Nuages et vagues.
Rabîndranâth Tagore
La Jeune Lune
Maman, ceux qui vivent là-haut, dans les nuages, m’appellent :
« Nous jouons depuis notre réveil, jusqu’à la fin du jour », disent-ils.
« Nous jouons avec l’aube dorée, nous jouons avec la lune d’argent. »
Je demande : « Mais comment puis-je vous atteindre ? »
Ils répondent : « Viens jusqu’au bord de la terre, puis lève tes mains vers le
ciel et tu seras enlevé dans les nuages. »
Mais je leur dis : « Ma mère m’attend à la maison ; comment puis-je la laisser
et venir ? »
Alors, ils sourient, flottent et passent.
Mais je connais un jeu plus joli que celui-là !
Je serai le nuage et toi tu seras la lune.
Je couvrirai ton visage de mes deux mains et le toit de notre maison sera le
ciel bleu.
Ceux qui vivent dans les flots m’appellent :
« Nous chantons du matin au soir ; nous avançons toujours, toujours, sans savoir
par où nous passons. »
Je demande : « Mais comment vous rejoindrai-je ? »
« Viens », disent-ils, « viens jusqu’au bord de la plage, tiens-toi debout, clos
tes yeux et tu seras emporté sur les vagues. »
Je réponds : « Mais ma mère ne saurait se passer de moi, chaque soir ; comment
pourrais-je m’en aller et la laisser ? »
Alors, ils sourient, dansent et s’éloignent.
« Mais je connais un jeu plus amusant que celui-là !
« Je serai les vagues et toi tu seras une plage lointaine.
Je roulerai, roulerai, et comme une vague qui se brise, mon rire fusera contre
tes genoux !
Et personne au monde ne saura où nous sommes toi et moi. »
Cantique des oiseaux, prologue, distiques 705-712
J’ai survolé longtemps les plaines et les mers
J’avançais pas à pas, la tête dans les cieux
J’ai franchi les montagnes, les vallées, les déserts
J’ai parcouru un monde dans le temps du déluge
J’ai fait bien des voyages auprès de Salomon
Arpenté maintes fois la surface du globe
Ainsi donc, moi je sais qui est mon Souverain
Je ne peux pourtant pas aller seule vers lui
Mais si vous devenez mes compagnons de route
Vous trouverez accès à Son intimité
Il faut vous libérer de votre égocentrisme !
Subirez-vous longtemps votre absence de foi ?
Qui renonce à sa vie gagnera sur lui-même
Dans la voie de l’Aimé qui est source de vie
Il sera au-delà et du bien et du mal
Donnez donc votre vie et entrez dans la danse
Qui à ce seuil royal finit en révérence
Amour est tout.
Hadewijch D'anvers.
Poèmes strophiques. Chant XIV, 13
Celui qui a parcouru les profondeurs abyssales de l’amour,
Tour à tour dévoré par la soif
Ou s’abreuvant à la source,
Traverse sans dommage l’aridité
Ou les riches floraisons.
L’écoulement des saisons
Ne le touche point.
Au fond du gouffre de l’absence
Comme sur les cimes de l’union,
Son cœur reste serein
Et tel qu’en lui-même