MUNICH (Allemagne), 11 fév 2007 (AFP) - Le secrétaire américain à la Défense Robert Gates a choisi dimanche de répondre avec une ferme courtoisie, sans dramatisation, au vif réquisitoire prononcé la veille par un président russe Vladimir Poutine visiblement exaspéré par la politique des Etats-Unis.
  
Rappelant d'emblée qu'il était comme M. Poutine un "vieux guerrier de la Guerre froide" et un ancien "espion", habitué à ce titre "à parler d'une manière tranchée", Robert Gates a estimé avec le sourire qu'"une Guerre froide avait largement suffi" devant la 43e Conférence sur la sécurité, à Munich.
  
Pour bien signifier que la hache de guerre, du point de vue de Washington, n'était pas déterrée malgré les attaques en règle du chef de l'Etat russe, il a annoncé en même temps qu'il avait été invité cette semaine à se rendre à Moscou "à la fois" par M. Poutine et par son collègue russe Sergueï Ivanov, rencontré jeudi à Séville (Espagne).
  
"Le monde réel dans lequel nous vivons est très différent et beaucoup plus complexe que celui d'il y a 20 ou 30 ans. Nous faisons tous face à des problèmes et des défis que nous devons affronter en partenariat avec d'autres pays, y compris la Russie", a-t-il ajouté.
  
Devant le même auditoire de dirigeants politiques et militaires, au premier rang desquels la chancelière allemande Angela Merkel, M. Poutine avait accusé les Etats-Unis de "déborder de leurs frontières dans tous les domaines" et de représenter un élément déstabilisateur dans le monde, faute de respect du  droit international.
  
Il s'en était également pris à l'Otan, accusée de violer les traités sur la réduction des forces conventionnelles en Europe, et avait réitéré son opposition aux bases de défense antimissiles que les Etats-Unis veulent installer en Pologne et en République tchèque.
  
Samedi également, dans une interview à la chaîne de télévision satellitaire arabe Al Jazira, M. Poutine a estimé que l'intervention américaine avait fait plus de mal à l'Irak que Saddam Hussein, selon le texte publié samedi par le Kremlin.
  
Un porte-parole du conseiller pour la sécurité nationale de la Maison Blanche, Gordon Johndroe, avait samedi exprimé la "surprise" et la "déception" de Washington, affirmant que ces "accusations" étaient "fausses".
  
Il avait néanmoins ajouté que les Etats-Unis comptaient "poursuivre la coopération avec la Russie" dans "la lutte contre le terrorisme et la réduction de la menace des armes de destruction massive et de leur prolifération".
  
Les propos de M. Poutine m'ont "par nostalgie, presque fait regretter" la Guerre froide, "presque", a dit pour sa part M. Gates, se présentant comme "un diplômé en histoire russe et soviétique" ayant dirigé la CIA et siégé "sous quatre président différents" au Conseil national de sécurité des Etats-Unis.
  
M. Gates, sur le même ton ironique, a déclaré qu'entre-temps il avait été "envoyé dans un camp de rééducation en devenant pendant quatre ans et demi le président d'une université", provoquant les rires de l'assistance.
  
Plus sérieusement, il a affirmé que "le totalitarisme avait été vaincu" et la Guerre froide terminée grâce à la fermeté que les pays de l'Otan avaient montrée en déployant en Europe durant les années 1980 des missiles de croisière et des fusées sol-sol Pershing.
  
Aujourd'hui, "la Russie est un partenaire dans l'action. Mais nous nous interrogeons, aussi, sur certaines politiques russes qui semblent travailler contre la stabilité internationale, comme les tranferts d'armement et sa tentation d'utiliser ses ressources énergétiques à des fins de coercition politique", a sur le fond riposté M. Gates, allusion aux ventes de missiles sol-air russes à l'Iran et aux crises ayant opposé Moscou à la Géorgie, l'Ukraine et le Belarus sur le prix de vente du gaz russe.
  
"Comme le secrétaire général de l'Otan Jaap de Hoop Scheffer l'a dit hier, la Russie ne doit pas craindre des démocraties fondées sur l'Etat de droit à ses frontières", a-t-il conclu.