apprentissage particulier.

Action de la main droite sur le sujet : Sentiments d’inconfort, pressions émotionnelles, sollicitations variées pour la diversification des contacts, agitation des idées, création de percepts, stimulation de l’imagination et des sens, création de nouvelles contraintes pour l’expérimentation. C’est la main droite qui affole les sentiments, donne des avertissements et des indications de prophylaxies.

Action de la main gauche sur le sujet : apaisement, consolation, atténuation de l’inconfort et des doutes, satisfaction des demandes. C’est la main gauche qui donne la nourriture au sujet et qui le caresse dans le sens du poil.

Problème : Les deux mains appartiennent à la même entité mais le sujet l'ignore. Les sollicitations et contacts, répétés alternativement ou simultanément par les deux mains, sont en apparence contradictoires mais participent en finalité des objectifs et des stratégies, à la stimulation des capacités de résilience et de prise de conscience.



Un jour la main droite eu l'intention de se faire passer par la main gauche, elle entreprit de combler de ses soins le sujet d'expérimentation. Mal lui en a pris, puisque le sujet se mit à mordre la main qui faisait preuve de bonnes dispositions. Le comble pour un conditionnement, la main droite avait beau s'évertuer à offrir les attentions tant désirées, faire amande honorable, rassurer le sujet, elle ne pouvait rien y changer. Le sujet se disait en son for intérieur qu'il fallait se méfier de la main droite, tant il était persuadé de quelques mauvais tours, et même si les actions de la main droite lui semblaient favorables et tentaient de répondre à ses attentes. Pour le sujet, cela ne pouvait que cacher de sombres desseins et de bien mauvaises augures. La main gauche, par contre était source de respect et d'adoration, rien ne lui était refusé.

L'entité qui coordonnait les deux mains eu alors l'idée de procéder à une expérimentation de remodelage des pratiques et des attitudes. Elle prit la nourriture de la main gauche avant qu’elle ne soit offerte au sujet, pour la donner à la main droite, et il lui ordonna de nourrir le sujet. Comme il fallait s'y attendre, le sujet mordit de nouveau la main droite sans même prendre la peine de considérer le contenu de la main, refusant tout ce qu’elle avait à offrir. Sur ce fait surprenant, l'entité pris alors cette nourriture dédaignée de la main droite et la plaça dans la main gauche. C’est alors que ce qu’avait à offrir la main gauche fut avalé avec tous les signes d'affection et de satisfaction. La même nourriture passait de main en main, tantôt rejetée et aussitôt acceptée. Le sujet affirma son dédain et son acceptation sans se rendre compte de rien.

L'entité qui contrôlait les deux mains pensa qu'il serait peut être judicieux d'intervertir complètement les rôles, la main droite jouant le rôle de la main gauche et vice versa. Dans une vérification de courte durée afin de contrôler le stress résultant de cette nouvelle configuration.

Le résultat fut stupéfiant, le sujet préféra vivre le malaise des insatisfactions et ressentir l’inconfort inhabituel des attentes contrariées. Il considéra que les mauvaises impressions inhérentes aux pratiques de la main gauche (qui jouait le rôle de la main droite) étaient le résultat de sa propre mauvaise action. Il se culpabilisa, et pensa qu'il n'était pas à la hauteur des attentes et des souhaits de la main gauche. Alors que les bonnes attitudes de la main droite (qui jouait le rôle de la main gauche) étaient toujours considérées comme une mystification.

L'entité se demanda s'il était possible par un apprentissage progressif, de faire changer l'attitude du sujet, en lui démontrant délicatement que les deux mains n'était pas disjointes mais qu'elles œuvraient en coopération. Ce faisant, l'entité espérait que le sujet dépasserait cette tendance enracinée par les croyances et les habitudes. Il pensait voir se manifester un contrôle des instincts et un effort de déconstruction du jugement, étape nécessaire pour délimiter les possibilités de l’intuition et de la raison dans l’évaluation de tout phénomène inconnu. Le sujet pouvait ainsi retrouver une capacité de décision plus étendue, plus réactive et efficace et qui ne sacrifiait pas sa liberté de choix. Le sujet pouvait affirmer également une autocritique sur des attitudes comportementales inadaptées qu’il aurait lui-même consolidées sans en prendre compte.

