L’indexicalité nous amène tout naturellement à évoquer la notion de membre. Nous avons vu qu’elle dépendait des locuteurs et des ethnies qu’ils forment en tant que groupe. Mais ce n’est pas au regard d’une définition sociologique que les membres se définissent. C’est leurs pratiques indexicales qui structurent la qualité de membre. Il ne s’agit pas de cataloguer l’individu dans des créneaux tel que le définit l’Institut National de la Consommation.C’est une adhésion locale qui peut être multiforme. Un ethnologue peut appartenir à la tribu des ethnologues et appartenir également à la tribu des mélomanes. A chaque fois le membre vit sa plénitude dans le groupe auquel il adhère localement. Il partage le langage, les vues, les us des deux groupes.
L’espace du WEB est un espace de liberté, où chacun peut prendre de multiples facettes. Il n’a aucune réalité physique en dehors de la communication. Il s’arrête dès que j’éteins l’écran. En revanche, l’utilisateur d’Internet évolue dans des micro-ethnies qu’il partage avec tous ses membres. La vie qu’il vit appartient à une autre réalité que celle dont nous avions coutume de parler en tant que réalité objective. On savait depuis Freud qu’il existe une multitude de réalités inhérentes au schéma de représentation du processus logique de la pensée, ainsi que des états d’être.
Les membres utilisent un code qui n’est en vigueur que pour eux-mêmes, et ne peut être explicite certaines fois que pour eux seuls. Ce sont les règles qui régissent leur mode d’existence et de représentation.
L’ensemble des activités humaines ne peut se résumer à un qualificatif. C’est une procédure inacceptable pour l’ethnométhodologie. L’ensemble des productions de l’individu se répartit dans sa journée dans plusieurs micro-ethnies. Si la journée d’un individu lambda se résumait en Métro-Boulot-Dodo, il est tour à tour membre de la population qui se déplace pour aller prendre le métro, un passant. Il est un passager du Métro avec comme sous-catégorie le nom de la ligne, il effectue un nombre de stations différentes des autres personnes dans une direction donnée. Il passe sa journée de travail dans un groupe bien défini ; par exemple le secrétariat ou la comptabilité, Il fait un travail bien spécifique dans son groupe ; si c’est la comptabilité il ne peut s’occuper que de la facturation des achats. Et ainsi de suite tout au long de sa journée jusqu’au Dodo. Et là encore il appartient à la tribu des personnes qui dorment à ce moment précis. Seul ses rêves lui appartiennent mais à lui tout seul, il représente un membre de ses rêves : « une tribu d’un seul individu ! » .
Un membre, c’est donc une personne « dotée d’un ensemble de procédures, de méthodes, d’activités, de savoir-faire qui la rendent capable d’inventer des dispositifs d’adaptation pour donner sens au monde qui l’entoure ».[1] Le membre véhicule sa propre production qu’il partage ou non avec 1 ou N individus. Il donne par son action de production du sens.
1 [1]Coulon, l’Ethométhodologie PUF 1987 - Que Sais-je ? 2393.