courrier des lecteurs :
DÉSINFORMATIONS, CONSPIRATIONS ET CANALISATION DES CROYANCES POPULAIRES
-----Original Message-----
From: XXXXXXXXXXXXXXX
Sent: mardi 9 mars 2004
Je souhaiterais connaître votre avis à propos des "manipulations" des croyances populaires par les services secrets, les groupes politiques et les grandes entreprises. J'aimerais savoir si vous connaissez le concept de "sonde sociologique" servant à capter l'opinion. Que dire de ces manoeuvres de dominations politiques et des manipulations des croyances populaires ? Que pensez vous des conspirationnistes qui ont la volonté d'informer, de dénoncer les abus de pouvoirs ou de changer le monde ? Comme toutes observations modifient le milieu initial, il est probable que les implications de ce type de manoeuvres sont loin d'être facile à comprendre.
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texte révisé en mai 2004

Expéditeur : "Mel Vadeker"
Date : 09/03/2004

C'est un sujet très difficile qui demande, je le crains, un long développement.

Que pouvons nous apercevoir au premier plan ? Des débats incessants sur des sujets brûlants : la domination mondiale par l'hyperpuissance américaine ; la conspiration du secret sur les extraterrestres et les incursions d'ovnis ; les agissements occultes et inavouables des services secrets ; l'organisation des coups d'état et du contrôle social ; l'espionnage scientifique et technologique ; la guerre technologique sur les nouvelles armes secrètes ; les sociétés occultes et le règne des oligarchies ; les intérêts politiques et militaires des multinationales ; l'organisation et le fonctionnement des nouveaux pouvoirs ; l'essor des sectes dangereuses ; la prolifération des mafias politiques, financières et religieuses ; les querelles scientifiques relatives aux phénomènes paranormaux ; la désinformation et  la manipulation ; etc.

Se poser des questions n'est pas un mal, sauf si cela frise l'obsession psychopathologie. Douter et enquêter sont le signe d'une indépendance d'esprit. Se faire violence en malemnant ses propres convictions peut être bouleversant car nous pouvons briser les conventions établies jusqu'à remettre en cause des vérités officielles. Repenser ainsi les conditions factuelles d'événements majeurs c'est l'ambition de tout chercheur de vérité. Que ce soit chez des enquêteurs privées, des journalistes ou des diverses franges dites "conspirationnistes" ou "ésotériques" nous remarquons le même objectif, celui d'atteindre une vérité cachée derrière les apparences. Souvent, nous retrouvons des opinions contradictoires, les analyses s'enchaînent à vive allure comme si nous vivions simultanément dans des univers multiples. Nous sommes en face d'un vrai problème, celui de la prolifération d'hypothèses et de scénarios alternatifs, un vrai labyrinthe pour l'enquêteur.

Le problème essentiel de la quête de la vérité est celui de la méthodologie. Ce qui importe n'est pas d'énumérer ses opinions mais de remonter aux origines de ses propres convictions qui sont autant le produit de la raison, de croyances et d'observations. Comment reprendre le contrôle sur ses inclinations, analyser la complexité avec du recul et au final faire des recoupements avec d'autres sources d'informations ? La fiabilité d'une investigation peut être mesurée par diverses concepts des sciences de l'information, de l'analyse du renseignement ou de la description sociologique. Les pièges sont nombreux mais il faut avant tout prendre conscience de son propre ethnocentrisme en évitant le piège de l'autoritarisme facile et les méandres de l'émotivité. Inutile de s'étendre sur les recommandations, on peut les redécouvrir avec de l'expérience ou s'inspirer de procédures interdisciplinaires les plus pertinentes comme je l'indique d'ailleurs sur mon site.

