Lexique ethnométhodologique extrait de
Pratiques de formation (analyses), Ethnométhodologies, ( Université de Paris VIII), 1985.

numéro spécial de la revue Pratiques de formation, numéro double 11-12
  • Sommaire du numéro 11-12
  • Editorial et présentation du numéro.


  • LEXIQUE ETHNOMETHODOLOGIQUE
    Yves Lecerf

    Table d'index  :
     

    •Accountabilities (origine des)

    •Accountability (intelligibilité, racontabilité)

    •Action, actions pratiques, activités pratiques, comme objet d'étude de l'ethnométhodologie

    •Action sociale (mise en scène de)

    •Activité sociologique profane

    •Ad hoc, ad hocing

    •Affirmations d'existence en ethnométhodologie

    •Agnès (cf " Transsexualité d Agnès " et aussi " arbitraire du signe ")

    •Allant-de-soi 

    •Analyses de conversations (citation extraite de Bernard Conein 1984)

    •Appartenance sociale ; " être membre " 

    •Arbitraire du sens et rigidités du sens, "breaching"

    •Bar-Hillel (Yeosuah)

    •Caractère irrémédiable de l'indexicalité et problème des fondements de la connaissance

    •Castaneda (Carlos)

    •Cicourel A.

    •Commun(sens);raisonnement de sens commun

    •Compétence unique (Unique Adequacy)

    •Connaissance (cf. : " Caractère irrémédiable de l'indexicalité et problème des fondements de la connaissance ")

    •Connaissances scientifiques

    •Consignes de codage

    •Constructives (analyses)

    •Contexte

    •Contexte d'accomplissement et contexte de compte rendu

    •Correctifs ; conseils aux entreprises 

    •Création continue du sens et dérive continue des conventions de langage

    •Définitions indexicales et définitions objectives

    •Descriptions

    •Déterminisme local, déterminisme global

    •Durkheim Emile

    •Ethnocentrisme

    •Etnométhodes

    •Ethnométhodologie

    •Ethnosciences

    •Expressions indexicales

    •Faits sociaux

    •Garfinkel H.

    •Goffman E.

    •Histoire de l'ethnométhodologie

    •Incarné 

    •Indexicale (expression indexicale)

    •Indexicale (définition indexicale)

    •Indexicalité

    •Indifférence ethnométhodologique

    •Infinitude des indexicalités

    •Information

    •Intelligibilité (cf. : " Accountability ").

    •Interprétation

    •Irrémédiable (voir rubrique : caractère irrémédiable de l'indexicalité).

    •" Je "

    •Lexique

    •Local

    •Logique locale (ruptures de)

    •Machinerie sociale, routines, logiciels sociaux

    •Machines à analyser les langues naturelles, et indexicalité

    •Machines cognitives et indexicalité

    •Membre (qualités de)

    •Négociation du sens

    •Objectivité (définitions objectives)

    •Objectivité des faits sociaux

    •Objet culturel

    •Outil (transparence de l') 

    •Outil (le groupe social comme outil cognitif)

    •Parsons (Talcott)

    •Politique et ethnométhodologie

    •Réalité

    •Réflexivité

    •Sacks (Harvey)

    •Savoir, Science

    •Schegloff 

    •Schutz (Alfred)

    •Sens, sens local

    •Statistiques

    •Subjectif (caractère subjectif de l'approche ethnométhodologique)

    •Subjectivité

    •Sudnow (David)

    •Terrain ethnologique 

    •Transsexualité d'Agnès

    •Wieder D.L.

    •Zimmermann D.H.

     

    Accountabilities (origine des)
    Au sujet de l'accountability, Louis Quéré écrit (1984) : " Pour que les membres puissent décrire, interpréter, expliquer, raconter le monde social, il faut que celui-ci soit disponible d'une manière ou d'une autre, c'est-à-dire intelligible, descriptible, analysable, observable, racontable, bref " accountable ". Mais alors d'où procède cette accountability? "
    Elle n'est pas donnée mais produite, répond Garfinkel : " Plus précisément, elle est un accomplissement pratique des acteurs, indissociable de l'auto-organisation, occasionnée et locale, de leurs activités, c'est-à-dire de la production de celles-ci comme réalités ordonnées. Il y va de l'objectivité du monde social en tant que produit des activités pratiques des membres : en effet, dit Garfinkel, les faits sociaux sont" performatively objective ". "

