Les rois crackpot à la recherche du sombre précurseur


Les trois rois crackpot parcouraient de nombreux pays et traversaient de vastes déserts. Ils étaient à la recherche d’une piste ou d’une route, sans relâche ils scrutaient les signes qui les mèneraient au terme de leur quête.

Ils avaient l’image d'une constellation en tête, une énigme astronomique à résoudre, une direction à suivre, tout cela pour retrouver le sombre précurseur.

Que voulaient-ils faire de lui ? Qu'allaient-ils faire s’ils découvraient le sombre précurseur ?

En vérité, ils ne voulaient ni le saluer, ni l'honorer, ni lui parler, mais seulement mettre un terme à son existence.

Le premier roi voulait lui trancher la tête.
Le second, lui enfoncer une lance dans le dos.
Le troisième, lui ouvrir le ventre pour en répandre le contenu au sol.


Leurs périples pris de longues années, cumulant les terribles désillusions, de pénibles divagations et de nombreuses interrogations. Ils ouvraient autant qu'ils le pouvaient les pistes, faisant tant de détours et de cogitations qu'ils oublièrent leur vie de famille et leur royaume.

Les trois rois sillonnaient sans arrêt les paysages variées et sauvages, allant de village en village à la recherche du sombre précurseur. Ils questionnèrent des milliers de personnes. Ils virent pourtant quelques traces de son passage, peut être même une fantomatique présence, diffuse et impalpable, une impression dans l’air, mais toujours  rien de consistant qu'ils pouvaient toucher.

Les années passèrent et ils commencèrent à sentir la pesanteur des années, fatigués et aigris, ils maintenaient le cap en suivant l'énigme astronomique et la carte du ciel, tout en y retraçant les étapes et les échecs de leur exploration. Jusqu'au jour où ils entendirent parler de la présence du sombre précurseur dans un village tout à proximité de leur campement.

Ils s'y précipitèrent avec leurs armes, parcourant le village jusqu'à son centre pour y découvrir un attroupement. Il y avait au cœur de la multitude, au centre d'un cercle, un enfant qui parlait.

Ils posèrent la question : "Qui est donc cet enfant ?"

"C'est le sombre précurseur." Commenta un auditeur.

Et sans un mot,  ils se jetèrent sur l'enfant pour le tuer. Au moment de commettre le crime, ils hésitèrent et se dire que cela ne pouvait pas être le sombre précurseur. L'enfant était trop jeune, ce n'était pas concevable, cela faisait des décennies qu'ils étaient sur sa trace.


L'enfant menacé de mort tomba au sol, pris de panique il se mit à pleurer. Les rois demandèrent à la foule inquiète des explications sur l'identité de l'enfant. Et pour réponse, plusieurs voix clamèrent qu’il était comme l’enfant du sombre précurseur.

Les trois rois se réjouirent, c'était pour eux une occasion de se venger. "Si c'est son enfant, alors nous allons le tuer" dirent-ils


Alors un cri surgit de la foule, celle de la mère de l’enfant. Elle hurla : "Monstres que vous êtes ! Honte à vous ! Si tu tues mon enfant, il faudra tous nous tuer ! Car nous sommes tous autour de vous, comme les enfants du sombre précurseur !"

"Mais c'est impossible, cela ne se peut pas !" lança, un des rois crackpot.

Le chef du village s'approcha deux et dit ceci : "Un jour le sombre précurseur est passé près de chez nous, nous l'avons accueilli et secouru car il était blessé et fatigué. Il était étonné par notre accueil, pour une fois il pouvait se reposer et se détendre, sans avoir à surveiller la violence autour de lui, sans craindre qu’on lui enfonce une lance dans le dos, qu'on lui tranche la tête dans son sommeil ou qu'on lui ouvre le ventre. Pour nous remercier, il nous raconta quelques histoires et aventures extraordinaires. Il nous donna un recueil en provenance d'une lointaine contrée. Il nous dit que nous étions pour lui comme les membres d'une famille s'occupant d'un parent malade, comme pouvait l'être un enfant s'occupant d'un ainé, ou un parent qui veillait sur un fils éprouvé. Bien qu’il ne soit pas si âgé et même d'une certaine jeunesse, cette remarque nous a ému. Nous avons partagé et vécu avec lui quelque temps. Avant de partir, nous lui avons dit que s'il nous considérait comme sa famille, alors il serait pour toujours comme l'un de nos fils. Il nous remercia et nous quitta. Depuis son départ, nous relisons les textes d'origine et de provenance d'une multitude inconnue de nous, et organisons des lectures sur la place publique pour en débattre. Aujourd'hui c'était un enfant qui récitait une histoire et nous l'écoutions quand vous avez surgi avec violence."

