Mel Vadeker ( juillet 2002)
Ce qui suit est une tentative de vulgarisation, elle n'est pas définitive et s'appuie sur les travaux que j'ai exposés dans mon site.
La rationalité c'est le système (formalisé ou non) de croyances qui permet à un individu de traiter des informations en provenance de ses sens, de ses connaissances.Le raisonnement c'est le calcul où la succession de calculs qui procède d'une certaine rationalité et qui permet à l'individu de comprendre la réalité du monde à travers la perception qu'il en a.
Le cerveau, c'est le lieu de prédilection du calcul, mais ce n'est pas le seul, il ne faut pas oublier que d'autres organes du corps participent au calcul de la réalité, à sa perception, à sa compréhension.
Quand on parle de calcul, il s'agit d'opérations de traitement effectuées en continue, sequentiellement ou en parallèle. Opérations qui peuvent être représentées par des opérations logiques ou par l'usage d'une logique bizarre ou étrange.
Un paradoxe, c'est un élément d'une perception qui provoque un défaut ou une erreur de calcul dans le raisonnement, entraînant par réaction, le classement comme irrationnel d'une certaine perception.
La rationalité et l'irrationalité d'une perception n'est pas une chose que l'on peut par avance cataloguer de façon universelle. Elle dépend de 3 choses :
- du système individuel de représentation du monde ( son système de rationalité )
- du calcul effectué à l'intérieur d'une rationalité ( son raisonnement )
- de son cerveau et d'organes agissant comme des senseurs et des effecteursOn pourrait croire ainsi que l'etre humain se compose comme une machine mais il n'en est rien car :
1/ Il n'est pas possible d'avoir une vue d'ensemble de fonctionnement complet de l'être humain. Autrement dit, d'avoir une vue complète et objective de l'interaction entre la rationalité, le raisonnement, le cerveau , le corps, les sens (internes ou externes), l'action du corps sur l'environnement (effecteurs).
2/ Chaque fois que l'on modélise le fonctionnement de l'homme dans son milieu, il faut bien sur expliquer qu'il s'agit d'hypothèses approximatives et très simplifiées. D'ailleurs il n'est même pas démontré ou démontrable, qu'un jour on puisse arriver à atteindre un tel état de modélisation.
3/ Modéliser le fonctionnement de l'homme c'est dejà faire soi-même une opération de raisonnement sur un comportement autre que le sien. On se sert de sa propre rationalité pour comprendre un autre système rationalité-raisonnement-cerveau-corps. Il y a donc une influence possible, une source de perturbation entre rationalité de l'observateur et l'analyse qu'il pourra faire ensuite de ces observations.On peut ainsi se demander : Quel cerveau faut-il avoir pour comprendre le cerveau ? Comment faire pour limiter l'influence de sa propre rationalité dans l'analyse de la rationalité des autres ?
Un moyen, c'est adopter une théorie qui permet de prendre en compte toutes les interactions possibles et inévitables entre sa propre connaissance personnelle et la perception du monde qui nous parvient et que l'on cherche à analyser.C'est dans cette optique que l'on peut se servir de l'ethnométhodologie pour construire cette science des rationalités locales, science capable d'en décrire l'évolution et le fonctionnement tout en prenant compte des sources possibles de perturbations produites par notre propre intervention comme observateur.
Pour être précis, il n'y a pas une, mais plusieurs ethnométhodologiques, chacune étant à la fois, adaptées à des champs d'etudes spécialisées ou circonscrits, et représentant également une posture intellectuelle adoptée par l'observateur analysant une ou des rationalités locales dans le temps.
L'ethnomethodologie étant de fait, une rationalité locale, elle peut s'appliquer à elle-même ses propres critères qu'elle utilise pour analyser de façon récursive son propre fonctionnement. Elle devient donc sa propre métathéorie et par là, peut revendiquer l'étude du champ global de la connaissance. Elle peut devenir la métathéorie de toutes les théories, étant donné qu'une théorie dans une discipline scientifique, dans une culture, dans un savoir profane ou expert, procède d'une certaine rationalité.
Les implications épistémologiques sont nombreuses, elles permettent entre autre, pour le cas des paradoxes de créer une logique des logiques décrivant l'activité de certains paradoxes tout en n'en subissant pas les effets. Il s'agit donc d'un hyper rationalisme qui dépasse le rationalisme classique et le relativisme, qui en décrit les limitations et les potentialités.
En faisant de la sorte, on ne se trouve, ni dans le relativisme, ni dans le subjectivisme, ni dans le constructivisme, ni dans le romantisme, ni dans le rationalisme classique. Car le rationalisme ethnométhodologie est, à la fois à l'intérieur de chacune de ces théories cognitives, et à l'extérieur car elle en décrit le fonctionnement. Ce qui permet d'avoir une attitude rigoureuse pour traiter des limitations propres à l'ethnocentrisme et pour construire une dialectique des contradictions entre différentes théories cognitives. En faisant ainsi elle les intègre dans une théorie plus vaste sans les nier.
L'ethnométhodologie ne renie en rien les objectifs du déterminisme scientifique, elle tente seulement de porter un autre regard sur les phénomènes de complexité cognitives difficilement calculables ou modelisables. En proposant de nouvelles approches elle permet de résoudre certaines contradictions, de délimiter certains paradoxes, de créer des passerelles cognitives entre théories qui semblent contradictoires, d'expliquer le fonctionnement de certains propriétés indécidables. Par exemple, prendre en compte du caractère permanent qu'est la dérive du langage, introduire la notion d'indexicalité pour expliquer comment se produit cette dérive qui touche également la perception des objets et des faits ; ce n'est pas nier le déterminisme mais introduire les bases d'un autre type de rationalisme mieux adaptés à certaines activités d'analyse et de prévision.
Un individu qui adapte une posture ethnomethodologique peut donc dire qu'il utilise un hyper rationalisme capable de gérer les contradictions et les paradoxes logiques qui se présentent à lui dans le cadre de son propre corpus de connaissances. Plus son expérience est étendue, plus il pourra dire qu'il gère au mieux certaines contradictions. Ce qui permet d'expliquer pourquoi certaines personnes arrivent à se sortir de situations paradoxales et d'autres n'y arrivent qu'avec une aide extérieure (exemple des études faites par l'école de Palo Alto dans le cadre des psychothérapies systémiques).