L’HISTOIRE SECRÈTE DE LA CATASTROPHE NUCLÉAIRE DE THREE MILE ISLAND

Les Thompson ne sont pas les seuls à avoir étés menacés par la mafia nucléaire qui ne voulait pas que des données gênantes soient communiquées au public? En 1974 déjà, la chimiste Karen Silkwood - qui travaillait à la fabrication de combustible radioactif à la centrale de Kerr-McGee près de Crescent, Oklahoma, (U.S.A.). avait été assassinée parce qu’elle voulait cracher le morceau sur la pollution radioactive causée par les centrales nucléaires aux U.S.A..

[Gregor Seither - IES News Service - 28/04/2009]
Il y a trente ans, le 28 mars 1979, un incident mineur au sein du réacteur No. 2 de la centrale nucléaire de Three Mile Island (TMI) près de Harrisburg/Middletown en Pennsylvanie provoqua une série de pannes et d’erreurs humaines qui aboutit à la fusion de quasiment la moitié de l’uranium dans le réacteur et la libération de quantités importantes de radioactivité dans l’air ambiant ainsi que dans l’eau de la rivière Susquehanna River.

Ce fut la pire catastrophe jamais survenue dans l’industrie nucléaire U.S. et quelques jours après l’accident, Metropolitan Edison, l’entreprise gérante de la centrale, fit appel aux services de Randall Thompson, expert-médecin spécialisé dans les pathologies liées aux radiations. Pendant 28 jours après l’accident, Thompson a travaillé sur le site, mesurant la radioactivité.

Randall Thompson peut difficilement être dénigré comme étant un “militant anti-nucléaire”. Vétéran du programme de recherche et de développement sur la propulsion nucléaire des sous-marins de la U.S. Navy, il se définit lui-même comme étant un “passionné par tout ce qui touche au nucléaire”. Après son travail à l’armée, il a mis son savoir au service des entreprises de l’industrie nucléaire.

Le matin où les Thompsons ont appris l’accident à TMI, ils ont voulu aller sur place pour étudier l’incident. Ce n’était pas très difficile, étant donné que l’équipe médicale interne de Metropolitan Edison avait fui la centrale. ME fit donc appel à une entreprise sous-traitante, Rad Services, pour évaluer le degré de pollution radioactive. Rad Services, de son côté, embaucha le couple Thompson pour analyser et évaluer les conséquence sanitaires des émissions radioactives et mener une enquête sanitaire auprès des populations sur le site et avoisinantes.

Je me souviens, raconte Randall Thompson, que tous mes collègues scientifiques à travers le pays étaient jaloux et m’appelaient pour me supplier de les embaucher également. Ils disaient ‘Ne laisse pas se truc entrer en fusion sans moi, on veut être là !’ C’était un moment unique dans la vie d’un chercheur, on se disait : ‘Bon, c’est dangereux, je risque de choper un cancer mais on va découvrir plein de choses passionnantes’.”

Ce n’est qu’aujourd’hui, trente ans plus tard, que le témoignage détaillé de Randall Thompson est rendu public - et sa version de ce qu’il a vu à Three Mile Island vient renforcer un nombre croissants de rapports qui contredisent entièrement la thèse défendue jusqu’ici par le gouvernement U.S., affirmant que l’accident n’avait pas fait courir de risques à la population. 

Pour les Thompson: “Ce qui s’est produit à Three Mile Island est bien plus grave que tout ce qui a été prétendu jusqu’à ce jour. Mille fois plus grave que tout ce qu’on vous a raconté.

Thompson et sa femme affirment que, lors de la l’accident et la période qui a suivi, ils ont été les témoins d’une catastrophe sanitaire majeure que le gouvernement s’est efforcé de nier - au prix de la mise en danger de la santé de dizaines de milliers de personnes.

