Extinction de l'ignorance


“Le théâtre est le dernier endroit où l'on peut jouer un spectacle.” Tadeusz Kantor

Le Hridaya Sûtra ou Sûtra du Cœur


Avalokita, le Saint Seigneur et Bodhisattva, se mouvait dans le cours profond de la Sagesse qui est allée au-delà. De là-haut, il regarda en bas ; il ne vit que cinq amas, et il vit que dans leur être-propre ils étaient vides.

Ici, Ô Sariputra, la forme est vacuité et la vacuité elle-même est forme ; la vacuité ne diffère pas de la forme, la forme ne diffère pas de la vacuité ; tout ce qui est forme est vacuité, tout ce qui est vacuité est forme ; il en est de même des sensations, des perceptions, des volitions et de la conscience.

Ici, Ô Sariputra, tous les dharmas sont marqués par la vacuité ; ils ne sont pas produits ni arrêtés, pas souillés ni immaculés, pas déficients ni complets.

Donc, Ô Sariputra, dans la vacuité il n'y a pas de forme, pas de sensation, pas de perception, pas de volition, pas de consience ; pas d'œil, d'oreille, de nez, de langue, de corps, d'esprit ; pas de formes, de sons, d'odeurs, de saveurs, de touchers et d'objets de l'esprit ; pas d'élément de l'organe de la vue, et ainsi de suite jusqu'à ce que l'on arrive à : pas d'élément de la conscience de l'esprit.

Il n'y a pas d'ignorance, pas d'extinction de l'ignorance, et ainsi de suite jusqu'à ce que l'on arrive à : il n'y a pas de vieillissement et de mort, pas d'extinction du vieillissement et de la mort. Il n'y a pas de souffrance, pas d'origine, pas de cessation, pas de chemin. Il n'y a pas de connaissance, pas d'accomplissement, et pas de non-accomplissement.

Donc, Ô Sariputra, c'est à cause de son indifférence à toute sorte d'accomplissement personnel, et en prenant appui sur la Perfection de la Sagesse, qu'un Bodhisattva demeure sans couvertures de la pensée. En l'absence de couvertures de la pensée il ne tremble pas, il a dépassé ce qui peut troubler, et il finit par atteindre le Nirvana.

Tous ceux qui apparaissent comme Bouddhas dans les trois périodes du temps, s'éveillent complètement au suprême, juste et parfait éveil, car ils ont pris appui sur la perfection de la sagesse.

On devrait donc savoir que la Prajñaparamita est la grande formule, la formule de la grande connaissance, la formule suprême, la formule inégalée, apaisant toute souffrance, en vérité - car qu'est-ce qui pourrait mal aller ? Cette formule a été délivrée par la Prajñaparamita. Elle s'expose ainsi : Allé, allé, allé au-delà, allé complètement au-delà. Ô, quel éveil, acclamons-le tous ! - ceci termine le Cœur de la sagesse parfaite.

© 'Wisdom beyond words' Sangharakshita, Windhorse Publications 1993, traduction © Christian Richard 2003.

 

Quatre sens de l'Écriture


Les quatre sens ont été exprimés en vers par Augustin de Dacie :
« Littera gesta docet,
quid credas allegoria,
Moralis quid agas,
quo tendas anagogia. »

ce qui signifie :
« La lettre instruit des faits qui se sont déroulés,
L’allégorie apprend ce que l’on a à croire,
Le sens moral apprend ce que l’on a à faire,
L’anagogie apprend ce vers quoi il faut tendre. »

 

 

« Toute interprétation donnée portant sur une certaine portion d’un texte peut être acceptée si elle est confirmée par, et doit être rejetée si elle est contestée par, une autre portion du même texte. En ce sens, la cohérence textuelle interne contrôle les parcours du lecteur, lesquels resteraient sans cela incontrôlables. » Umberto Eco, Interprétation et surinterprétation, Puf, Paris, 1996, p. 59


Sermons du Bouddha

XXXV.28 - Tout est en flammes : (Adittapariyaya) Le sermon du feu.

ADITTAPARIYAYA-SUTTA

Traduction de Jeanne Schut


Quelques mois après son Éveil, le Bouddha s’adressa à un groupe de mille ascètes adorateurs du feu. Le Bouddha utilisa la métaphore du feu pour illustrer la nature de l’attachement. En entendant ses paroles, les mille ascètes connurent l’Éveil.

 

Ainsi l'ai-je entendu. Un jour, alors que le Bouddha résidait à Gayasisa, près de Gaya, entouré de mille ascètes, il s'adressa à eux ainsi :

« Moines, tout brûle. Et quel est ce tout qui brûle ?

« Les yeux brûlent. Les formes matérielles brûlent. La conscience visuelle brûle. Le contact visuel brûle. Et toutes les sensations ayant pour cause et condition le contact visuel – que ce soit le plaisir, la douleur, ou ni le plaisir ni la douleur – brûlent également. Et qu’est-ce qui a allumé cet incendie ? C’est le feu du désir, le feu de l’aversion et le feu de l’ignorance. Je vous le dis, c’est le feu de la naissance, du vieillissement et de la mort ; le feu du chagrin, des lamentations, de la douleur, de la détresse et du désespoir.

