V - CONCLUSION

"Le sens de la politique est la liberté"




C'est sur ce dernier point que je souhaite conclure mon propos, car c'est principalement autour de cette question de la liberté que ma trajectoire a rencontré tant celle d' Yves Lecerf que celle de Robert Jaulin. Et c'est parce que l'un et l'autre m'ont paru dès l'abord attacher la plus grande importance à ce lien entre Politique et Liberté réfutant l'idée communément répandue que ces deux exigences sont inconciliables (53) , que j'ai rejoint l'Ethnologie puis l'Ethnométhodologie.

J'argumenterais brièvement cette position, à partir de la réflexion d'Hannah Arendt qui, de par sa qualité de femme et de philosophe, au coeur de la période la plus noire qu'il nous ait été donné de connaître en ce 20ème siècle (le nazisme), me semble idéalement placée pour en témoigner.

Elle dit dans 'Politique et Liberté' : "A la question du sens de la politique, il existe une réponse si simple et si concluante en elle-même qu'on pourrait penser que d'autres réponses sont totalement superflues. Cette réponse est : le sens de la politique est la liberté. "

C'est ici que se situe à mon avis l'articulation principale de cette question, car la notion d'humanité. plurielle ne pouvant se contenter d'être une catégorie de la littérature, il faut bien que cette pluralité soit prise en compte dans le politique jusqu'à - pourquoi pas - en devenir une condition, c'est à dire constituer ce qu' Arendt dans la lignée de Socrate, appelle "une unité constituée de singularités différenciées et non pas uniciste ". Ce qui revient à opposer un système dont toutes les composantes sont unifiées parce que "semblables , à un système où les diversités sont unifiées parce qu'elles sont rendues "compatibles".

Il semble y avoir là deux sens opposés au mot unifié, l'un signifiant "ramené au même" et l'autre "acceptation et prise en compte de l'autre"; soi et l'autre voilà qui nous amène au coeur du débat ethnologique et l'Ethnométhodologie apparaît bien en cela, "fille de l'Anthropologie" comme le revendiquait Yves Lecerf .

Faire reconnaître ce simple fait et les conséquences qui en découlent, telle fut la croisade opiniâtre qu'il mena au sein du département d'Ethnologie i.e. de Paris 7 mais également au sein du département d'Informatique de Paris 8, et il n'en restera peut-être dans la mémoire de ces deux disciplines qu'un instant de bonheur suspendu entre ciel et terre dont le magicien aurait été ce funambule ambigu dans l'espace et le temps, cette sorte de Petit Prince de la Liberté qu'était Yves Lecerf.


53) Hannah Arent déjà citée auparavant, pose dans son ouvrage "Politique et Liberté" la question de savoir si l'émergence des totalitarismes dans le cours de ce 20ème siècle et l'absence totale de liberté qui lui est communément associée, ne conduit pas à conclure que politique et liberté sont totalement inconciliables. Pour sa part, elle considère que le postulat selon lequel dans les formes totalitaires d'Etat, l'existence entière de l'homme est totalement politisée, est mensonger. Pour elle, il resterait donc un espace de liberté même dans ces formes d'état, ce qui augurerait du mieux quant à des formes plus libertaires d'organisation. Il en résulte que "politique" et "liberté" ne seraient pas inconciliables puisque même les formes d'état qui revendiquent une politisation maximale de la vie des gens ne pourraient empêcher que des parcelles de liberté se glissent en elles !