    Accountability (intelligibilité, racontabilité)
    Une première approximation de la notion d'accountability, pourrait être celle de " représentation du monde " existant dans l'esprit d'une personne, et servant de base à une succession de prises de décisions dans le cadre d'activités pratiques ; mais en y apportant un certain nombre de correctifs qui sont les suivants :
    Le monde dont l'accountability donne une représentation est un univers local, principalement centré autour d'un groupe limité de personnes (terrain, village, etc.).
    La représentation est pour une large part implicite (elle fait intervenir des " allant-de-soi ").
    La représentation est socialisée : elle est interactivement partagée entre les membres du groupe ; il y a une accountability du groupe qui articule entre-elle des " accountabilities " individuelles.
    Les " accountabilities " sont en évolution constante car tout événement quelconque ajoute, à des représentations antérieures du monde dont les significations sont interdépendantes, des éléments nouveaux susceptibles de modifier de façon importante les bases de ces représentations antérieures.

    Action, actions pratiques, activités pratiques, comme objet d'étude de l'ethnométhodologie
    " Qu'est-ce que l'ethnométhodologie ? Les études qui suivent se proposent de traiter les activités pratiques, les circonstances pratiques et le raisonnement sociologique pratique comme des thèmes (topics) d'étude empirique, en accordant aux activités les plus communes de la vie quotidienne l'attention habituellement accordée aux événements extra-ordinaires. Elles cherchent à les traiter en tant que phénomène de plein droit. . (Garfinkel, 1967, page 1 du chapitre 1, traduction CEMS, 1984.)
    Notons que le choix d'un tel sujet d'étude s'impose, lorsque l'on adopte le parti d'une " sociologie sans induction ". Le quotidien est ce que chacun observe le plus directement. Prendre le parti d'étudier le quotidien correspond d'emblée à une énorme économie de raisonnement par induction.

    Action sociale (mise en scène de l')
    La perspective de l'ethnométhodologie n'est pas statique mais dynamique. Le monde est constamment " en train de se faire " c'est-à-dire de s'autoproduire ; ce que l'on a observé doit donc être " mis en scène ", pour être redécrit dans son mouvement. Son autoproduction est visible, disponible, rapportable pour les participants.

    Activité sociologique profane
    L'ethnométhodologie soutient et démontre que tout acteur de la vie sociale exerce une activité " profane " d'analyse des situations sociales ; c'est-à-dire, conduit à titre profane, une activité de raisonnement par induction et une activité de sociologue. La chose s'effectue pour des raisons pratiques : pour agir, il faut analyser les situations où l'on se trouve. Ces analyses se construisent de manière incessante, et font l'objet de confrontations dans des dialogues entre divers acteurs. Elles comportent des inductions. Ce sont elles qui produisent les " accountabilities " (intelligibilités).
    L'ethnométhodologie insiste sur le fait que ces analyses effectuées par les membres ne sont pas extérieures à l'action. Elles influent sur les attitudes et les comportements. Sans elles, l'action se déroulerait autrement ou pas du tout. Ces analyses faites par les membres font donc partie de ce que l'on devra observer et en sont même une composante essentielle. Si bien qu'une part importante de l'activité ethnométhodologique consistera dans l'observation des membres dans le rôle de " sociologues profanes " (effectuant les analyses ordinaires que chacun fait d'une situation qui le met en relation avec d'autres personnes).
    Etant constamment obligés de prendre des décisions, avec le plus souvent peu d'informations, ces " sociologues profanes " que sont les gens ordinaires font un très grand usage du raisonnement par induction. Ils ne sont donc point des " ethnométhodologues profanes " ; mais les analyses qu'ils font sont une composante incontournable de l'action, et constituent donc une partie de ce que l'on doit observer ; si bien que l'on a absolument besoin d'eux comme informateurs pour étoffer le contenu des études ethnométhodologiques. Très souvent, leurs témoignages seront reproduits tels quels sous forme de conversations.

    Ad hoc, ad hocing
    Dans le chapitre 1 des Studies, H. Garfinkel évoque (en tant qu'opération de sens commun) le travail d'appropriation nécessaire pour faire correspondre une définition inductive et abstraite (une consigne de codage) à un concept concret réel ; et donne à ce travail le nom de " ad hocing ". Cette opération peut se décrire aussi comme destinée à produire la compensation à posteriori des erreurs d'une induction mal réussie. (Dans le cas précis considéré, l' induction mal réussie consistait dans l'espérance fausse que certaines catégories de codage pourraient convenir.)