Les rois protestèrent et s'exclamèrent à tour de rôle : "Mais quelle est donc cette affabulation ? Vous ne pouvez pas être ses enfants ? Quelle est la raison qui vous pousse à le respecter ?"

Et pour toute réponse on leur expliqua que le lien de parenté était bien évidement une figure de style pour signifier un attachement sentimental, une complicité, une familiarité qui les a uni lors d’un moment douloureux.

Les rois étaient dépités, et ne sachant que faire, demandèrent quelle était cette histoire racontée par l'enfant.

C'est à ce moment là que la prophétie se réalisa, celle qui stupéfia les trois rois. L'histoire qui était racontée par l'enfant sur la place, était l'histoire même de ces trois rois crapkpot. C'était l'évocation de leur quête insensée et de leurs déboires jusqu’à un village où ils trouveraient une réponse à leur question.

"Et comment se termine cette histoire ?" demandèrent-ils
 

Le chef du village leur raconta ceci : "Les trois rois se retrouvent dans un village et font la découverte que vous venez de vivre. C'est la parabole qui se réalise sous nos propres yeux. Dans l’histoire il est dit que les  trois rois ne purent s’empêcher d’essayer de nuire aux villageois et de faire couler le sang de ceux qui accueillirent le sombre précurseur. Heureusement le sombre précurseur avait prévu cela avant  de partir, il avait expliqué et enseigné les multiples possibilités de défense et de résistance aux attaques des trois rois. De sorte qu’aucunes actions négatives des rois ne resteraient impunies, et il y aurait un juste châtiment, une réponse proportionnelle à la menace ou au danger encouru."

Pris de surprise, amer, et furieux, les trois rois crackpot sortirent leur arme
pour vérifier leur propre  légende. Il brandirent un sabre, une lance et une épée vers les villageois. De la foule on entendit alors un grondement, la foule s'écarta pour laisser la place aux gardiens du village. Ils lancèrent dans la direction des rois, dans une fluidité de gestes coordonnés et successifs, un énorme filet pour capturer les rois.

Terrorisés et s’attendant au pire, les rois supplièrent : "Que ferez-vous de nous ?"

Les gardiens dans un ton ferme et courtois dirent : "Nous allons vous mettre à la porte de notre village !  Vous rendre vos armes et vous laissez poursuivre votre quête du sombre précurseur, car d'après la fable, votre destin et de poursuivre le plan de la constellation toute votre vie sans pour autant être certain d'aboutir à la réalisation de vos desseins, et le doute finira par vous dévorer."

Mais avant de les libérer, les villageois voulurent interroger les trois rois. "Pourquoi pourchassez-vous le sombre précurseur ? Le connaissez-vous ? Nous-mêmes, nous l'avons connu que peu de temps, mais rien chez lui ne suscite l'hostilité, bien au contraire ! Alors nous aimerions comprendre pourquoi vous le pourchassez ainsi ?"

Les trois rois dirent qu'ils ne le connaissaient pas réellement mais qu’ils ne pouvaient accepter son existence, sa liberté de parole et de pensée, le fait qu'il pouvait connaitre les autres mais que les autres ne pouvait pas réellement le connaitre.

Ils dirent : "Que serait le monde si nous permettions que des êtres tels que lui existent ? Des êtres qui défient l'ordre des choses, remettent en question les fondations du savoir et le pouvoir terrestre de l'homme ! C'est une menace que nous devons combattre absolument. Nous sommes rois sur nos terres, nous savons ce que c'est que le pouvoir terrestre, nous ne pouvons tolérer que ce sombre précurseur sème derrière lui des graines qui risquent de produiront des fruits étranges et insolites !"

"Alors c'est ainsi." dit le chef du village. "Vous ne savez rien de lui, et vous voulez tout de même le détruire. Vous ne savez même pas s'il est encore de ce monde ou s'il a disparu à tout jamais. Vous pourchassez peut être une présence fantomatique qui s'abrite dans vos cœurs. Pourquoi ne faites-vous pas votre deuil et le considérez-vous pas comme un défunt ? Ainsi vous pourrez réellement accomplir votre destin au lieu d'essayer de fuir votre vie et d'empêcher celle d'un autre."

Les villageois repartirent chez eux, laissant les trois rois seuls à l'extérieur du village.



Là où Nephtys et Osiris joignent leurs mains, sous le regard d'Isis. Vers là voguent les barques des dieux.

LA PRESCIENCE DES MAGES, OU COMMENT LES MAGES CONNAISSAIENT-ILS LA SIGNIFICATION DE L’ÉTOILE DE BETHLÉEM ?


 
 
 
Deleuze Art et philosophie : du sombre précurseur à l’intercesseur