Le logiciel libre, un enjeu de société

par François Poulain mardi 29 juin 2010, sur agoravox

ACTA, Hadopi, Dadvsi, Loppsi, ... Internet et le logiciel libre sont souvent au centre de ses enjeux. Mais de quels enjeux s’agit-il, au fait ? Et de quelles « libertés » est-il question ici ? Quelques clés pour comprendre.

Je voudrais ici susciter chez vous l’interrogation « Pourquoi le logiciel libre ? ». Est-ce mieux, si oui pourquoi ? Est-ce parce que c’est à la mode ? Ou que des gens en qui vous avez confiance vous ont prescrit que c’était bien ? Pour moi, le logiciel libre est un enjeu de société et j’avoue avoir envie de vous entraîner dans ma démarche.

Il me semble très important que chacun développe une réflexion sur la place du numérique dans notre société. Souvent, je vois passer des messages tels que celui-ci : « Je trouve ce logiciel pratique, c’est tout. » Je ne sais pas pour vous mais, personnellement, ça m’effraie. Pour moi, notre rapport au logiciel ne doit pas être seulement une question de « praticité », mais avant tout de liberté.

Mais de quelle liberté discutons-nous ici ? La liberté est un sujet majeur de société et ce au moins depuis le début de la civilisation occidentale. Je ne pense pas que c’est aux lecteurs assidus d’AgoraVox que je vais apprendre que nous ne sommes jamais totalement libres. Nous ne choisissons pas, par exemple, de recevoir telle ou telle éducation ; ou de naître dans un pays « démocratique », etc. En revanche, il semble extrêmement important que vos ordinateurs n’amputent pas votre liberté d’action. Car de plus en plus les ordinateurs sont partie intégrante de notre société ; de plus en plus c’est à travers de l’outil informatique que nous exerçons nos libertés dans la vie de tous les jours. En tant que citoyens, nous devrions être tout particulièrement sensibilisés à l’effet libérateur que peut avoir l’informatique ; et donc à l’importance d’en maîtriser l’usage. En effet, lorsque l’on peut communiquer d’un bout à l’autre de la planète en brûlant un minimum d’énergie, lorsque chacun peut disposer sur chaque machine de l’équivalent de la bibliothèque d’Alexandrie, l’informatique revêt un caractère libérateur. Nos ordinateurs sont en fait des assistants mécaniques à notre service et il est essentiel qu’ils le restent à l’avenir. Pourtant, nous sommes un peu à la croisée des chemins où l’informatique peut devenir extrêmement libératrice tout comme extrêmement liberticide, voire totalitaire. Nous avons des exemples de la vie quotidienne pour le prouver ; la politique actuelle d’Apple par exemple montre un florilège de restrictions, à un niveau de perfection rarement atteint. Mais quoi qu’il en soit, il faut garder à l’esprit que l’informatique sera ce que nous en ferons. Notre architecture informatique est à l’image des gens qui la conçoivent ; parallèlement, notre société de demain reposera intégralement sur cette architecture. Elle en sera le reflet de l’image.

Dans cette perspective, la liberté informatique est donc ni plus ni moins la liberté de contrôler le travail effectué par nos machines. En effet, le logiciel contrôle nos machines : liberté et logiciel sont alors indissociables. Et dans une société complètement assistée par des machines, qui elles mêmes sont contrôlées par le logiciel, la question de la liberté logicielle devient alors aussi importante que n’importe quelle question législative.

Cette conception a été très vite et très tôt formulée par le brillant professeur Lawrence Lessig dans Code is law (remarquez la date ... 10 ans déjà !) : « Ce n’est pas entre régulation et absence de régulation que nous avons à choisir. Le code régule. Il implémente — ou non — un certain nombre de valeurs. Il garantit certaines libertés ou les empêche. Il protège la vie privée ou promeut la surveillance. Des gens décident comment le code va se comporter. Des gens l’écrivent. La question n’est donc pas de savoir qui décidera de la manière dont le cyberespace est régulé : ce seront les codeurs. La seule question est de savoir si nous aurons collectivement un rôle dans leur choix — et donc dans la manière dont ces valeurs sont garanties — ou si nous laisserons aux codeurs le soin de choisir nos valeurs à notre place. » Car dès à présent, c’est le code qui contrôle explicitement votre possibilité d’avoir accès, de lire ou partager n’importe quelle information numérique : actualité, musique, œuvres artistiques, etc. Des exemples très détaillés sont donnés dans les brillants ouvrages de Lawrence Lessig (Code and others laws of cyberspace) et Richard Stallman (Free software, Free society, ou « free » revendique la liberté, pas le prix !) ; en particulier dans le texte intitulé le droit de lire (paru en 1997 !).