Si les U.S. ont cessé toute construction de nouveaux réacteurs nucléaires depuis l’accident de 1979, les autorités politiques locales ainsi que les cadres de l’industrie énergétique mènent une forte campagne de lobbying en vue d’une réactivation du nucléaire - notamment dans le Sud des Etats-Unis, où 12 des 17 nouveaux réacteurs sont prévus. (…)

Les Thompson affirment que les données collectées lors de leur enquête sur le site de la centrale nucléaire indiquent que la pollution radioactive qui a été émise lors de l’accident a été des milliers de fois plus forte que ce qu’affirment les chiffres officiels publiés par le gouvernement et l’industrie nucléaire. Une pollution radioactive suffisamment grave et étendue pour affecter la santé de dizaines de milliers de personnes vivant dans la région autour de la centrale. L’industrie nucléaire et le gouvernement U.S. ont toujours nié cette réalité, affichant des chiffres rassurants basés sur des mesures dont les Thompson affirment qu’elles ont été trafiquées. 

Pour le Thompson, ces chiffres trafiqués ont un effet pernicieux à long terme. Non seulement il a minimisé les effets de l’accident et donc exclu beaucoup de personnes des programmes de compensation sanitaire, mais pire encore, ces informations lénifiantes diffusées par le lobby nucléaire risquent de provoquer un accident futur encore plus grave par manque de préparation : “Le gouvernement, obnubilé par la mythologie nucléaire et industrielle, a apporté la preuve qu’il était totalement incapable de prendre la mesure exacte de l’étendue de la catastrophe. Non seulement cela a eu une conséquence sur les mesures sanitaires prises vis à vis de la population… mais surtout, cela a abouti au fait que les politiques de haut rang et autorités locales sous-estiment totalement les risques posés par une nouvelle génération de centrales nucléaires.”

Les points de contrôle et les mesures de sécurité qui ont été mis en place, s’appuient sur les constatations faites lors de l’accident de TMI. Mais comme les conséquence de l’accident ont été sous-estimées, les mesures de sécurité en vigueur aujourd’hui sont faussées et risquent d’aggraver encore une future catastrophe.”

Les Thompson ont tenté de rendre publics leurs données et donner des conseils sanitaires aux populations vivant autour de la centrale… “et tout d’un coup nous nous sommes retrouvés dans un roman digne des thriller de John Grisham !”

Randall Thompson raconte comment, en 1979, alors qu’il faisait ses courses dans un supermarché, un étranger s’est approche de lui et lui a dit que s il ne fichait pas le camp de la région, lui et sa femme seraient assassinés.

Ils ont donc décidé de fuir au Nouveau Mexique, où ils ont entrepris d’écrire une livre sur les questions de sécurité nucléaire, avec l’aide du frère de Joy, Charles Busey - qui avait également travaillé sur les chaudières nucléaire pour la U.S. Navy avant de s’occuper de la sécurité de la centrale nucléaire de Hatch, en Géorgie.

Un soir, alors qu’ils rentraient chez eux, une voiture les a suivis avant de les percuter à plusieurs reprises, jusqu’à ce que leur voiture percute un arbre - tuant Charles Busey et blessant grièvement Thompson. La voiture coupable n’a jamais été retrouvée.

Leur maison a été régulièrement cambriolée, les voleurs dédaignant à chaque fois les objets de valeur et ne s’intéressant qu’au manuscrit de leur livre.
Tout ceci a fait l’objet de plusieurs articles de journaux en 1981. Jamais aucune enquête n’a abouti.

Il y a de nombreuses preuves substantielles que les populations, les animaux et les plantes autour de la centrale nucléaire de Three Mile Island ont été exposés à de hautes doses de radioactivité lors de la catastrophe de 1979. Alors que les études gouvernementales et des enquêtes commanditées par l’autorité nucléaire affirment que l’accident n’a pas fait de victimes, d’autres études et enquêtes ont apporté la preuve de nombreuses conséquence sanitaires et environnementales qui sont reliés à une forte pollution radioactive.

En 1984, par exemple, la psychologue Marjorie Aamodt et son mari Norman, ingénieur chimiste, - qui avaient établi une ferme d’agriculture biologique à l’Est de Three Mile Island - ont porté plainte contre la centrale nucléaire afin de les empêcher de remettre en route le réacteur de l’Unité 1, où s’était produit l’accident. Ils ont mené une enquête approfondie auprès des habitants de trois communes situées sous le vent de la centrale. Des douzaines de voisins ont affirmé souffrir de symptômes associés à une exposition à de la radioactivité : gout métallique dans la bouche, nausées, vomissements, perte de cheveux, cancers de la peau et autres, foetus malformés, défaillances d’organes… Parmi les 450 personnes interrogées, ils ont relevé 19 morts du cancer entre 1980 et 1984 - soit sept fois plus de morts que la norme statistique dans la région. (…)

