Le 24 septembre 2003, les eurodéputés ont largement amendé le projet de directive proposé par la Commission (1), refusant ainsi la brevetabilité logicielle totale que souhaitaient instaurer les partisans d'une pratique « à l'américaine ».
Nous, associations et militants, nous félicitons de ce premier résultat. Nous remercions les eurodéputés pour leur travail, leur écoute et leur vigilance, qui leur ont permis d'apprécier les enjeux exacts du dossier malgré les pressions et les manipulations, telle cette tentative avortée de précipiter le vote pour le faire passer « à la sauvette » lors des dernières séances plénières, fin juin.
De la vigilance, les eurodéputés ont eu à en faire preuve plus que de coutume, le rapporteur du projet de directive, Arlene McCarthy, ayant sciemment dissimulé dans son exposé devant l'assemblée les nombreuses critiques factuelles qui lui ont été adressées. Madame McCarthy a ainsi purement et simplement ignoré les amendements d'encadrement de la brevetabilité soumis à la commission juridique par les commissions de l'industrie et de la culture, suite à l'audition des acteurs du secteur concerné (PME, scientifiques, économistes...).
Malgré ces tentatives de manipulation, les représentants des peuples de l'Union Européenne, directement alertés du danger par de nombreuses associations et professionnels, ont choisi d'amender très largement le texte qui leur était proposé. Ce faisant, ils en ont clarifié le contexte juridique, objectif prétendu des partisans de la directive, mais en rappelant l'impossibilité de breveter le logiciel en tant que tel. Et c'est a plus de 80% que les parlementaires européens se sont opposés à cette brevetabilité.
Mais les lobbies sont mauvais perdants...
Dès avant le vote, le commissaire européen Frits Bolkestein, chargé du marché intérieur et partisan acharné du brevet logiciel, affirmait que certains amendements seraient « inacceptables ». Le vote accompli, c'est au tour du juriste Alex Batteson, qui n'hésite pas à expliquer (2) : « Cela peut paraître peu démocratique, mais on peut soutenir que les amendements proposés montrent que les questions débattues sont trop complexes pour qu'on les laisse entre les mains du Parlement européen ». Son homologue français, Pierre Breese, va plus loin dans le déni démocratique en suggérant que les députés se seraient laissés instrumentaliser par les associations (3). Selon Alex Batteson « les amendements semblent avoir irrité le commissaire Frits Bolkestein ; il pourrait décider d'abandonner la directive au profit d'une renégociation de la Convention Européenne sur les Brevets. Le Parlement n'aurait ainsi plus à régler la question, qui serait confiée à des délégations nationales d'experts en brevets ».
On voit, une fois de plus, de grands démocrates - dont, chose inacceptable, un commissaire européen - indiquer leur préférence pour un gouvernement de l'Europe par quelques « gens de qualité », plutôt que par les représentants directs des peuples souverains. L'Europe serait-elle donc réellement cette « machine à trahir » que certains aiment à dépeindre ?
À travers la question des brevets c'est pourtant, comme l'a souligné fort justement Michel Rocard, celle de la gestion des savoirs qui est abordée. Un choix doit être fait entre une société sédimentant les monopoles du passé et confisquant le progrès technologique, ou bien une société où chacun profite pleinement de nouvelles possibilités de création et contribue à l'enrichissement du savoir collectif. Le peuple, et lui seul, doit se prononcer sur un tel enjeu. Ses représentants ont logiquement fait primer l'intérêt général des citoyens sur celui d'un quarteron d'« experts » travaillant pour leur propre intérêt et celui de leurs amis au sein de quelques multinationales majoritairement non européennes.
Face aux menaces, nous appelons à la plus grande vigilance les eurodéputés et l'ensemble des défenseurs des intérêts des Citoyens et des PME de l'Union. Le conseil des ministres du 10-11 novembre (4) peut être l'occasion pour les partisans de la brevetabilité logicielle de saboter discrètement, sans la visibilité d'un débat parlementaire public, le travail réalisé par les eurodéputés. Ne laissons pas manoeuvrer ainsi contre l'expression démocratique et confisquer un débat vital pour l'avenir de l'Europe.
(2) voir article : Logiciels: des juristes "probrevets" ne veulent plus de l'arbitrage du Parlement : http://www.zdnet.fr/actualites/business/0,39020715,39125506,00.htm
(3) ZDnet interview de Pierre Breese : http://www.zdnet.fr/actualites/technologie/0,39020809,39125528,00.htm
(4) Conseil des ministres "compétitivité", les 10-11 novembre : http://www.ueitalia2003.it/FR/LaPresidenzaInforma/Calendario/11/10/ev_10novCUEcmiir.htm
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