Le comportement des deux mains devint un bref moment similaire pour permettre l'émergence de nouvelles interrogations. Ensuite les rôles étaient intervertis, chacune des mains jouant le rôle de l’autre, le temps de créer les conditions d'un bouleversement des connaissances. Le sujet devait donc adopter des signes manifestes de cette mise en retrait de sa propre affectivité. Le temps de voir apparaitre une adaptation à des événements imposés qui même s’ils étaient insolites et désagréables n’étaient pas nécessairement nocifs. En toute logique le sujet devait également réévaluer son jugement sur les intentions d'un phénomène qu'il ne pouvait pas appréhender et qui pourtant le nourrissait.

Ce qui s'en suivit était encore une fois surprenant. Le sujet pris peur, désorienté et en perte de confiance. Il se mit en colère. Il ne comprenait pas ce qui survenait, ni pourquoi les événements n'obéissaient pas à ce qu'il avait si patiemment observé et compris depuis lors. Au lieu d’augmenter sa perception des évènements et d’affiner son observation sans faire de jugements à l’emporte-pièce, au lieu de contrôler son être et d’accepter l’incertitude, le doute, et le questionnement sans réponse ; il refusa les offres des deux mains estimant que s'il n’y comprenait rien, cela ne valait pas la peine de s’alimenter.

L'entité ne voulut pas faire souffrir le sujet d'expérimentation, et pris soin de revenir à un mode de fonctionnement habituel. La main droite secoue et perturbe, agite et donne des avertissements inquiétants tandis que la main gauche rassure, fait en sorte de répondre aux attentes et donne ce qu'on lui réclame.

Le moment n'était pas encore venu pour procéder à d'autres expérimentations, le sujet n'était pas encore mature. L’entité espérait qu'avec le temps et par une évolution spirituelle dirigée, le sujet arriverait à se soustraite de cette inclination naturelle de repli sur soi, pour finalement reprendre le contrôle de son esprit et tenir compte des limitations de ses sens et de ses raisonnements. Il y avait tant de nouvelles choses à découvrir, tant de prédispositions spirituelles et de contacts, pour créer de nouvelles façons de vivre et de percevoir.

Malheureusement le changement attendu ne se fit pas. Il n’y eu point, dans l’esprit du sujet, d’émergence favorable pour une cognition subtile des phénomènes, ni de préoccupations appropriées aux circonstances, lieux et temporalités. La faiblesse dans l’affirmation des qualités spirituelles et la baisse de la perspicacité contribuaient à rendre incertaine tout exercice pédagogique, indépendamment de la main qui entrait en contact avec le sujet.

D’autant plus que d’autres entités pouvaient intervenir avec des intentions et des objectifs plus difficiles à atteindre et à comprendre. Sans compter les nombreux pièges de l’apprentissage et les fausses mains qui pouvaient intervenir pour dérouter l’attention du sujet.

Si le sujet n'était pas capable d’agir sur lui-même pour se transformer, alors il serait peut-être temps d'arrêter cette expérimentation et d'attendre l'émergence de la prochaine génération.


Moralité : Si vous souhaitez évoluer dans le bon sens, ne jugez pas vos défauts et les événements par avance, évitez de commettre les mêmes erreurs par la répétition des préjugés, corrigez vos imperfections et réfléchissez humblement devant les faits pour vous en inspirer dans vos cogitations. Rappelez-vous ce bon conseil, ne jamais rendre certaines vos conjectures et représentions. Comme on a pu le voir dans l'expérimentation, il est probable que la main droite sache ce qu'a pu faire la main gauche, et que les deux mains font œuvre commune pour une compréhension d'un autre ordre qui n'est pas perceptible de prime abord.