    Affirmations d'existence en ethnométhodologie
    L'ethnométhodologie présuppose l'existence effective de groupes sociaux qu'elle étudie, mais à peu près rien d'autre, tout le reste se construisant à partir de là. Face aux objets du " monde de la réalité positive ", l'ethnométhodologie place des objets socialement reconstruits et n' accepte de manipuler que ces derniers.
    Au delà en effet de ces groupes sociaux l'ethnométhodologie va se montrer très réservée en matière d'affirmation directe d'existence sauf pour les objets ou entités qui sont déclarés comme " produits " par un groupe social, et dont l'existence peut donc être présentée comme une conséquence de l'existence d'un groupe social.
    Dans les " Studies in Ethnomethodology ", Garfinkel s'attache à montrer que même l' existence sidérale d' un pulsar peut être considérée comme un produit du groupe soclo-professionnel des astronomes qui en font la découverte.

    Agnès (cf " Transsexualité d Agnès " et aussi " arbitraire du signe ")

    Allant-de-soi
    Communiquer avec autrui par le discours c'est procéder à des échanges qui mettent en jeu :
    - des formes
    - des significations
    - des " allant-de-soi " c'est-à-dire des affirmations que l'on n'a pas besoin d' expliciter parce qu'elles " vont de soi " ; mais des affirmations indispensables pourtant à la cohérence des informations que l'on échange. Si les " allant-de-soi " ne sont pas vraiment partagés le fil de la communication se rompt.
    Il y a une connexion très forte entre la notion d'allant de soi et celle présentée par l' ethnométhodologie sous le nom de "Accountability " ; les " allant-de-soi " sont un matériau essentiel de cette dernière.

    Analyses de conversations (citation extraite de Bernard Conein 1984)
    " L expérience que Garfinkel présente dans les Studies, de demander à des étudiants d'analyser une conversation illustre bien l'analyse des méthodes correctives. Tout en admettant que la correction et la rectification sont des opérations de langage couramment pratiquées par les sociologues et les membres quand les faits ou les objets font problème, Garfinkel refuse l'idée qu'une rectification donnerait le sens réel de ce qui est dit. L'expérience se présente comme un exercice où on propose à un groupe d'étudiants " post-graduate " de rédiger pour chaque séquence transcrite d'une courte conversation entre deux époux un commentaire sur ce que disent les conversants. "
    " Les étudiants ne font pas à proprement parler de l analyse de contenu mais on les engage à produire la description d'une activité courante. Le but de l'exercice est donc bien de conduire les étudiants à se poser la question : quelle attitude adopter lorsque l'on doit décrire une activité pratique ordinaire dans son contexte ? "
    Les étudiants découvrent qu'il peut toujours y avoir un commentaire du commentaire. L'exercice de recherche objective du sens est impossible : " Les raisons qui rendent l'exercice impossible sont en fait de deux ordres :
    a) D'une part on suppose implicitement que les énoncés de la conversation sont l'objet du commentaire, comme s'ils n'étaient pas déjà en position de commentaire.
    b) D'autre part, on change de registre dans l'agencement des pratiques en modifiant les fins pratiques de la conversation qui viennent à être remplacées par d'autres, celles du commentaire scientifique. " (Bernard Conein, 1984.)

    Appartenance sociale ; " être membre "
    La notion d'appartenance sociale appara"t comme tout à fait fondamentale en ethnométhodologie ; car cette discipline fait de l'appartenance sociale à un groupe une condition normalement préalable à toute activité d'analyse et de description des activités sociales de ce groupe. Les implications de cette exigence sont nombreuses ; mais une des plus simplement explicitables est celle qui fait référence aux " allants de soi ". Si l'on ne conna"t pas les " allants de soi " du groupe, on ne comprend pas vraiment ce qui se dit dans le groupe. Etre membre du groupe, c'est avoir par contre donc l'occasion :
    - d'apprendre les " allants de soi " du groupe, I'accountabilité du groupe ;
    - de vérifier concrètement, par des échanges de dialogues, que l'on n'a pas commis de contresens dans cet apprentissage des " allants de soi " du groupe.