La première liberté pour un utilisateur de logiciel est la liberté d’exécution. Vous devez avoir le droit d’exécuter le logiciel comme vous le souhaitez, pour n’importe quel usage, à tout moment et sans condition. Ça semble bête dit comme ça, mais en fait, en dehors des logiciels libres, rares sont les logiciels qui respectent pour de vrai cette liberté. Mais comme la plupart des gens ne lisent pas les licences, elles-mêmes rédigées dans le vocabulaire de la scolastique moderne, ils ne sont pas au courant des restrictions abusives souvent imposées par les logiciels privateurs.

Ceci étant, avec ou sans cette liberté vous n’êtes pas libres de contrôler l’exécution du logiciel sur votre machine. D’une part, le logiciel peut vous montrer des choses et en réaliser d’autres (l’espionnage est monnaie courante) ; d’autre part, vous êtes nécessairement limité par les fonctionnalités que le programmeur a décidé pour vous : si par exemple votre navigateur Internet ne gère pas la correction orthographique et que vous en avez besoin, vous n’avez à ce stade aucune possibilité d’y changer quoi que ce soit... Sauf à convaincre son programmeur d’ajouter cette possibilité.

Cette liberté est donc nécessaire, mais évidemment pas suffisante : je ne sais pas si vous avez déjà essayé de contacter Microsoft pour leur demander d’améliorer IE, mais l’expérience montre que ça ne débouche pas toujours sur quelque chose qui vous convient. D’ailleurs, IE, comme la plupart des logiciels privateurs ne respecte même pas cette première liberté.

 

La deuxième liberté, conséquence logique, est donc la possibilité d’étudier ce que fait le logiciel et de modifier son fonctionnement. De cette façon, vous pouvez parfaitement corriger la situation dénoncée plus haut. Pour pouvoir exercer cette liberté, vous avez alors besoin de pouvoir accéder à la recette du logiciel : en effet, un logiciel est généralement présenté soit en langage de programmation (source), soit en langage machine (code). On passe généralement de l’un à l’autre par une opération de traduction irréversible, comme lorsqu’on passe au four une recette de gâteau : une fois cuit, il est impossible de le « décuire ». De la même façon, le code qu’on fournit à nos machines est globalement incompréhensible pour n’importe quel programmeur. Nous avons donc besoin du code source pour exercer cette liberté.

Une autre liberté qui est importante est la liberté de faire des copies et donc d’aider votre voisin. Ce droit d’échanger les logiciels est en effet essentiel pour la collaboration des utilisateurs. Supposons par exemple qu’un ami vous demande une copie de votre logiciel. Quelle serait votre réaction : rompre votre amitié en refusant la copie ou rompre avec un contrat de licence abusif ? Comme toutes les personnes qui ont du respect pour leurs amis, votre choix sera probablement de faire la copie, et de ce fait innocent, rompre toute licence qui vous l’interdira. Mais il n’est jamais bon de rompre une licence, même pour faire plaisir à vos amis : il vaut mieux refuser d’utiliser et de promouvoir les logiciels qui vous interdisent de faire des copies et de les partager. Il vaut mieux utiliser des logiciels libres qui, eux, encouragent la copie et l’entraide. La troisième liberté du logiciel libre est donc la liberté de redistribuer des copies (y compris de les vendre : le libre est indifférent à la copie « commerciale » ; voir plus bas).

Il subsiste dans tout ça un petit blocage. Je ne sais pas pour vous, mais moi je ne suis pas informaticien. Je ne suis généralement pas capable d’exercer ma seconde liberté et j’avoue que pour tous les jours, en dehors de la première et de la troisième liberté, je ne me sens pas plus impliqué que cela car, de toute façon, je ne sais pas modifier le logiciel. Mais de la même façon, je ne sais pas réparer ma plomberie : lorsque j’ai un problème de chaudière, je fais appel à un spécialiste.

