L’INSTITE

Oyez bonnes gens de Saulnières
Ne fermez point œil et paupières
Voici que l’instite en son château
S’en fut organiser un loto

Comme preux partant en croisade
Sous un ciel nous servant force rasades
Elle enfourcha son destrier noir
On allait voir , ce qu’on allait voir

Quatre citadins passant par là
De la capitale comme il se doit
S’en venant en villégiature
Fiers comme poux sur leurs montures

A l’huis point ne toquèrent
Renseignés comme compères
Que sonnette sous le porche était
Mais fort dissimulée ne trouvaient

Après moult agacements
La châtelaine ouvrit céant
Aux voyageurs fort soulagés
Libres enfin de pénétrer

Elle les rinça si fort
De vinasses à réveiller un mort
Que chancelants et troublés
Il s’en furent se restaurer

Par le soir, il advint qu’en salle
Il s’est agit de loto, non de bal
Le Prévôt de la bonne ville
S’en alla saluer, point tranquille

Les manants étaient là rassemblés
Avec des cartes dans leurs mains enchassées
De moulte nombres on les a farcis
Que les oreilles ont eu toutes esbaudies

Une verdure en son pot plantée
Aux mains d’un croquant fut emportée
La patate en son sac entassée
Fut, elle aussi, rapidement raflée

Un quidam à la denture sautillante
Aussi sourd que broc d’eau pétillante
S’en fut musique aux oreilles
Afin que même forte, nul ne veille
 

Un frais gardon nommé Guillaume
Casquette volée mis sur son haume
Dieu faisant ce fut un beau délire
Quand de tous il devint le point de mire

Une drôlesse vêtue de bric et de broc
Gagna un séchoir sur ma foi en toc
Jura bien que l’on ne l’y prendrait plus
Puisqu’en chaussettes jamais ne s’en fut

La fringante Gridou, blondeur printanière
Sans vergogne aucune gagna de bonne guerre
Des godets pour y mettre café dedans
Ou précieux nectar que Mamy aime tant

Un damoiseau ayant l’assemblée ébahie
Dans le fait que moulte objets il ravit
A l’énoncé des nombres, l’oreille aux aguets
N’a jamais rougit en empochant le paquet

La Françoise fière comme Artaban
Dans le milieu de la salle se campant
D’un œil navré espinchait son mari
Qui tout ensommeillé baillait à l’infini

Les citadins vers la capitale s’en furent
Epuisés mais heureux de l’Aventure
Se jurant ma foi à l’avenir
De prendre des vitamines à fin de tenir

Oyez bonnes gens la fin de l’histoire
Incroyable si plus est, dans le noir
La châtelaine armée d’un balai
Nettoyant mieux que souillon n’aurait fait.

A Nadine bretonne de son état
Instite et châtelaine dans la bonne ville de Saulnières (Dreux)
Fête de fin d’année juin 1988