Le syndrome de la grenouille cuite, la métaphore, le paradoxe et la moralité


La métaphore de la grenouille qui ne savait pas qu'elle était cuite

Une grenouille nage dans une marmite remplie d’eau. Un feu est allumé sous la marmite de façon à faire monter progressivement la température. La grenouille  nage sans s'apercevoir de rien. La température continue de grimper, l’eau est maintenant tiède. La grenouille s'agite moins mais ne s’affole pas pour autant. La température de l'eau continue de grimper. L’eau est cette fois vraiment chaude,  la grenouille commence a trouver cela désagréable, elle s’affaiblie mais supporte la chaleur. La température continue de monter, jusqu’au moment où la grenouille va tout simplement finir par cuire et mourir. Si la même grenouille avait été plongée directement dans l’eau à 50 degrés, elle aurait immédiatement donné le coup de patte adéquat qui l’aurait éjectée aussitôt de la marmite. Cette expérience montre que, lorsqu’un changement s’effectue d’une manière suffisamment lente, il échappe à la conscience et ne suscite la plupart de temps aucune réaction, aucune opposition, aucune révolte.

"Cette thèse se fonde sur l'idée que si l'on plongeait subitement une grenouille dans de l'eau chaude, elle s'échapperait d'un bond. Alors que si on la plongeait dans l'eau froide et qu'on portait très progressivement l'eau à ébullition, la grenouille s'engourdirait ou s'habituerait à la température et finirait ébouillantée."

Bien que l'expérience soit controversée et que la thèse soit sujette à discussion, la parabole de la grenouille qui ne savait pas qu'elle était cuite traduit le phénomène d'habituation et de passivité dans un environnement qui se dégrade progressivement au point de mettre sa propre vie en péril. C'est donc une métaphore qui est souvent utilisée pour dénoncer la passivité de l'homme et inciter à l'éveil des consciences.

 


Le paradoxe de la grenouille qui voulait être cuite

 

Championnat du monde de Sauna, origine d'un drame et contre-enquête

Une compétition hors du commun qui attirait des milliers de spectateurs. Les deux finalistes du Championnat du monde de Sauna qui se déroulait en Finlande en 2010, à Heinola dans le sud de la Finlande, n'ont pas supporté les 110 degrés ambiants. Cette année là, la compétition a rassemblé 135 participants de 15 pays. De l’eau était ajoutée dans la chaufferie toutes les 30 secondes, et la dernière personne qui restait, était déclarée vainqueur. Pour la finale de la compétition, lorsque les portes du sauna se sont ouvertes, les deux hommes aux corps brulés se sont effondrés. Le Finlandais Timo Kaukonen, tenant du titre, a été transporté à l'hôpital. Le Russe Vladimir Ladyjensky, qui avait pris la troisième place en 2009, est décédé. « Toutes les règles avaient été respectées », assurent pourtant les organisateurs. La compétition "a été interrompue immédiatement après l'accident. La police a ouvert une enquête, a-t-il dit, affirmant que "toutes les règles avaient été respectées" et que tous les participants avaient été soumis à des examens médicaux avant le début des championnats. "Je sais que c'est très difficile à comprendre pour les gens en dehors de la Finlande, qui ne sont pas familiers avec la pratique du sauna", a expliqué l'organisateur. "Il n'est pas inhabituel d'avoir une température de 110 degrés dans un sauna. Beaucoup de compétiteurs se sont assis dans des températures plus élevées que ça", a-t-il ajouté. Une enquête a été ouverte par la police finlandaise, qui devra déterminer les responsabilités dans cet accident. Les organisateurs du championnat du monde de sauna ont d’ores et déjà annoncé que l’édition 2010 serait la dernière. Le sauna est une activité très populaire en Finlande, où l’on compte quelque 1,6 million de cabines pour 5 millions d’habitants.

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Les Championnats du monde de sauna étaient une épreuve d'endurance annuelle tenue à Heinola, Finlande, de 1999 à 2010. Ils provenaient de compétitions de sauna non officielles qui ont abouti à l'interdiction d'une salle de natation à Heinola. Les championnats ont eu lieu en 1999 et se sont développés pour présenter des candidats de plus de 20 pays. Le bain de vapeur au sauna dans des conditions extrêmes est un risque grave pour la santé : tous les concurrents ont participé à leurs propres risques, et ont dû signer une entente préalable pour ne pas prendre une action en justice contre les organisateurs. C'est pour cela que la Société Finlandais de Sauna a été fermement opposé à l'événement. Après la mort d'un finaliste et la quasi-mort d'un autre lors du championnat 2010, les organisateurs ont annoncé qu'ils ne proposeront plus d'autres événements similaires. Ceci fait suite à une annonce faite par les procureurs en charge du dossier, le comité d'organisation ne serait pas accusé de négligence, leur enquête a révélé que le candidat décédé a peut être utilisé des analgésiques et des onguents qui ont été interdits par les organisateurs.
Les championnats ont commencé avec des rounds préliminaires, pour aboutir à des finales, où les six meilleurs hommes et les femmes furent sélectionnés pour leur aptitude à rester dans le sauna le plus longtemps possible. La température de départ dans la compétition chez les hommes était de 110 ° C. Un demi-litre d'eau était versé sur le feu toutes les 30 secondes. Le gagnant devait être la dernière personne à rester dans le sauna et sortir sans aide extérieure. Habituellement le pays hôte a dominé l'épreuve, et un seul concurrent étranger a pu concourir pour la phase finale dans la compétition des hommes. Le premier vainqueur non-finlandais dans la compétition des femmes était Natallia Tryfanava du Bélarus en 2003.
En 2010, le finaliste le finlandais Timo Kaukonen cinq fois champion, et l'ancien troisième place, le russe Vladimir Ladyzhensky, sortirent tout deux après six minutes dans le sauna, les deux souffrant de terribles brûlures et de traumatismes. Selon un spectateur qui a demandé à ne pas être identifié, Kaukonen a pu quitter le sauna avec une assistance, mais Ladyzhensky a dû être traîné, et a immédiatement eu des crampes et des convulsions. Ladyzhensky est décédé malgré les efforts de réanimation des secouristes et Kaukonen a été transporté à l'hôpital. L'equipe médicale a déclaré qu'il souffrait de brûlures extrêmes, et son état a été décrit comme critique, mais stable. Juste quelques minutes avant la finale, Kaukonen a déclaré au journal norvégien Verdens Gang que les saunas utilisés pour le championnat de 2010 étaient plus extrêmes que les saunas utilisés pour les compétitions précédentes. Comme Kaukonen et Ladyzhensky ont été disqualifiés pour ne pas être sortir du sauna par eux-mêmes, Ilkka Pöyhiä est devenu le vainqueur.
Kaukonen s'est réveillé après un coma médicalement provoqué six semaines après l'événement tragique. Son système respiratoire a été brûlée ainsi que 70% de sa peau, et ses reins ne fonctionnaient plus. Quelques mois plus tard, on a annoncé qu'il récupérait rapidement. Il ne blâma pas les organisateurs de ses blessures. L'autopsie de Ladyzhensky conclu qu'il était mort de brûlures au troisième degré. Sa mort a été favorisé par son utilisation d'analgésiques puissants et d'anesthésiques locaux sur sa peau. Alors que Kaukonen a concourut selon les règles.