C’est là que rentre en jeu la quatrième et dernière liberté : la liberté, pour chacun, de distribuer des versions modifiées du logiciel. Grâce à cette liberté, je peux faire appel à n’importe qui pour exercer les droits garanties par la deuxième liberté, à savoir étude et modification. Grâce à cette liberté, chaque programmeur peut mettre à disposition de tous des améliorations du code et participer à la création d’un « pot commun » de logiciels.

Et c’est très important que cette liberté existe, même si je ne l’utilise que rarement ; car en tant qu’utilisateur, de la même façon que je peux choisir le plombier que je souhaite pour venir réparer ma chaudière, je peux alors négocier qui et dans quelles conditions pourra résoudre mon problème. Ça peut être le fruit d’une action bénévole tout comme un contrat réalisé par une entreprise... peu importe. Ce qui importe, c’est ma liberté de choix et le fait que je ne sois pas obligé de demander à un unique acteur de bien vouloir étudier ou modifier le logiciel à ma place. Un très bon contre-exemple est donné par Apple avec son iPhone : si vous souhaitez qu’une application logicielle fonctionne sur l’iPhone, vous êtes obligés de passer par Apple. Parfois ils autorisent — même lorsqu’il s’agit de promouvoir les discours de Mussolini. Mais parfois ils ne vous y autorisent pas — même lorsque ça met en cause la liberté d’expression individuelle. Ils ont en fin de compte le contrôle total sur l’utilisation que vous faites de votre téléphone et ils l’exercent quotidiennement. Et cette caractéristique n’est pas propre à Apple : elle se retrouve chez tous les grands (et petits) noms de l’industrie des logiciels privateurs (Microsoft, Adobe, etc.).

Ces 4 libertés ont été décrites par Richard Stallman au sein de la Free Software Foundation (FSF) au cours des années 1980, comme principes fondateurs du logiciel libre. Là où je veux attirer votre attention est que ces propositions de liberté ne sont pas sorties du chapeau : elles ont leur raison d’être, pour répondre à des problèmes pratiques rencontrés tous les jours. Et si une seule de ces quatre libertés manque à la licence d’un logiciel, il n’est pas assimilable à un logiciel libre, et vous empêche d’exercer vos libertés.

Ces 4 libertés ne sont pas non plus des obligations. Elle sont seulement là pour tenter de préserver un équilibre entre les auteurs de logiciels et leurs utilisateurs. Un parallèle dans ce sens se trouve dans la vie politique : personne parmi vous n’aura peut-être envie de se présenter comme maire à l’élection de sa commune. Mais tout le monde devrait être convaincu qu’il est fondamental pour l’équilibre de la société que chacun dispose de ce droit. Et un maximum d’internautes doit en être conscient. Les « libertés numériques », à la défense et la promotion desquelles participent la neutralité du Net et le logiciel libre, doivent être prises au sérieux dans une société de plus en plus gouvernée par le numérique.

En guise d’invite à poursuivre :

PS : Un grand merci à Malicia pour ses conseils avisés et la relecture de ce texte.

Copyleft : cette oeuvre est libre, vous pouvez la copier, la diffuser et la modifier selon les termes de la Licence Art Libre artlibre.org

 


Timbre GNU

Le Gnou, symbole du projet GNU, le système d’exploitation libre de la FSF. Mention : « Free as in freedom ».


Le libre, ou le principe de pouvoir en société ( 2.0 )

par Emmanuel Muller jeudi 22 septembre 2011, sur agoravox

Le libre c'est le pouvoir qui peut se conjuguer au pluriel.
Le libre c'est aussi un raccourcis pour désigner un mouvement culturel lié au logiciel libre.

ACTA, Hadopi, Dadvsi, Loppsi, et compagnie ont comme enjeu le pouvoir du contrôle dans l'espace numérique, de l'Internet, un pouvoir au singulier. Qui se veut représentatif, qui se dit au service de la majorité, qui se veut résoudre une problématique, mais en tout état de cause bien un pouvoir singulier.

Ce pouvoir se trouve donc naturellement confronté tôt au tard aux principes du libre, précisément parce que ces derniers défendent à ses racines un pouvoir qui peut être équitablement réparti, celui qui peut se définir à partir des mots liberté, égalité, fraternité.

