V - CONCLUSION

 

A) L'ethnologie, pôle privilégié d'une indispensable renaissance de la contestation médiévale des universaux (et du l'universel) au profit d'une reprise de conscience des vrais modalités du réel, qui ne sont jamais que locales et particulières.

 

Si étrange et paradoxale que puisse paraître, de la part de d'une science, l'adoption d'un parti pris de négation de l'universel, l'attitude épistémologique consistant à nier l'existence en ethnologique de significations universelles se révèle à la fois :

 

- particulièrement féconde au niveau des réalités qu'elle doit découvrir, et des applications pratiques qu'elle suscite.

 

- et particulièrement solide au plan méthodologie s'agissant d'une démarche plus critique que toutes celles susceptibles de lui être comparées.

 

Nier à priori la possibilité de tout discours conduit donc finalement tout de même l'ethnologue à parler ; mais à parler avec moins de parti pris terroriste ; et à communiquer peut-être finalement davantage.

Mieux que toute autre discipline, et grâce à la nature même de son terrain, l'ethnologie se prêtait et se prête à faire apparaître que la position consistant à nier les universaux:

 

- reste finalement compatible avec le développement de discours cohérents de description du monde (et même du seul discours cohérent, puisque non universel)

 

- se révèle tout de même susceptible d'inspirer des développements d'activités propres à enrichir considérablement le champ de le connaissance (applications).

 

- apporte à la perception du monde des bases d'autant plus solides qu'elles auront traversé l’épreuve de la plus violente contestation concevable : celle consistant à nier le sens de tout discours.

 

Il ne fait aucun doute que Robert Jaulin, occupé une place complètement à part au niveau de cette renaissance de la querelle des universaux ; que ses écrits ont été dans le monde les seuls à en révéler, de façon parfaitement nette, l'aveuglante nécessité et que de ce fait l'université Paris VII  a été et doit demeurer un pôle privilégié de cette renaissance.

 

B) L'ethnologie des sectes et mythes du futur, de fait de l'évidence des basculements de significations (ou même des disparitions totales de significations) qui s'y manifestent sous les yeux mêmes de l'observateur occidental, constitue un terrain privilégié pour la relance en Europe d'un tel renouveau épistémologique anti-universaliste.

 

Bien que sur le plan des principes, tout ait réellement été dit par Robert Jaulin dès la publication de "la mort Sara", il n'en restait pas moins ( et il reste encore) une certaine difficulté à taire qu'une vérité en partie née au Tchad soit perçut comme totalement pertinente à Paris.

 

Le terrain des sectes et mythes du futur en occident eu (XXème siècle offre d'autres opportunités de faire rebondir la révolution épistémologique réclamée par Robert Jaulin, sur la base de données concrètement observables à Paris même, En outre, l'existence applications conduit cette relance à s'intégrer à la vie même, non seulement de par la problématique qu'elle suscite, mais encore de par les conclusions qu'elle inspire.

 

 

C) En raison de son aptitude paradoxale à pouvoir contester l'universel et contester jusqu'à la possibilité de parler universellement, sans pour autant disparaître en tant que discours et mourir en tant que science, l'ethnologie, discipline jusqu'ici communément considérée comme périphérique dans le champ de la connaissance, pourrait être appelée à devenir un pivot épistémologique autour duquel s'articulerait toutes les autres disciplines.

 

De toutes les branches de la connaissance, l'ethnologie était apparue jusqu'à il y a peu d'années comme une des plus périphériques. Son objet n'était-il pas lointain, folklorique, exotique, étrange parfois au point d'en devenir aliénant, et relevant de descriptions ultra spécialisées, intéressant surtout des experts en sociétés primitives ou barbares.

 

Par un singulier renversement des choses, cette discipline jusqu'ici périphérique entre toute pourrait bien, à bref délai, être appelée à occuper un rôle de plus en plus central au niveau de la démarche cognitive du monde occidental tout entier, et cela :

 

- d'une part, du fait d’un ironique retournement d'objet ; des méthodes de réflexion mises au point pour l'étude d'ethnies lointaines peuvent être soudain réorientées vers notre civilisation  et réappliquées en vue de sonder les mystères cachées de nos propres sociétés ; c'est ce que fait par exemple, dans son livre " le pouvoir sur scènes ", Georges Balandier.

 

- mais d'autre part et surtout du fait du son étrange aptitude à générer un discours qui subsiste par delà même la négation de tout discours ; à générer une démarche cognitive qui se poursuit  et progresse, par delà même la négation de toutes les significations.

 

Une fois brisées ces idoles que sont les universaux, il apparaît une faille dans le champ de le la sociologie (faute de pouvoir parler en général) ;  une faille dans le champ de la linguistique (faute de pouvoir mettre des significations en phase des phrases) ; une faille dans le champ de la philosophie (faute de pouvoir faire le partage entre la raison et la folie) ; mais il reste l'ethnologue poursuivant l'exploration de son terrain, à la manière par exemple dont cette opération s'enseigne et s'apprend à l'Université Paris VII. C'est pourquoi il ne semble pas impossible d'envisager que le rôle épistémologique central que l'Occident avait pu croire dévolu, tantôt à 1a sociologie, tantôt à  la philosophie, tantôt à la linguistique, puisse avoir des chances d'être un jour paradoxalement dévolu à cette discipline jusqu'ici périphérique entre toutes qu'est l'ethnologie.