N'importe quel analyste du renseignement (cela va de l'espion à l'officier traitant) sait à quel point il est difficile de s'en sortir dans une opération de désinformation. Elles sont tellement sophistiquées de nos jours, que même les principaux initiateurs sont victimes de leur propre manipulation. Compartimenter les acteurs, les opinions et les émotions, c'est bien la règle du secret. Réfléchir sur ce thème est un défi. Il serait même intéressant d'étudier de près toutes les théories de la désinformation qui s'appliquent aussi bien à l'individu isolé qu'aux micro ou macro groupes en interaction. Il n'est pas besoin d'être un spécialiste des sciences sociales ou des sciences du comportement pour en avoir une idée approximative. La difficulté est de relier toutes ces stratégies qui semblent différentes dans une seule synthèse théorique qui démontre à la fois la justesse des stratégies employées et qui explique les applications. En faisant de la sorte, on ne justifie pas la désinformation, bien au contraire, mais on peut enfin comprendre comment elle se met en place et pourquoi on l'utilise.

Les enjeux de la désinformation et par contrecoup ceux de la manipulation mentale sont extrêmement importants. Si nous contournons l'hypocrisie générale autant scientifique que politique, nous constatons qu'il s'agit de recherches primordiales intéressant tous les services de défense et de renseignement du monde. Il ne faut pas l'oublier, ce sont des techniques polymorphes que l'on ajuste selon le contexte ou la cible choisie. On peut facilement trouver une vaste littérature qui expose cela mais c'est surtout l'affaire de spécialiste. Le monde du renseignement, de l'analyse stratégique, de l'espionnage et du contre espionnage sont souvent difficile à décrypter.

Pour vos questions portant sur les notions de "sonde sociologique", de  théories de canalisation des croyances et de mythologies scientifiques parmi les élites dirigeantes : Nous pouvons retrouver des liens entre contre-espionnage, audit et contrôle social des institutions ayant un fort pouvoir décisionnel. Je m'explique, on peut imaginer des services de renseignement affectés à la surveillance des hauts fonctionnaires, d'hommes politiques, d'oligarques. On utilisera pour cela, la classique manipulation mentale pour éprouver l'honnêteté des hommes de pouvoirs. Dans les hautes sphères, il n'est pas question de confiance mais d'intérêts personnels et claniques. C'est également une conséquence de cette paranoïa bureaucratique propre au fonctionnement des intelligentsias. Nous retrouvons aussi le syndrome des "taupes", cette peur indicible d'être infiltré. Tout ce milieu constitue souvent un monde sinistre, infesté d'intrigues et de machinations. Une agence de renseignement importante peut autant surveiller son propre gouvernement que sa propre structure de pouvoir surtout si elle est devenu trop tentaculaire. Un service secret créera volontiers des cellules secrètes à l'intérieure même de son organigramme, une sorte d'état dans l'état qui reste invisible même dans les hautes sphères. C'est la notion bien connue de services secrets à l'intérieur même de services secrets.

L'autre difficulté que je rencontre avec vos questions : on ne peut pas créer une même "sonde sociologique" pour contrôler ou surveiller des groupes de populations hétérogènes. Cela oblige chaque fois que cela est possible, les stratèges en communication à faire des campagnes ciblées d'influence ou d'orientation de l'opinion publique. Ceux qui créent ces campagnes peuvent également subir, par contre coup, les campagnes de leur adversaires. Nous pouvons être témoin de ces luttes de pouvoirs internes, de ces diverses guerres intestines entres coalitions qui luttent pour la suprématie médiatique en déclenchant une vaste guerre de l'information. Un autre point important à ne pas négliger lorsque l'on essaye de comprendre ces phénomènes : admettre et comprendre qu'on ne peut pas généraliser les stratégies de communication. Les groupes de pressions, s'ils veulent être efficaces, sont dans l'obligation de cibler et de paramètrer les interventions. Ils parviennent à ce résultat en étudiant au plus prés les comportements au sein de groupes sociaux et les interactions entre diverses communautés de pensées, d'action ou de culture. Par groupe social, il faut comprendre "personnes partageant un mode de vie proche ou des centres d'intérêts primordiaux".

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