Petite visite, dans cet espace pas si virtuel que ça de la cyber-société, d'une structure emblématique qui à défendu, théorisé et mis en pratique le principe de liberté dans le monde numérique avant tout le monde.
 

 

En guise d'introduction au sujet, sachez que vous apprenez la version 2.0 de l'article : Le logiciel libre, un enjeu de société, de François Poulain . L'article étant sous licence art libre, il peut librement évoluer au gré des envies de ceux qui le souhaitent, ce qui incarne déjà un aspect du jeu social du libre.

Une bonne partie du contenu est resté inchangé (Parfois le "je" c'est "lui", peut importe après tout), le plan à juste été balisé et je propose pour ma part surtout une surcouche de visite guidée indiquée en italique car digressive, récursive et rigoureusement superflue. 

I . Voyage en numérique
 

Nous sommes ici en numérique. Vous à me lire, moi à écrire, nous sommes en plus de tenir nos positions respectives dans le temps et l'espace connectés à cette non-chose qui nous relie pourtant de façon finalement pas si virtuelle que ça.

Vous, moi et les autres formons ainsi avec cet espace la fameuse " société de l'information ". Plus qu'une rime en SI entre LOPPSI et DADVSI, c'est une structure informationnelle, une surcouche émergente de notre société, dont l'importance concrète n'est apparue à certains qu'au travers de son rôle récent dans les "printemps Arabe".

Dans ce cyber-espace, donc, nous nous dirigeons vers ce panthéon éthique qu'est le logiciel libre, plus précisément vers sa structure qui, avant tout le monde, a tracé dans ce non-lieu une frontière pour préserver les impératifs sociaux du pouvoir coujuguable au pluriel "le libre".
 

Depuis un site qui vise la libre expression, motorisé par un logiciel sous licence libre (spip), donc appuyé sur cette même structure, on est plutôt bien placés pour faire un rapide tour d'horizon en profitant du point de vue.
Si vous voulez bien me suivre.

Pays libérateur

La liberté est un pilier élémentaire de l'organisation de la civilisation occidentale et c'est au travers de l’outil informatique que nous exerçons nos libertés dans la vie de tous les jours.
 

 

En tant que citoyens, nous devrions être tout particulièrement sensibilisés à l’effet libérateur que peut avoir l’informatique.

On peut communiquer d’un bout à l’autre de la planète en brûlant un minimum d’énergie, disposer sur chaque machine de l’équivalent de la bibliothèque d’Alexandrie, et nos ordinateurs sont des assistants mécaniques au service de nos libertés d'échange, de réception et d'envoi d'information.

 

Il est donc essentiel de préserver ce caractère libérateur que revêt l’usage de l’informatique, pour que l'ordinateur n'ampute pas la liberté d'action.

 

Voilà, pour que vos ordinateurs n’amputent pas votre liberté d’action.

Oui parce que c'est bien beau vu d'ici, mais on voit pas tout.

En se décalant un peu, on voit apparaître des points noirs dans ce panorama.
 

C'est par là.

 

Pays privateur

 

Nous sommes en fait un peu à la croisée des chemins, entre informatique libératrice et informatique liberticide. Nous avons beaucoup d' exemples de la vie quotidienne pour le prouver.

Le net s'égosille à hurler partout, cette tendance liberticide et il suffit de chercher pour trouver pléthore d'informations toujours plus étonnantes.

 

Par ce que vous croyez peut être que "vos" logiciels vous appartiennent ?

Absolument pas, c'est la propriété exclusive des ayant droits.

Les utilisateurs n'ont que des autorisations pour utiliser ce qui le leur appartient pas.
 

Mais gardons les pieds sur terre.

 

Pays citoyens.

 

Car quoi qu’il en soit, il faut garder à l’esprit que l’informatique sera ce que nous en ferons. Notre architecture informatique est à l’image des gens qui la conçoivent ; parallèlement, notre société de demain reposera intégralement sur cette architecture. Elle en sera le reflet, l’image.

D'où l'enjeu de la liberté informatique qui est ni plus ni moins la liberté de contrôler le travail effectué par nos machines.

En effet, puisque le logiciel contrôle nos machines, liberté et logiciel sont indissociables.
Dans une société complètement assistée par des machines, qui elles mêmes sont contrôlées par le logiciel, la question de la liberté logiciel devient alors aussi importante que n’importe quelle question législative, c'est l'enjeu de l'échange libre.