« Les oreilles brûlent. Les sons brûlent. La conscience auditive brûle. Le contact auditif brûle. Et toutes les sensations ayant pour cause et condition le contact auditif – que ce soit le plaisir, la douleur, ou ni le plaisir ni la douleur – brûlent également. Et qu’est-ce qui a allumé cet incendie ? C’est le feu du désir, le feu de l’aversion et le feu de l’ignorance. Je vous le dis, c’est le feu de la naissance, du vieillissement et de la mort ; le feu du chagrin, des lamentations, de la douleur, de la détresse et du désespoir.

« Le nez brûle. Les odeurs brûlent. La conscience olfactive brûle. Le contact olfactif brûle. Et toutes les sensations ayant pour cause et condition le contact olfactif – que ce soit le plaisir, la douleur, ou ni le plaisir ni la douleur – brûlent également. Et qu’est-ce qui a allumé cet incendie ? C’est le feu du désir, le feu de l’aversion et le feu de l’ignorance. Je vous le dis, c’est le feu de la naissance, du vieillissement et de la mort ; le feu du chagrin, des lamentations, de la douleur, de la détresse et du désespoir.

« La langue brûle. Les saveurs brûlent. La conscience gustative brûle. Le contact gustatif brûle. Et toutes les sensations ayant pour cause et condition le contact gustatif – que ce soit le plaisir, la douleur, ou ni le plaisir ni la douleur – brûlent également. Et qu’est-ce qui a allumé cet incendie ? C’est le feu du désir, le feu de l’aversion et le feu de l’ignorance. Je vous le dis, c’est le feu de la naissance, du vieillissement et de la mort ; le feu du chagrin, des lamentations, de la douleur, de la détresse et du désespoir.

« Le corps brûle. Les choses tangibles brûlent. La conscience tactile brûle. Le contact physique brûle. Et toutes les sensations ayant pour cause et condition le contact physique – que ce soit le plaisir, la douleur, ou ni le plaisir ni la douleur – brûlent également. Et qu’est-ce qui a allumé cet incendie ? C’est le feu du désir, le feu de l’aversion et le feu de l’ignorance. Je vous le dis, c’est le feu de la naissance, du vieillissement et de la mort ; le feu du chagrin, des lamentations, de la douleur, de la détresse et du désespoir.

« Le mental brûle. Les idées brûlent. La conscience mentale brûle. Le contact mental brûle. Et toutes les sensations ayant pour cause et condition le contact mental – que ce soit le plaisir, la douleur, ou ni le plaisir ni la douleur – brûlent également. Et qu’est-ce qui a allumé cet incendie ? C’est le feu du désir, le feu de l’aversion et le feu de l’ignorance. Je vous le dis, c’est le feu de la naissance, du vieillissement et de la mort ; le feu du chagrin, des lamentations, de la douleur, de la détresse et du désespoir.

« Ayant entendu et compris cet enseignement, le noble disciple perd toute attirance pour les yeux, perd toute attirance pour les formes matérielles, perd toute attirance pour la conscience visuelle, perd toute attirance pour les contacts visuels. Et, envers les sensations ayant pour cause et condition le contact visuel – que ce soit le plaisir, la douleur, ou ni le plaisir ni la douleur – il perd aussi toute attirance

« Il perd toute attirance pour les oreilles, perd toute attirance pour les sons, perd toute attirance pour la conscience auditive, perd toute attirance pour les contacts auditifs. Et, envers les sensations ayant pour cause et condition le contact auditif – que ce soit le plaisir, la douleur, ou ni le plaisir ni la douleur – il perd aussi toute attirance

« Il perd toute attirance pour le nez, perd toute attirance pour les odeurs, perd toute attirance pour la conscience olfactive, perd toute attirance pour les contacts olfactifs. Et envers les sensations ayant pour cause et condition le contact olfactif – que ce soit le plaisir, la douleur, ou ni le plaisir ni la douleur – il perd aussi toute attirance

« Il perd toute attirance pour la langue, perd toute attirance pour les saveurs, perd toute attirance pour la conscience gustative, perd toute attirance pour les contacts gustatifs. Et, envers les sensations ayant pour cause et condition le contact gustatif – que ce soit le plaisir, la douleur, ou ni le plaisir ni la douleur – il perd aussi toute attirance

« Il perd toute attirance pour le corps, perd toute attirance pour les choses tangibles, perd toute attirance pour la conscience du toucher, perd toute attirance pour les contacts physiques. Et, envers les sensations ayant pour cause et condition le contact physique – que ce soit le plaisir, la douleur, ou ni le plaisir ni la douleur – il perd aussi toute attirance

« Il perd toute attirance pour le mental, perd toute attirance pour les idées, perd toute attirance pour la conscience mentale, perd toute attirance pour les contacts mentaux. Et, envers les sensations ayant pour cause et condition le contact mental – que ce soit le plaisir, la douleur, ou ni le plaisir ni la douleur – il perd aussi toute attirance

« Ayant perdu toute forme d’attirance, il abandonne toute forme de passion. Libre de toute passion, il est totalement libéré. Avec la libération totale vient la connaissance de sa propre libération. Il comprend : « La naissance a pris fin, la vie sainte a été vécue jusqu’au bout, la tâche a été accomplie. Il n’y a plus rien au-delà en ce monde. »

Ainsi parla le Bouddha. Les moines se réjouirent de ses paroles et lui en furent reconnaissants.

Et, tandis que ce sermon était donné, le cœur des mille ascètes, lâchant tout attachement, fut pleinement libéré et purifié.