COLLISION


Qu'est-ce qui définit l'humain ? Quel est sa place dans ce que l'on nomme l'univers, dans tout ce qui constitue les dimensions du réel, avec ce qui est visible et ce qui reste imperceptible ? Si ce problème reste difficile à exprimer, la réponse triviale l'est moins, c'est même une évidence qui saute aux yeux. L'espèce humaine est proche du monde animal, tout le démontre et tout le prouve. L'humain est un animal parmi toutes les espèces qui foisonnent et qui portent l'intelligence.

Sur la planète Terre, l'intelligence humaine devient un problème autant pour elle-même, que pour ce qu'elle provoque, cette violente collision avec le vivant. Elle se définit souvent comme une contradiction et une exception dans l’univers. Ce qui lui donne des prétextes pour tout faire, y compris devenir une menace pour cet équilibre délicat qui maintient la biodiversité. Elle est devenue un péril pour les écosystèmes, et c’est peu dire quand elle s'écarte même de ce qui permet de maintenir la vitalité.

Qu'est-ce que la véritable intelligence ? Est-ce l'utilisation de procédés techniques pour envoyer des êtres humains dans l'espace ? Est-ce le recours systématique à la guerre sous toutes ses formes au cours de l'histoire, pour maintenir différents régimes politiques et idéologies ? Est-ce la prouesse d'allumer le feu nucléaire et de tout exterminer comme preuve de puissance ?

Tout cela n'est pas qu’un problème de philosophie, tout ou tard cette obligation de regarder la réalité en face s'imposera par elle-même. Les promesses politiques d'où qu'elles viennent sont impossibles à croire. C'est une évidence qui peut être démontrée, et le recours systématique à la raison ne suffira plus, car l'intelligence humaine a démontré au cours de l'histoire ses propres limites.

Cela a déjà été expliqué à de si nombreuses reprises que l'on ne peut plus nier cette vérité : l'intelligence est la capacité d'une espèce ou d'un individu à s'adapter au changement de son environnement et à survivre aux catastrophes au cours de sa propre évolution.

Ce simple fait expose à la vue de tous les faillites d'une humanité qui a tâtonné à l'aube de son histoire pour se maintenir en vie, qui a ensuite pris de l'ampleur pour contrôler son espace, pour finalement s'accaparer son environnement et s'étendre jusqu'à enfreindre les règles de coexistence avec tout ce qui est vivant. Le constat est sans appel, cette humanité ne fait pas partie des espèces les plus intelligentes qui peuplent l'univers.

Tant que l'Homme n'arrivera pas à se mettre à la place des autres espèces, il restera aveugle. Tant qu'il se placera à la tête du règne animal, il sera incapable de comprendre la complexité de son propre monde, et la diversité des intelligences des autres espèces. C'est une constante dans l'histoire, cette erreur de perception dramatique qui contamine tous les systèmes de valeurs et qui se propage génération après génération.

Cette erreur systémique se maintiendra et continuera à croître jusqu'à ce que sonne le glas, et qu'on dise que l'humanité est en voie d'extinction. Il est maintenant inutile de rechercher des solutions magiques, des remèdes miracles, ou d'avoir recours aux chimères et illusions pour gagner du temps. Tous les efforts et les bonnes volontés ne serviront à rien tant que l'humanité continuera de mettre ses capacités intellectuelles au service de l'autodestruction.

Les humains ont une compréhension du monde qui correspond à ce qu'ils attendent de leur histoire et d'eux-mêmes, c'est à dire une vision bien limitée. L'humanité ne peut pas survivre toute seule, ni de continuer à nier la réalité en justifiant sans cesse ses actions désastreuses. S'il reste encore de la sagesse, il faut qu'elle redécouvre ce besoin des autres espèces vivantes pour survivre un peu plus longtemps dans un univers qui l'observe.


 

Anciens poèmes chinois d'auteurs inconnus
traduits par Tsen Tsomming

ILS SE BATTENT A LA PORTE DU MIDI

Et, au nord de la muraille, ils sont morts.
Sans tombeau, les corps lacérés gisent sur la plaine.
Partout, se dirige l'essaim de noirs corbeaux.
Attendez, attendez, méchants oiseaux,
Soyez généreux pour le moment.
Ces malheureux cadavres
Resteront toujours votre proie,
Aucun os blanc ne pourra vous échapper.
Tout est calme, seul retentit le bruit des vagues
Qui se brisent avec fracas contre le rivage.
Dans l'obscurité, le vent courbe
Les roseaux et les joncs mobiles.
Les excellents chevaux meurent
Après de terribles combats.
Quelques montures tristes vont et reviennent.
En poussant vers le ciel des clameurs funèbres...


 

The Sick Rose
By William Blake

O Rose thou art sick.
The invisible worm,
That flies in the night
In the howling storm :

Has found out thy bed
Of crimson joy :
And his dark secret love
Does thy life destroy.


 

 

Vers dorés, par Gérard de Nerval


Homme ! libre penseur - te crois-tu seul pensant
Dans ce monde où la vie éclate en toute chose :
Des forces que tu tiens ta liberté dispose,
Mais de tous tes conseils l'univers est absent.

Respecte dans la bête un esprit agissant : ...
Chaque fleur est une âme à la Nature éclose ;
Un mystère d'amour dans le métal repose :
"Tout est sensible ! " - Et tout sur ton être est puissant !

Crains dans le mur aveugle un regard qui t'épie
A la matière même un verbe est attaché ...
Ne la fais pas servir à quelque usage impie !

Souvent dans l'être obscur habite un Dieu caché ;
Et comme un oeil naissant couvert par ses paupières,
Un pur esprit s'accroît sous l'écorce des pierres !