AGRIPPA D’AUBIGNÉ (1551-1630).
Le Printemps : L’Hécatombe à Diane et Les stances
[…]
Tout cela qui sent l'homme à mourir me convie,
En ce qui est hideux je cherche mon confort :
Fuyez de moi, plaisirs, heurs, espérance et vie,
Venez, maux et malheurs te désespoir et mort !
Je cherche les déserts, les roches égarées,
Les forêts sans chemin, les chênes périssants,
Mais je hais les forêts de leurs feuilles parées,
Les séjours fréquentés, les chemins blanchissants.
Quel plaisir c'est de voir les vielles haridelles
De qui les os mourants percent les vielles peaux :
Je meurs des oiseaux gais volant à tire d'ailes,
Des courses de poulains et des sauts de chevreaux !
Heureux quand je rencontre une tête séchée,
Un massacre de cerfs, quand j’oy les cris des faons ;
Mais mon âme se meurt de dépit asséchée,
Voyant la biche folle aux sauts de ses enfants.
J'aime à voir de beautés la branche déchargée,
A fouler le feuillage étendu par l'effort
D'automne, sans espoir leur couleur orangée
Me donne pour plaisir l'image de la mort.
Un éternel horreur, une nuit éternelle
M'empêche de fuir et de sortir dehors :
Que de l'air courroucé une guerre cruelle,
Ainsi comme l'esprit, m'emprisonne le corps !
Jamais le clair soleil ne rayonne ma tête,
Que le ciel impiteux me refuse son oeil,
S'il pleut qu'avec la pluie il crève de tempête,
Avare du beau temps et jaloux du soleil.
Mon être soit hiver et les saisons troublées,
De mes afflictions se sente l'univers,
Et l'oubli ôte encore à mes peines doublées
L'usage de mon luth et celui de mes vers
[…]
JEAN AUVRAY
Pourmenade de l’ame devote, Rouen, 1633.
(fragment de La Vierge au pied de la Croix, Pause V).
Un spectre, une carcasse.
En extase je tombe et sans sentir je sens
Une insensible main qui dérobe mes sens,
Tient mon âme en suspens, agilement transporte
Moi-même de moi-même, et sus un mont me porte ;
Un mont épouvantable, horrible, où les corbeaux,
Laidement croassant, déchirent par morceaux
Des corps suppliciés les entrailles puantes ;
Là n’étaient que gibets, que potences sanglantes,
Qu’horreur, qu’effroi, que sang, qu’abomination,
Que mort, que pourriture et désolation.
Comme s’y promenait mon âme épouvantée,
Elle y vit une croix nouvellement plantée,
Construite, se semblait, de trois sortes de bois ;
Un homme massacré pendait sur cette Croix,
Si crasseux, si sanglant, si meurtri, si difforme,
Qu’à peine y pouvait-on discerner quelque forme,
Car le sang que versait son corps en mille lieux
Déshonorait son front, et sa bouche et ses yeux ;
Toute sa face était de crachats enlaidie,
Sa chair en mille endroits était toute meurtrie,
Sa Croix de toutes parts pissait les flots de sang,
Ses pieds, ses mains, son chef, et sa bouche et son flanc,
En jetaient des ruisseaux, les cruelles tortures
Lui avaient tout démis les os de ses jointures,
Sa peaux sanglante était cousue avec ses os,
Et son ventre attaché aux vertèbres du dos
Sans entrailles semblait, une épine cruelle
Fichait ses aiguillons jusques dans sa cervelle,
Dont les sanglots bouillons à mesure séchés
Coulaient, barbe et cheveux sur sa face couchés ;
Ce qui restait encor de sa chair détranchée,
Pendait horriblement par lambeaux écorchée,
Tous ces membres étaient ou ployés, ou meurtris ;
Bref, comme en ces Lépreux confirmés et pourris,
L’on voyait au profond de ses larges ulcères
Ses veines, ses tendons, ses nerfs et ses artères,
L’on pouvait aisément lui compter tous les os,
Ce n’était qu’un Squelett’, qu’une sèche Atropos,
Un Spectre, une carcasse, et pour bien dire en somme,
Ce mort ressemblait mieux un fantôme qu’un homme,
Sinon que de ses yeux morts et ensanglantés
Rejaillissaient encor tant de vives clartés,
Tant de traits, tant d’attraits, que pour moi il me semble
Que ce mort était vif, ou vif et mort ensemble ;
"We are the origins of war : not history's forces, nor the times, nor justice, nor the lack of it, nor causes, nor religions, nor ideas, nor kinds of government, nor any other thing. We are the killers. We breed wars. We carry it like syphilis inside. Dead bodies rot in field and stream because the living ones are rotten. For the love of God, can't we love one another just a little - that's how peace begins. We have so much to love each other for. We have such possibilities, my children. We could change the world."
- Katherine Hepburn as Eleanor of Aquitaine in "The Lion in Winter"
"Nous sommes à l'origine de la guerre : ni les forces de l'histoire, ni les temps, ni la justice, ni l'absence de justice, ni les causes, ni les religions, ni les idées, ni les types de gouvernement, ni quoi que ce soit d'autre. Nous sommes les tueurs. Nous engendrons les guerres. Nous les portons en nous comme la syphilis. Les cadavres pourrissent dans les champs et les cours d'eau parce que les vivants sont pourris. Pour l'amour de Dieu, ne pouvons-nous pas nous aimer les uns les autres, ne serait-ce qu'un peu - c'est ainsi que la paix commence. Nous avons tant de raisons de nous aimer. Nous avons de telles possibilités, mes enfants. Nous pourrions changer le monde."
- Katherine Hepburn dans le rôle d'Aliénor d'Aquitaine dans "Le lion en hiver"