-
Au coeur des ténèbres ( Muad Anton, 1997)
-
-
-
Chaque fois que je refais le parcours de mon histoire, je sens mon regard
se figer sur la moiteur de la jungle, le terrain de bataille favori de
mes ennemis ces dernières années.
-
-
La jungle je la connais pour y avoir laissé ma vitalité
et y avoir vécu de nombreuses blessures. La jungle à
plusieurs visages, une fois que vous y êtes vous y laissez une partie
de vous, elle vous marque à tout jamais.
-
-
C'est le merdier en grandeur nature, la noblesse d'une nature qui ravage
le guerrier pour lui apprendre une manière de vivre radicale.
-
-
"Laisses tes convictions derrière toi avant de pénétrer
dans mon antre !", tel était me semblait-il la réponse que
je recevais de cette nature brutale. "Laisses derrière toi, tout
ce que tu a appris, cela ne te serviras à rien de mettre ta vie
en danger !" J'avais peur de comprendre qu'en utilisant des méthodes
de survie non adaptées je signe mon arrêt de mort.
-
-
Les terrains de bataille restent une marque indélébile
dans ma mémoire, dans ma vie. Chaque fois que j'en étais
éloigné je ne pensais qu'a retourner dans la jungle et chaque
fois que j'étais dans la jungle je ne pensais qu'a m'en échapper.
C'est une obsession, une folie, un drame.
-
-
Je suis devenu un drogué de l'action et pour moi toutes les occasions
étaient bonnes pour retourner dans l'action à la recherche
d'un terrain de bataille à la hauteur de mes espérances.
Oui, je peux le dire ici, je suis une sorte de mercenaire de la guerre
d'embuscade, des guérillas et des conflits sans nom. Quelques fois
je travaille pour de l'argent, d'autre fois pour une cause mais le plus
souvent c'est pour moi-même que je me bats, pour repousser les limites,
pour découvrir des horizons nouveaux, des expériences que
personne d'autres que moi ne peux vivre, je veux en quelque sorte être
un combatant qui accompli une oeuvre radicale par la pratique de la guerre.
-
-
Je n'ai jamais tué sans la nécessité absolue de
défendre la vie des innocents ou de protéger ma propre vie
tout en accomplissant ma mission. Je ne suis jamais devenu un fou de guerre,
ni un bourreau sanguinaire guidé par ses pulsions mais un guerrier
lucide qui fait de son mieux pour faire evoluer la révolution.
-
-
En periode de guerre les minutes me semble des heures, le temps se dilate,
j'ai le temps de vivre plusieurs vie en une, il faut alors que je remplisse
les vides...
-
-
Quelques fois je me retrouve dans des situations infernales, je parie
même sur mes chances de réussites ou d'échecs car je
comprend ma situation avec le recul nécessaire à la lucidité
pratique.
-
-
Je ne pourrais jamais vivre une vie normale, rangée, une vie
en société comme le commun des citoyens. Je ne peux pas parce
que je sens que physiquement je ne supporterais pas et ensuite parce que
je le veux pas. Je préfère en finir sur le terrain de bataille
si un jour je dois en terminer avec la vie. Jusqu'à mon dernier
souffle je lutterais en respectant mon code d'honneur. Je ne tuerais que
si j'en ressent la nécessité car une guerre n'est jamais
propre, elle fait des victimes civiles et militaires, des innocents et
des combattants meurent toujours sur les champs de bataille.
-
-
Avec du recul je vois ma vie comme un cauchemar éveillé,
une descente vers l'insupportable, les limites de ce que peux endurer un
corps, les limites de ce que peux endurer l'esprit.
-
-
Quelques fois le terrain est un enfer, chaud est humide, couvert par
la peur et la sueur, d'autres fois il est glacial, désertique comme
le froid spatial.
-
-
Je recherche toujours des conflits plus durs, je monte les enchères
plus le temps passe. C'est l'évolution naturelle, la promotion du
guerrier mercenaire, un engagement vers le plus dure pour une récompense
encore plus mérité.
-
-
Je respecte un code d'honneur, je me bats pour des causes que je considère
juste, faire la guerrilla est un metier qui s'apprend sur le tas, qui demande
beaucoup de temps et d'experiences.
-
-