QUESTION 4 (La chanson de Jyvukugi)

Dans sa "Chronique des Indiens Guayaki", Pierre Clastres écrit ce qui suit :

(...) Jyvukugi, plus lucide que la plupart de ses compagnons, savait dire ce qu'ils ressentaient. Je le priai un jour de chanter des prières de chasse pour les enregistrer. Mais il préfèra choisir un autre thème. Chaque couplet psalmodié sur un ton d'une tristesse et d'un dégoût profond, mourait sur une plainte, prolongée par la délicate mélancolie de la flûte. Il chanta ce jour-là des Aché et son désespoir que tout était fini.

"Les Aché, lorsqu'ils étaient des Aché véritables, lorsque les Aché étaient de vrais Aché alors ils en flèchaient des animaux, alors elle était bonne la graisse de Coati. Et maintenant, les Aché ne sont plus les Aché. Oooh!

Les Aché, lorsque jadis qu'ils étaient des Aché véritables, ils flèchaient beaucoup de Coati dans la forêt, et tous ils mangeaient la peau à la graisse épaisse. Les Aché ne sont plus les Aché. Oooh!

Les Aché, les Aché dans la forêt, ils fléchaient tous les animaux : les cochons sauvages puants, pour les tuer, ils rassemblaient leurs flèches, il y avait beaucoup de viande à manger. Mais les Aché ne flèchent plus les animaux dans la forêt. Oooh!

Les Aché dans la forêt rassemblaient leurs flèches pour tuer les cochons, ils se régalaient de la viande dont le sang étaient bien sec. Maintenant, ils se roulent dans la cendre, les Aché. Ils n'en flèchent plus des animaux dans la forêt. Oooh! Et maintenant, quand dans la forêt on entend crier des animaux, les Aché ne vont plus les flècher. Oooh!

Les Aché qui jadis tuaient des Jaku, dont ils mangeaient la bonne graisse, ils sont devenus tout maigres, ils puent autour de leurs feux, tout noirs de cendres, ils puent beaucoup, ils ne forcent plus d'animaux dans la forêt, les Aché, Ils ont cessé de flècher.

Les Aché dans la forêt rassemblaient leurs flèches pour tuer les grands cochons sauvages. Et quand ils avaient mangé la délicieuse viande, ils étaient tous bien contents, les Aché. Ils n'attaquent plus les animaux dans la forêt. Oooh! Quand ils entendaient sur la piste le vacarme des grands sangliers,  le bruit des machoires entrechoquées, alors les Aché tuaient les animaux, et de leurs prises, ils mangeaient la bonne viande des pattes, ils la suçaient comme des enfants, ils étaient tous heureux. Ils ne tuent plus d'animaux les Aché! Oooh!

Jyvukugi chanta longtemps, passant en revue la plupart des animaux qui chassent les Aché.


Pouvez vous analyser le contenu de ce texte en termes de redéfinitions par substitutions du type :

X=/=X
X1 =/= X2

en prenant pour X le mot "Aché".
 

REPONSE à la question 4

Ce texte redéfinit à l'évidence la notion de "Aché" c'est à dire de "Indien Aché" sur la base d'un constat de type "X=/=X" et plus précisément "Aché =/= Aché" contenu dans la dernière phrase du premier paragraphe :

"Les Aché ne sont Plus des Aché Oooh!"
Cette phrase est du reste reprise aussi à la fin du second paragraphe.

La substitution Proposée par Jyvukuji au second paragraphe et dans la suite est du type :

Aché (actuel) =/= Aché (de jadis) = Aché (véritable)
Le caractère complexe des opérations de calcul liées à ce genre de substitution est particulièrement bien illustré par la longueur de ce texte, où interviennent des arguments de définition extrêmement variés : coatis dans la forêt, cochons sauvages puants, jaku à la bonne graisse, bonne viande des pattes des grands sangliers, etc., ce qui fait au total beaucoup d'éléments à prendre en compte pour discuter simplement de la question de savoir si l'on est soi-même.