Préambule de Lewis Carroll pour son livre Alice au pays des merveilles.
[L’Auteur désire exprimer ici sa reconnaissance envers le Traducteur de ce qu’il a remplacé par des parodies de sa composition quelques parodies de morceaux de poésie anglais, qui n’avaient de valeur que pour des enfants anglais ; et aussi, de ce qu’il a su donner en jeux de mots français les équivalents des jeux de mots anglais, dont la traduction n’était pas possible.]
Notre barque glisse sur l’onde
Que dorent de brûlants rayons ;
Sa marche lente et vagabonde
Témoigne que des bras mignons,
Pleins d’ardeur, mais encore novices,
Tout fiers de ce nouveau travail,
Mènent au gré de leurs caprices
Les rames et le gouvernail.
Soudain trois cris se font entendre,
Cris funestes à la langueur
Dont je ne pouvais me défendre
Par ce temps chaud, qui rend rêveur.
« Un conte ! Un conte ! » disent-elles
Toutes d’une commune voix.
Il fallait céder aux cruelles ;
Que pouvais-je, hélas ! contre trois
La première, d’un ton suprême,
Donne l’ordre de commencer.
La seconde, la douceur même,
Se contente de demander
Des choses à ne pas y croire.
Nous ne fûmes interrompus
Par la troisième, c’est notoire,
Qu’une fois par minute, au plus.
Puis, muettes, prêtant l’oreille
Au conte de l’enfant rêveur,
Qui va de merveille en merveille
Causant avec l’oiseau causeur ;
Leur esprit suit la fantaisie.
Où se laisse aller le conteur,
Et la vérité tôt oublie
Pour se confier à l’erreur.
Le conteur (espoir chimérique !)
Cherche, se sentant épuisé,
À briser le pouvoir magique
Du charme qu’il a composé,
Et « Tantôt » voudrait de ce rêve
Finir le récit commencé :
« Non, non, c’est tantôt ! pas de trêve ! »
Est le jugement prononcé.
Ainsi du pays des merveilles
Se racontèrent lentement
Les aventures sans pareilles,
Incident après incident.
Alors vers le prochain rivage
Où nous devions tous débarquer
Rama le joyeux équipage ;
La nuit commençait à tomber.
Douce Alice, acceptez l’offrande
De ces gais récits enfantins,
Et tressez-en une guirlande,
Comme on voit faire aux pèlerins
De ces fleurs qu’ils ont recueillies,
Et que plus tard, dans l’avenir,
Bien qu’elles soient, hélas ! flétries,
Ils chérissent en souvenir.
Les méchants
de Freidriech Nietzche
Me craignez-vous ?
Craignez-vous l'arc tendu ?
Malheur, quelqu'un pourrait ainsi placer sa flèche !
Hélas mes amis,
Où est-ce qu'on nommait bon ?
Mais où sont tous les bons ?
Où est, où est donc l'innocence de tous ces mensonges ?
Qui regarda un jour du coté des hommes,
Il vit un bouc en guise de Dieu.
Le poète qui peut mentir
Avec science et conscience,
Seul il peut dire la vérité.
« L'homme est mauvais »
Voilà ce que dirent les plus sages -
Pour me consoler.
(traduction G. Ribemont-Dessaignes, in Poésies complètes, ed. PLASMA,1982).
ÉTERNITÉ
Illuminations, par Arthur Rimbaud
Elle est retrouvée.
Quoi ? L’éternité.
C’est la mer allée
Avec le soleil.
Âme sentinelle,
Murmurons l’aveu
De la nuit si nulle
Et du jour en feu.
Des humains suffrages,
Des communs élans,
Donc tu te dégages :
Tu voles selon…
Jamais l’espérance ;
Pas d’orietur.
Science avec patience…
Le supplice est sûr.
De votre ardeur seule,
Braises de satin,
Le devoir s’exhale
Sans qu’on dise : enfin.
Elle est retrouvée.
Quoi ? L’éternité.
C’est la mer allée
Avec le soleil.
The Vampire, by Conrad Aiken
She rose among us where we lay.
She wept, we put our work away.
She chilled our laughter, stilled our play;
And spread a silence there.
And darkness shot across the sky,
And once, and twice, we heard her cry;
And saw her lift white hands on high
And toss her troubled hair.
What shape was this who came to us,
With basilisk eyes so ominous,
With mouth so sweet, so poisonous,
And tortured hands so pale?
We saw her wavering to and fro,
Through dark and wind we saw her go;
Yet what her name was did not know;
And felt our spirits fail.
nihil in terra sine causa fit et de humo non orietur dolo