La mort de mon humanité ( Muad Anton, 1997)

La guerre se vit, elle ne se murmure pas, elle tombe sur soi comme la vague déferlante d'une tempête tropicale, d'un coup. On l'a voit venir de loin, de très loin et même si on l'ignore c'est malgré nous et malgré nos objections qu'elle progresse inexorablement. Trop puissante, trop violente, trop majestueuse, trop mystérieuse.

J'ai participé à trop de conflit, trop de guerres inutiles, trop défendu de causes perdues d'avance. En luttant constamment et en ne me retirant pas, la fatigue m'a gagné, un cancer moral qui m'a affaibli. Le combat de trop, il faut le deviner, comme le boxeur. On n'en revient pas ou trop abîmé pour continuer à lutter et vivre décemment le reste de sa vie.

La mort de mon humanité, voilà un nouveau mal insidieux, une négation de la moralité et de toutes règles, pire que le cynisme c'est le début d'une forme de folie. Ce que je sais, c'est qu'il doit toujours y avoir une limite morale à toute action. S’il y a transgression, il faut trouver une contrepartie, par contre si on vide de son contenu des règles élémentaires de la vie, règles que même les animaux connaissent depuis des millénaires, on touche alors le bord du précipice ; une négation de ce qu'est l’humanité sur cette terre. Nous serions alors pire que des animaux.

Ce mal je l'ai connu et combattu violemment. Pourtant, il se propage et continue à semer une folie dans le coeur des combattant d'aujourd'hui et de demain. S’il faut que l’espèce humaine disparaisse alors elle disparaîtra, comme les dinosaures en leur temps. Les leçons de la guerre doivent servir à améliorer toute l’humanité et non une fraction du monde.

De toute façon, j'ai déjà donné, j'ai déjà payé le prix fort et ce n'est pas moi qui ferais l'effort cette fois ci. Je n'ai plus envie de m'expliquer, ni d'enseigner cette pénible leçon. Je laisse ça à d'autre. Je suis presque indiffèrent, une manière de sauvegarder mon équilibre. Je sais une chose, s’il faut que la moitié des êtres humains de cette planète périssent dans les ravages de cette folie, alors ça vaudra la peine pour les survivants.

Si le genre humain disparaît, ce n’est pas moi qui irai pleurer sur son sort, elle l’aura mérité. Si les humains ne se battent pas pour des valeurs qui les dépassent et qui concernent toute l’humanité, c'est qu’elle ne mérite pas de rester sur cette planète, elle finira fatalement par disparaître d’elle-même. Alors dans l’histoire de ce monde, l’homme n’aura laissé qu'une trace équivalent à quelques secondes.