L’industrie nucléaire et les autorités locales n’ont bien évidemment pas envie d’entendre ceci. Le gouvernement fédéral à débloqué plus de 18 milliards de subventions pour la relance de l’industrie nucléaire et 17 entreprises d’ingénierie privées se battent pour obtenir les contrats de construction et de gestion des 26 nouveaux réacteurs prévus. C’est la première fois, depuis la catastrophe de 1979, que des nouveaux réacteurs doivent être construits aux Etats-Unis (…)

Harold Denton, ancien cadre de NRC qui travaillait à Three Mile Island lors de la crise, a récemment expliqué à l’agence de presse écologiste ‘Greenwire’ que les modifications techniques qui ont été mises en place après la catastrophe de 1979 avaient permis de “réduire de manière significative les risques d’un accident grave à l’avenir“.

Mais le couple Thompson (…) fait remarquer que “les normes de sécurité développées par NRC pour les nouvelles générations de centrales nucléaires se basent sur les conclusions établies à Three Mile Island”. Ils affirment que les estimations très basses de NRC en termes d’exposition aux radiations ont abouti à des normes de sécurité inefficaces - notamment en termes de contention de la pollution radioactive ou encore la détermination du périmètre d’évacuation autour de la centrale.

“Ils ont bâti leur stratégie de sécurité autour de la certitude qu’il ne s’était finalement pas passé grand chose à TMI. Mais cette hypothèse de départ est fausse et les données sur lesquelles se basent ces normes de sécurité sont volontairement erronées”.

En s’appuyant sur leurs propres recherches, les Thompsons craignent que les décideurs et les populations se laissent bercer par les voix rassurantes des propagandistes de l’industrie nucléaire. “Chaque fois que nous formulons nos inquiétudes, les communicants du nucléaire se précipitent et nous clouent le bec en disant que le nucléaire est sans risques. Malheureusement, les faits véritables et l’histoire réelle montrent le contraire”.

“Quand vous prenez conscience de l’importance de la manipulation des faits autour de TMI, quand vous constatez par vous même à quel point la réalité autour de l’accident de TMI a été occultée et déformée de manière volontaire par les communicants, on en reste bouche bée” explique Randall Thompson.

“L’industrie nucléaire à mis en place une formidable machine à propager la bonne parole, mais celle-ci est tellement efficace qu’elle a fini par enfumer même les experts qui doivent pourtant connaître la réalité pour prendre les décisions. En matière de sécurité nucléaire, tout le monde vit prisonnier d’une bulle d’illusions qu’ils ont eux-mêmes fabriqués.”



Commentaires :

On peut faire un parallèle avec d'autres incidents et en examiner les conséquences sanitaires.
Suite à mon article sur le devoir de mémoire pour la catastrophe de Tchernobyl avec la liste des documentaires pour l'anniversaire des 20 ans de la catastrophe, j'ai recu un courrier d'une lectrice épidémiologiste qui découvrant les vidéos a fait quelques recherches dans la littérature médicale :

Courrier des lecteurs du 16/05/2009 :

Bonjour,
Pour faire suite a notre conversation de ce jour, voici les 9 références de l'accident sur pubmed.

j'en suis encore toute étonnée...

Items 1 - 9 of 9

One page.

2:
[Effect of infrared laser irradiation on the arterial blood pressure in liquidators of the accident at the Chernobyl power plant]
Korkushko OO.
Fiziol Zh. 2003;49(1):104-8. Ukrainian.
PMID: 12669529 [PubMed - indexed for MEDLINE]
Related Articles

Environ Health Perspect. 1997 Dec;105 Suppl 6:1385-91
The Russian radiation legacy: its integrated impact and lessons.

Goldman M.
University of California, Davis, USA.