Il faudrait donc pouvoir contrôler le logiciel, mais quant on est pas informaticien on fait quoi ?
Et bien comme pour choisir une motorisation fiable quant on est pas mécanicien. Ici la mécanique concerne les posibilités de circulation de l'information contenue dans le logiciel relativement aux bornes légales.
D'une certaine façon les colis sont timbrés d'une licence qui stipule ce mode de circulation, on peut facilement choisir ses colis logiciel en fonction du timbre qui stipule leur degré de liberté.
 

Le timbre symbolique de l’information libre d’évoluer

Image du précédent article de François Poulain avec un autre le logo : « the gnu » de la fsf qui viens lui même de cette image là

II . Le code du numérique
 

Dans ce cadre, la conception de la liberté logiciel a été formulée par le professeur Lawrence Lessig dans Code is law :
« Ce n’est pas entre régulation et absence de régulation que nous avons à choisir. Le code régule. Il implémente — ou non — un certain nombre de valeurs. Il garantit certaines libertés ou les empêche. Il protège la vie privée ou promeut la surveillance. Des gens décident comment le code va se comporter. Des gens l’écrivent. La question n’est donc pas de savoir qui décidera de la manière dont le cyberespace est régulé : ce seront les codeurs. La seule question est de savoir si nous aurons collectivement un rôle dans leurs choix — et donc dans la manière dont ces valeurs sont garanties — ou si nous laisserons aux codeurs le soin de choisir nos valeurs à notre place. »

Car dès à présent, c’est le code qui contrôle explicitement votre possibilité d’avoir accès, de lire ou partager n’importe quelle information numérique : actualité, musique, œuvres artistiques, etc. Des exemples très détaillés sont donnés dans les ouvrages de Lawrence Lessig (Code and others laws of cyberspace) et Richard Stallman (Free software, Free society, ou « free » revendique la liberté, pas le prix !) ; en particulier dans le texte intitulé le droit de lire (paru en 1997).
 

L'histoire du sujet peut être remonté à différents points clé, avec une articulation autour des années 80, très informaticienne, très logicielle.

 

 

Elle reste la référence par ce qu'elle a tracé des structures élémentaires. Peut être même des structures élémentaires de la société de l'information (et du vivant de lévi strauss encore ! :-).

 

1. Le pouvoir de faire.
 

La première liberté pour un utilisateur de logiciel est la liberté d’exécution.

Vous devez avoir le droit d’exécuter le logiciel comme vous le souhaitez, pour n’importe quel usage, à tout moment et sans condition.
Ça semble bête dit comme ça, mais en fait, en dehors des logiciels libres, rares sont les logiciels qui donnent pour de vrai cette liberté. Mais comme la plupart des gens ne lisent pas les licences, elles-mêmes rédigées dans le vocabulaire de la scolastique moderne, ils ne sont pas au courant des restrictions abusives souvent imposées par les "logiciels privateurs" (sous entendu de liberté donc).

Celle-là elle était tellement élémentaire qu'au début elle était oublié. C'est à rebours qu'il a été réalisé que toute primordiale qu'elle soit, elle était souvent mise en péril dans les contrat de licence, alors elle a été rajoutée en dessous de la pile, c'est pourquoi elle est souvent nommée "liberté zéro".
 

Ceci étant, avec ou sans cette liberté vous n’êtes pas libres de contrôler l’exécution du logiciel sur votre machine. D’une part, le logiciel peut vous montrer des choses et en réaliser d’autres (l’espionnage est monnaie courante) ; d’autre part, vous êtes nécessairement limité par les fonctionnalités que le programmeur a décidé pour vous : si par exemple votre navigateur Internet ne gère pas la correction orthographique et que vous en avez besoin, vous n’avez à ce stade aucune possibilité d’y changer quoi que ce soit... Sauf à convaincre son programmeur d’ajouter cette possibilité.
Cette liberté est donc nécessaire, mais évidemment pas suffisante : je ne sais pas si vous avez déjà essayé de contacter Microsoft pour leur demander d’améliorer IE, mais l’expérience montre que ça ne débouche pas toujours sur quelque chose qui vous convient. D’ailleurs, IE, comme la plupart des logiciels privateurs ne donne pas cette première liberté qui semble pourtant si élémentaire.