    Arbitraire du sens et rigidités du sens, " breaching "
    Dans les " Studies in Ethnomethodology ", Garfinkel insiste sur la force des résistances d'un groupe, face aux comportements d'un membre qui soudain ne respecte plus les procédures admises (expériences) de " breaching " faites par des étudiants s'astreignant à des comportements insolites dans leur famille. Mais il insiste aussi sur le fait que les conventions sont par certains côtés, négociables et arbitraires ; puisqu'Agnès parvient à négocier son passage de la catégorie des hommes à celle des femmes. On peut donc se demander comment s'articule, dans un groupe social, [e déterminé, le négocié et l'arbitraire.
    Dans toute machine (et l'on peut comparer en cela un petit groupe social et une machine), les principaux codes de communication sont au départ largement arbitraires. Leur choix peut se négocier. Mais après ce choix, et une fois que des accomplissements pratiques ont commencé à se dérouler, une fois que des masses importantes de définitions locales ont, sur cette base, été construites, il devient très difficile de renégocier une modification des codes les plus fondamentaux. Le groupe perçoit alors ces tardives remises en cause comme destructrices et leur oppose de fortes résistances ; (résistances, que met en évidence le " breaching "). Le groupe devient même alors de façon rigide générateur d'inductions.
    Les petits groupes sociaux que l'ethnométhodologie est amenée à étudier ne sont pas forcément toujours constitués de façon stable (une classe dans un établissement scolaire est par exemple un type de groupe particulièrement éphémère). Ils se font et se défont. D'où des alternances de situations de négociation et de rigidité.

    Bar-Hillel (Yeosuah)
    Logicien , et professeur à l ' université de Jérusalem, Yeosuah Bar Hillel a contribué de manière anticipative, mais décisive à la naissance de l'ethnométhodologie par l'analyse qu'il avait donné, dès 1954 (revue Mind), du phénomène d'indexicalité. Mais sa contribution la plus souvent citée sur ce sujet est " Indexical expressions " (1970) in Aspects of langage, Jérusalem, the Magnes Press, the hebrew University

    Caractère irrémédiable de l'indexicalité et problème des fondements de la connaissance
    Le fait que le sens des mots puisse être multiple n'est pas dans l'histoire des langues et de leurs dictionnaires une nouveauté. Par contre, relativement nouvelle est l'affirmation du caractère irrémédiable du phénomène à travers l'indexicalité. L'irrémédiabilité tient au fait que dans des conditions imprévisibles et de manière indéfiniment répétée, il peut appara"tre, de par le phénomène d'indexicalité, toujours ses significations nouvelles. Rien ne prouve donc jamais qu'une liste de significations est complète.
    Des argumentations seront donc développées pour montrer que ce phénomène sape dans une certaine mesure toute entreprise de construction d'une sémantique pour une langue donnée ; avec des répercussions ensuite qui compromettent très gravement toute possibilité de construire des grammaires formelles ; (et l'on conna"t les difficultés rencontrées par l'école chomskienne en cette matière). Les langues naturelles ne sont finalement donc, du fait de l'indexicalité, pas susceptibles individuellement de définitions complètement précises : affirmation grave qui mine sournoisement les bases de la linguistique générale. De ce fait, comprendre un texte, c'est pour partie raisonner mais pour partie donc aussi exercer une fonction divinatoire. A partir de là, et de proche en proche, l'indexicalité sapera aussi dans une certaine mesure l'édifice scientifique de la sociologie et ceux des sciences sociales ; puisque les langues naturelles sont des instruments obligés de ces disciplines. L'indexicalité ôtera d'abord tout espoir d'expliciter une fois pour toute les " allants de soi " d'un groupe (le langage naturel du " non dit " n'est pas mieux défini que le langage naturel du " dit "). L'indexicalité empêchera ensuite de donner avec certitude des définitions objectives ; (car sans langage point de définitions) ; mais sans définitions objectives, point de sciences sociales au sens traditionnel du terme.