 

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Si nous reprenons la métaphore de la grenouille cuite, on pourrait dire dans ce cas que la grenouille organise consciemment un test suicidaire au seuil de ses capacités de résistance à la chaleur. La grenouille sait qu'elle est en train de cuire puisqu'elle constate la hausse de la température ambiante mais n'agit pas pour s'enfuir, car elle souhaite prouver qu'elle peut survivre aux limites qu'elle s'impose, dans un système qui se dégrade au point de lui faire atteindre le seuil de sa propre mort. Cette expérience est irrationnelle et aucun animal autonome, libre de tout mouvement, n'adopterait un tel comportement suicidaire. Cette attitude face au danger est incompatible avec l'instinct de survie et l'évaluation du risque dans le règne animal. On peut se demander pourquoi l'Homme y succombe et pense pouvoir s'en sortir  ? Si l'Homme au sommet de son intelligence, n'est pas capable de faire la part des choses et se laisse enfermer dans des systèmes de croyances périlleux et des représentations erronées sur ses propres capacités, il persistera dans l'erreur, enfermé dans une boucle sans fin,  jusqu'au drame final ou les conditions de sa survie ne seront plus assurées. Nous avons là un paradoxe qui pourrait illustrer un autre aspect de la métaphore, la grenouille sait qu'elle est en train de cuire mais elle persiste à rester dans la marmite au lieu de s'enfuir.

 


Moralité du syndrome de la grenouille cuite

Personne n'est profondément idiot. Tout les êtres vivants sont doués d'une intelligence instinctive, comme s'il y avait un génie dans la bouteille génomique. Ce génie sort parfois de sa cachette, à la rescousse d'un patrimoine biologique à la dérive ou pour favoriser un changement nécessaire pour la survie de l'espèce dans un environnement hostile. Certains aimeraient croire que les humains peuvent être comme des grenouilles que l'on peut cuire à petit feu dans une marmite géante, et qui ne s'apercevront que trop tard de la fatalité de leur triste sort. Ce n'est pas sans compter sur l'instinct de survie et l'intelligence intrinsèque de toute forme de vie, car tant que la grenouille a la possibilité de bouger, elle peut compter sur son instinct de survie et non sur sa raison, elle finira par bondir et sortir de la marmite avant d'être totalement cuite.

C'est bien plus que l'instinct qui s'exprime, c'est une évidence biologique : Le professeur Doug Melton du département de biologie de l'université de Harvard dit quant à lui que « Si l'on plonge une grenouille dans de l'eau bouillante, elle ne s'échappera pas. Elle mourra. Si on la met dans de l'eau froide, elle s'échappera avant qu'elle n'ait chaud -- les grenouilles ne restent pas assises tranquillement pour vous. »

Il n'y a que l'Homme déraisonnable qui peut consciemment rester dans un milieu hostile et dangereux, en dehors de ses propres limites de survie, que ce soit par défi, emporté par une étrange folie ou habité par la passion et l'émotion, par ce désir de prouver qu'il peut dépasser les seuils de résistance et survivre quoi qu'il arrive. Mais à quoi bon tant de persévérance dans l'erreur, tant d'aveuglement face au danger, si cela le même irrémédiablement à sa perte, surtout s'il connait par avance les risques qu'il court. A moins qu'il n'agisse de la sorte pour se sacrifier en toute connaissance de cause, ce comportement déraisonnable s'apparente à un suicide par imprudence.

L'Homme raisonnable quant à lui, fera en sorte d'évaluer la part de risque qu'il prend, en adéquation avec sa nature d'être vivant et les conditions physiques qui lui permettront non seulement de rester vivant, mais également d'améliorer son sort en apprenant de ses erreurs. Pour ne pas se laisser enfermer dans un environnement qui le piège, il devra se fier autant à son instinct qu'à son intelligence pour contrôler des émotions qui parasiteraient son jugement. C'est dire l'importance de rester lucide face au danger.