Lettre de 2020

Ce texte est la traduction de Letter from 2020, écrit par Mark Summerfield et publié sur OS Opinion 9/18/00.

Traduction Frédéric Renet

 

Cher moi,

Je ne sais pas si lire cette lettre est illégale. Je pense qu’il est juste de te prévenir ; tu ferais peut être mieux de la détruire.

L’écriture n’a pas été très facile. Word.NET n’est plus ce qu’il était. Même Microsoft.NET ne peux plus se permettre de tout breveter ; alors que je peux encore faire « Trouver », il n’y a plus « Remplacer ». Une des bonnes choses dans le fait d’avoir un seul système d’exploitation légal c’est qu’il est vraiment très stable. Je suis content qu’ils ne mettent jamais Windows.NET à jour ; tout le monde peut vivre avec trois ou quatre plantages dans la journée et le loyer que je paye pour l’utiliser à la journée me coûte moins cher que mon appartement.

J’essaye de me rappeler comment c’était quand j’étais jeune, mais c’est difficile ; le monde a tant changé. L’autre jour j’ai trouvé un livre-papier qui parlait de la montée et de la chute de quelque chose appelé « l’Internet ». Ca a commencé quand des gens ont créé des liens entre des ordinateurs pour pouvoir accéder et lire des documents gratuitement sur d’autres ordinateurs. Après que ce fut devenu populaire, des entreprises ont commencé à créer des machines avec beaucoup de liens pour que tout le monde puisse trouver des choses intéressantes. Mais quelqu’un a mis un lien sur quelque chose d’illégal puis il a été condamné et sa machine a été arrêtée. Cela s’est produit plusieurs fois et les gens ont commencé à ne plus faire de liens. Les entreprises exploitant des moteurs de recherche ont été les premières à fermer et sans elles vous ne pouviez plus rien trouver. Peu après plus personne ne fit de liens à cause des risques légaux encourus. Mais cela a diminué le terrorisme. De toutes façons je ne suis pas certain que cela aurait pu marcher. Tout ce j’écris sur mon ordinateur ou toute la musique que je créé est stocké par Word.NET et Music.NET dans un format encrypté pour protéger ma vie privée. À part moi, Microsoft.NET et la Société Nationale, personne ne peut ni lire ni écouter mes documents dans le cas improbable où ils pourraient y accéder.

Je ne devrais pas le révéler mais il m’arrive d’aller dans certains endroits interdits et de parler à des agitateurs. Je sais que c’est mal mais leurs points de vus anormaux exercent une fascination morbide sur moi. Par exemple, j’ai parlé à quelqu’un qui prétendait être un historien du passé. Elle a admit sans hésiter être impliquée dans cette activité illégale. L’histoire, m’a-t-elle dit, te donne le contexte. Tu peux comparer aujourd’hui à hier ; te poser des questions comme « les gens sont-ils mieux », explorer différentes organisations économiques, comparer l’histoires des entreprises ou les droits des citoyens. (Je pense qu’elle voulait parler des employés.)

Mais ce qui la préoccupait le plus était que les générations futures ne sauront rien de nous ; tous nos enregistrements et nos œuvres d’art sont stockés sous forme numérique, la plus grande partie va simplement disparaître quand plus personne ne les louera - rappelle toi la tristesse générale quand la dernière copie de Sergent Pepper a été accidentellement effacée. Et de toutes façons les données qui survivront seront encryptées dans un format propriétaire ; même s’il y avait des historiens, ils n’auraient pas le droit de chercher à retrouver le format d’encodage. Il me semble me rappeler que les gens avaient des copies de la musique et des films sur un support physique, mais je ne sais pas comment c’était possible, c’est obsolète depuis que nous pouvons louer n’importe quoi à partir du réseau cellulaire. Je ne pense pas qu’il soit très important que ceux qui viendront après nous puissent lire nos romans, écouter notre musique ou voir nos films ; toutes ces choses sont temporelles par définition, si personne ne les loue, elles ne valent pas la peine de les garder.

Le plus triste des agitateurs que j’ai rencontré se prétendait programmeur. Il disait qu’il était en train d’écrire un logiciel en utilisant Basic.NET. Il devait être fou. Même si son programme marchait, il n’aurait pas été autorisé à l’exécuter. Comment une seule personne pourrait-elle vérifier seule si elle n’enfreint pas un brevet ? Et même s’elle ne viole aucun brevet, elle ne pourrait vendre ce logiciel sans acheter une licence de compatibilité à Microsoft.NET... et qui peut se le permettre ? Il m’a dit qu’il voulait donner son programme, alors qu’il savait très bien que c’est illégal à cause de la loi WUCITA. Encore une preuve de sa folie.

Ces agitateurs ne semblent pas comprendre que quelques restrictions sont nécessaires pour le bien de l’innovation. Beaucoup de progrès ont été fait. Nous n’avons pas de SPAM puisque la plupart des gens ne peut se payer une licence pour l’e-mail à cause du coût astronomique des droits sur les brevets. Nos ordinateurs ont tous le même système d’exploitation, la même interface et les mêmes applications, cela permet à tout le monde de savoir comment les utiliser, et bien qu’ils plantent et qu’ils ne fonctionnent pas très bien, nous connaissons tous les limitations et nous savons vivre avec. Il n’y a plus aucun piratage de propriété intellectuelle puisque que nous louons tout ce que nous voulons et que nous n’avons aucun moyen de le stocker.

Ce sont les USA bien sûr qui ont montré la voie au reste du monde. D’abord le Digital Millennium Copyright Act, puis de plus en plus de brevets sur les logiciels. Les Japonais ont suivit. Les européens ont été un problème bien sûr, avec leurs tendances anti-compétitives et presque communistes. Heureusement, le bon sens a gagné, soutenu par le bon vieux dollar ; ils ont accepté à la fois les brevets sur les logiciels et une redéfinition du copyright pour plaire aux entreprises mondiales. Une fois que les USA, le Japon et l’Europe ont eu des lois équivalentes sur la propriété intellectuelle pour protéger nos entreprises et notre mode de vie, tous les autres ont dû s’aligner, sinon ils n’auraient pu commercer. Le résultat a été que n’importe quel algorithme ou logiciel, que chaque morceau de musique, et que chaque œuvre cinématographique (après que tous les films et toute la musique aient été passés sous forme numérique et soient devenus une forme de logiciel) ont été brevetés. Plus de variations autours de Bethoven (à moins d’avoir l’autorisation sur les brevets). Plus de participation d’amateurs dans les films ou la musique pour ne pas risquer de baisser le niveau. Plus de défis à créer de nouvelles entreprises ou de nouveaux modes de vente.

Je suis fou d’avoir écris ça, je le sais. Mais je suis si heureux dans ce monde et je me rappelle combien j’étais malheureux avant. Je voulais juste dire que tout va bien et que le monde devient réellement meilleur.

Sincèrement.

Mark.