2. Le pouvoir de savoir
 

La deuxième liberté est la possibilité d’étudier ce que fait le logiciel et de modifier son fonctionnement.

De cette façon, vous pouvez parfaitement corriger la situation dénoncée plus haut. Pour pouvoir exercer cette liberté, vous avez alors besoin de pouvoir accéder à la recette du logiciel : en effet, un logiciel est généralement présenté soit en langage de programmation (source), soit en langage machine (code). On passe généralement de l’un à l’autre par une opération de traduction irréversible, comme lorsqu’on passe au four une recette de gâteau : une fois cuit, il est impossible de le « décuire ». De la même façon, le code qu’on fournit à nos machines est globalement incompréhensible pour n’importe quel programmeur. Nous avons donc besoin du code source pour exercer cette liberté.

C'est la liberté N°1.
En fait c'était impossible pour certains bidouilleurs, mécaniciens de l'informatique d'accepter d'utiliser des véhicules sans pouvoir soulever le capot.
C'est donc devenu la base d'un projet alternatif GNU : nous ne souderons pas le capot des véhicules de ce que nous construirons.
 

3. Le pouvoir de reproduire
 

Une autre liberté qui est importante est la liberté de faire des copies et donc d’aider votre voisin.

Ce droit d’échanger les logiciels est en effet essentiel pour la collaboration des utilisateurs. Supposons par exemple qu’un ami vous demande une copie de votre logiciel. Quelle serait votre réaction : rompre votre amitié en refusant la copie ou rompre avec un contrat de licence abusif ? Comme toutes les personnes qui ont du respect pour leurs amis, votre choix sera probablement de faire la copie, et de ce fait innocent, rompre toute licence qui vous l’interdira. Mais il n’est jamais bon de rompre une licence, même pour faire plaisir à vos amis : il vaut mieux refuser d’utiliser et de promouvoir les logiciels qui vous interdisent de faire des copies et de les partager. Il vaut mieux utiliser des logiciels libres qui, eux, encouragent la copie et l’entraide. La troisième liberté du logiciel libre est donc la liberté de redistribuer des copies (y compris de les vendre : le libre est indifférent à la copie « commerciale » ; voir plus bas).

C'est la libetrté N°2, mais elle semble avoir été éoncé historiquement en premier, en 1986 on pouvait lire ici « Premièrement, la liberté de copier un programme et de le redistribuer à vos voisins ».
Notez bien qu'elle repose sur des logiques anti-rivales : Hé oui, nous sommes en numérique, et ici la duplication en elle même n'a pas de coût significatif.
 

Il subsiste dans tout ça un petit blocage. Je ne sais pas pour vous, mais moi je ne suis pas informaticien. Je ne suis généralement pas capable d’exercer ma seconde liberté et j’avoue que pour tous les jours, en dehors de la première et de la troisième liberté, je ne me sens pas plus impliqué que cela car, de toute façon, je ne sais pas modifier le logiciel. Mais de la même façon, je ne sais pas réparer ma plomberie : lorsque j’ai un problème de chaudière, je fais appel à un spécialiste.

4. Le pouvoir d'évoluer

C’est là que rentre en jeu la quatrième et dernière liberté : la liberté, pour chacun, de distribuer des versions modifiées du logiciel.

Grâce à cette liberté, je peux faire appel à n’importe qui pour exercer les droits garanties par la deuxième liberté, à savoir étude et modification. Grâce à cette liberté, chaque programmeur peut mettre à disposition de tous des améliorations du code et participer à la création d’un « pot commun » de logiciels.

Historiquement deuxième liberté elle a été conçu comme la « liberté de modifier un programme, que vous puissiez le contrôler plutôt qu'il vous contrôle » (même source de 1986).
On peut identifier des traces d'évolution depuis une logique qui ne laissait la place qu'à l'informaticien, et qui a été consolidé en associant possibilité de modification et droit à la redistribution. Ce qui est devenue officiellement « 
la liberté d'améliorer le programme et de distribuer ces améliorations au public » à ouvert la possibilité de "sous traiter" l'évolution libre