Information about the consequences of human exposure to radiation in the former Soviet Union has recently become available. These data add new insights and provide possible answers to several important questions regarding radiation and its impact on occupational and public health. The 1986 Chernobyl accident initiated a major and early increase in childhood thyroid cancer that resulted from ingestion of iodine-131 (131I) by young children living in the most heavily contaminated areas of Belarus, Ukraine, and Russia. No significant additional cancer or other adverse medical effects have yet been reported in the affected populations and among clean-up workers. Major psychological stress independent of radiation dose has been observed in those people thought to be exposed. During the early days of the atomic energy program in the former Soviet Union, some unfortunate events occurred. The country's first atomic test in Semipalatinsk in 1949 exposed over 25,000 people downwind from the blast to significant doses of fission products, especially 131I. During the late 1940s and the early 1950s nuclear material production facilities were developed near Chelyabinsk in the South Ural Mountains, which resulted in major releases into the environment and significant overexposures for thousands of workers and nearby populations. Chronic radiation sickness was observed early in exposed workers, and increases in leukemia and other cancers were also reported. The series of plutonium inhalation-related lung cancers and fatalities among workers exposed in that first decade appears to be unique. Long-term consequences of chronic radiation sickness and four decades of follow-up are being described for the first time. Villagers downstream from the plant consumed high levels of 137Cs and 90Sr and, it is reported, manifested increases in leukemia from internal and external exposures. Although the 40-year databases for retrospective dosimetry epidemiology studies are just beginning to be integrated and evaluated, (!!!!!!!!!!!! incroyable !!!!!!) preliminary evaluations suggest that there may be graded, significant dose-rate amelioration factors for cancer and leukemia risks in workers and the general population relative to the risk data on the Japanese atomic bomb survivors. Even for plutonium-induced lung cancers in workers, such a dose-rate effect may be evident. These experiences give us insight into the consequences of protracted radiation at high and low doses and rates. If these findings are validated and confirmed, they can provide information that reduces some of the uncertainties in retrospective radiation dosimetry and radiation risk estimates (especially for low-level, chronic exposures) for activities related to medicine as well as the handling of nuclear materials and nuclear facility decommissioning, decontamination, and demilitarization.


Ma réponse :

Le site pubmed est en effet la référence sur l'indexation des articles de recherche en medecine. En effet il serait étonnant de ne trouver que 9 articles sur cette catastrophe majeure mais après vérification, je remarque que l'indexation sur les mots clés est discriminante.

Vous avez deux orthographes différentes pour le nom de la centrale :

- Tchernobyl, le nom que l'on retrouve dans la littérature francophone, donne 9 articles sur pubmed
- Chernobyl, le nom usité dans le monde anglo-saxon, donne 3488 articles sur pubmed avec comme catégories constituées : chernobyl thyroid cancer , chernobyl accident , radiation chernobyl , chernobyl children

La seconde orthographe semble la plus appropriée et la plus utilisée dans la littérature scientifique.

Je retiens toute de même votre remarque, un suivi de cohorte est un suivi de population, et pour l'étude des causes d'un cancer la période peut aller de 25 ou 30 ans. Par contre, je trouve navrant de ne pas insister sur les études à court terme sur des enfants et femmes enceintes car il est de notoriété que le site de Tchernobyl est devenu un laboratoire vivant sur les effets d'une radiotoxémie provoquée par une forte irradiation. L'effet dose est spectaculaire, la ville de Tripiat a eu deux jours d'exposition et les habitants ont été exposés avant d'être évacués. D'un point de vue scientifique cette catastrophe est exceptionnelle, c'est la seule fois dans l'histoire depuis le bombardement nucléaire de Hiroshima et Nagasaki, où l'on peut étudier en situation réelle, l'impact de fortes doses de radioactivité sur toutes les tranches d'âges de la population avec tous les facteurs associés.

Les questions que l'on peut se poser : Que sont devenus ces gens ? Existe-t-il eu un suivi de la population ? Que dire du mensonge d'état à propos de la catastrophe et des retombés sur l'environnement ? Existe-t-il encore une censure de l'information scientifique ?

Je remarque également que depuis cette étude de Goldman en 1997, le site pubmed nous propose d'autres articles sur le même sujet dont notamment un suivi de cohorte en 2006.



De la même manière on peut faire une revue de la littérature médicale sur l'accident de Three Mile Island.

Une recherche sur la base de mots clés pour l'accident nucléaire de Three Mile Island donne :


Ressources Internet sur l'accident nucléaire de Three Mile Island :