Survivre sous le soleil des bombes nucléaires
Mel Vadeker 2009
Il est dans la nature humaine de penser sagement et d'agir de façon absurde. L'homme n'a de cesse, de penser au pire, de se prémunir des guerres en provoquant d'autres guerres, de se préparer aux pires conséquences de ses conquêtes pour maintenir ses intérêts, d'investir son imagination dans des projets de représailles pour affaiblir ses ennemis, et plus généralement d'accélérer ce qui finira par arriver : la fin de l'homme en tant que fin en soi.
L'homme s'étonne trop de ce qu'il voit rarement et pas assez de ce qu'il voit tous les jours. Pour avoir la paix et la prospérité, il faut se préparer continuellement à la guerre. Participer à cet engagement constant tout en maintenant une avance décisive sur des adversaires probables est une question de survie car l'accumulation permanente d'inventions de toute nature pour le bénéfice de la défense est un gage de suprématie. C'est seulement en nous projetant sur le long terme et par anticipation des conflits que nous récolterons les fruits de la maitrise scientifique pour notre industrie militaire. Cette recherche de pointe tous azimuts est à la fois une priorité stratégique et un rôle déterminant de la défense au service de la prévention. La somme de tous ces efforts particuliers sera toujours prépondérante sur la capacité d'un ennemi potentiel à inventer une arme secrète décisive.
Puisque l'homme à une technoscience militaire de destruction massive qui représente une immensité d'efforts financiers et de sacrifices économiques, il arrivera fatalement le jour où l'homme se demandera en toute logique pourquoi il ne met pas toute cette puissance, toute cette énergie accumulée à l'épreuve des faits.
Les avertissements des hommes justes, l'invention des bons principes et l'usage des meilleures philosophies ne se sont que des artifices secondaires face au désir de l'homme moderne et civilisé de bruler les étapes dans la course aux armements. Trop c'est trop mais il n'en a jamais assez. Il finira comme Icare par se bruler les ailes.
Depuis que sa vue baisse, l'homme voit un peu plus clair en lui. Il a beaucoup appris depuis qu'il survit sous le soleil des bombes nucléaires. Il se transforme et se décompose à petit feu. Cruelle leçon pour celui qui pensait vivre intensément dans les limites d'une folie collective et qui est parvenu tragiquement à mettre sa nature animale à l'épreuve. Refoulé dans ses derniers retranchements et condamné par un environnement devenu hostile, l'homme a compris trop tard de quoi il était fait.