Et c’est très important que cette liberté existe, même si je ne l’utilise que rarement ; car en tant qu’utilisateur, de la même façon que je peux choisir le plombier que je souhaite pour venir réparer ma chaudière, je peux alors négocier qui et dans quelles conditions pourra résoudre mon problème. Ça peut être le fruit d’une action bénévole tout comme un contrat réalisé par une entreprise... peu importe. Ce qui importe, c’est ma liberté de choix et le fait que je ne sois pas obligé de demander à un unique acteur de bien vouloir étudier ou modifier le logiciel à ma place. Un très bon contre-exemple est donné par Apple avec son iPhone : si vous souhaitez qu’une application logiciel fonctionne sur l’iPhone, vous êtes obligés de passer par Apple. Parfois ils autorisent — même lorsqu’il s’agit de promouvoir les discours de Mussolini. Mais parfois ils ne vous y autorisent pas — même lorsque ça met en cause la liberté d’expression individuelle. Ils ont en fin de compte le contrôle total sur l’utilisation que vous faites de votre téléphone et ils l’exercent quotidiennement. Et cette caractéristique n’est pas propre à Apple : elle se retrouve chez tous les grands (et petits) noms de l’industrie des logiciels privateurs (Microsoft, Adobe, etc.).

C'est pourquoi cette structure porte volontiers la devise : Liberté, égalité, fraternité.
Et c'est ni une blague ni un hasard comme on peut le voir ici ou .

Saluons l'architecte
 

En guise d'architecte on a plutôt affaire à une tête de bois qui a refusé catégoriquement un système qui ne lui convenait pas, au point d'en inventer un autre et d'initier des règles compatibles avec ses aspirations.
Beaucoup de personnes y ont participé, y compris au début, mais il reste une figure centrale, emblématique, incoutournable et incontrôlable.
Il est dit parfois qu'il est adulé avec une ferveur quasi-mystique ... moi je trouve plutôt que la façon dont ces disciples lui tirent parfois le portrait vous passerait le goût d'être gourou ! ;-)
 

 

Ces 4 libertés ont donc surtout été décrites par Richard Stallman au sein de la Free Software Foundation (FSF) au cours des années 1980, comme principes fondateurs du logiciel libre. Là où je veux attirer votre attention est que ces propositions de liberté ne sont pas sorties du chapeau : elles ont leur raison d’être, pour répondre à des problèmes pratiques rencontrés tous les jours. Et si une seule de ces quatre libertés manque à la licence d’un logiciel, il n’est pas assimilable à un logiciel libre, et vous empêche d’exercer vos libertés.

Ces 4 libertés ne sont pas non plus des obligations. Elle sont seulement là pour tenter de préserver un équilibre entre les auteurs de logiciels et leurs utilisateurs. Un parallèle dans ce sens se trouve dans la vie politique : personne parmi vous n’aura peut-être envie de se présenter comme maire à l’élection de sa commune. Mais tout le monde devrait être convaincu qu’il est fondamental pour l’équilibre de la société que chacun dispose de ce droit. Et un maximum d’internautes doit en être conscient. Les « libertés numériques », à la défense et la promotion desquelles participent la neutralité du Net et le logiciel libre, doivent être prises au sérieux dans une société de plus en plus gouvernée par le numérique.

et quelques artisans.

La lutte pour la liberté est toujours d'actualité, plus que jamais même dans ce contexte des logiques automatisées, de "l'information automatique" qui a donné ce mot valise : inform-atique.
Si vous voulez le prolonger la visite voici quelques adresses utiles qui pourront vous permettre de rencontrer quelques artisant de l'information automatique, oui, mais libre :
 

Tous défendent exportent et font prospérer les principes "du libre", qui loin d'être né avec la révolution informatique pourrait se résumer en une phrase, qui marque la frontière qu'il ne peuvent dépasser :
 

On ne parle pas d'abus de liberté car quant elle déborde sur celle des autres elle n'est plus, on parle alors d'abus de pouvoir.

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Merci à tous, n'oubliez pas le guide, une petite réponse sur l'intérêt de développer ici, sur agoravox, cette façon d'utiliser le libre est la bienvenue.
 

PS : Un grand merci à François Poulain pour son texte original. L'idée d'appliquer cette façon de faire vient également de sa réponse à une critique (même si pour ma part j'ai déjà défendu le développement de ce principe sur agoravox et ailleurs).

Copyleft : cet ouvrage reste libre, vous pouvez toujours le copier, le diffuser et le re-modifier selon les termes de la Licence Art Libre (artlibre.org).