    Castaneda (Carlos)
    Né en 1925 à Lima au Pérou, Carlos Castaneda entreprend en 1960 une thèse d'ethnobotanique sur l'emploi des plantes hallucinogènes au Mexique ; thèse qu'il soutient en 1968 avec H. Garfinkel dans son Jury. Cet ouvrage, s'intitulant initialement " Les enseignements de Don Juan ", a été traduit en français et publié dans la collection 10-18, Plon, sous le titre " L'herbe du diable et la petite fumée ". Il se compose de deux parties : un journal de route d'une part (qui raconte des séjours s'étendant sur plusieurs années chez les indiens Yaquis dans la région du désert de Sonora) ; et une proposition de théorisation d'autre part.
    Une querelle a éclaté ensuite, certains commentateurs ayant affirmé : soit que le travail de terrain n'était pas suffisant ; soit que les faits étaient trop déformés ; soit que le terrain était purement imaginaire. Un dossier critique sur ce sujet fut publié sous le titre " Ombres et lumières dans l'oeuvre de Castaneda ". La critique la plus hostile a été développée ensuite dans deux ouvrages édites par Richard De Mille, respectivement intitulés : " Castaneda's journey " (1975) et " Don Juan papers " (1980). On est allé jusqu'à dire que le sorcier Yaqui, Don Juan, n'était qu'une pure transposition imaginaire du personnage de H. Garfinkel. Par leur tirage, les ouvrages de Carlos Castaneda se situent au tout premier rang des best sellers mondiaux.

    Cicourel A.
    A été un des premiers élèves de Garfinkel, dont il s'est séparé vers les années 1975 pour s'intéresser aux recherches cognitives. A publié un des premiers ouvrages fondamentaux d'ethnométhodologie en 1964. (Method on Mesurement in Sociology).

    Commun (sens) ; raisonnement de sens commun
    Il est habituel que les sciences opposent "le raisonnement scientifique" au "raisonnement de sens commun", affirmant la supériorité du premier sur le second. La légitimité proclamée notamment du professionnalisme dans les sciences sociales se fonde sur cette prééminence (affirmée en tous cas comme telle) du raisonnement scientifique sur le raisonnement de sens commun. Or l'ethnométhodologie s'attache à démontrer que dans l'activité de la plupart des sciences, des raisonnements de sens commun viennent, de façon sournoise, couramment s'insérer au coeur même des raisonnements scientifiques comme composantes essentielles de ces derniers. Le fait que le rôle du sens commun dans un raisonnement scientifique soit difficile à déceler tient aux "allants de soi". Un vecteur privilégié d'introduction d'allants de soi dans tout raisonnement est le langage naturel. Et beaucoup de sciences ont, comme instrument de connaissance obligé, et de manière incontestable, le langage naturel.
    On sait que la rigueur d'un raisonnement dépend de celle de son maillon le plus faible. Dans beaucoup de sciences donc, le raisonnement scientifique ne vaudra pas mieux que le raisonnement de sens commun.

    Compétence unique (Unique Adequacy)
    Dans le chapitre 1 des "studies in ethnomethodology " Garfinkel propose des " politiques de recherches ", qu'il définit en énumérant cinq lignes directives principales. Le point numéro 2 de cette liste recommande de " refuser de tenir compte du projet prédominant qui vise à évaluer, reconnaître, catégoriser, décrire (...) en se servant d'une règle ou d'un étalon définis en dehors des situations (...) ". " Toutes les procédures qui invoquent des règles pour évaluer sur un plan général les propriétés logiques et méthodologiques des pratiques d'enquête et de leurs résultats, n'intéressent (pas) l'ethnométhodologie (... sauf à les étudier en tant que phénomènes...) ".
    A la notion de compétence universelle qu'elle conteste, l'ethnométhodologie oppose celle de compétence unique qui doit être construite uniquement à partir de matériaux présents sur le terrain étudié. Certes, sur ce terrain, il arrivera que des emprunts à des croyances universelles jouent un rôle local et s'intègrent en quelque sorte aux mythes locaux. En ce cas seulement, c'est-à-dire si, et seulement si, il y a manifestation effective du rôle local d'un " concept scientifique universel " on prendra finalement celui-ci en compte, mais seulement sur la base de sa manifestation localisée.

    Connaissance (cf. : " Caractère irrémédiable de d'indexicalité et problème des fondements de la connaissance ")

    Connaissances scientifiques
    Les notions de " pratiques localisées " et de " compétence unique " interdisent de subordonner les connaissances locales d'un groupe à la prétendue supériorité d'un corpus plus global de connaissances scientifiques générales (lequel ne pourrait du reste être défini que par une cascade d'inductions).

    Consignes de codage
    C'est à propos précisément des consignes de codage, et de rattrapage de défauts de consignes de codage d'enquêtes sociologiques, que Garfinkel introduit la notion de " ad-ocing ", c'est-à-dire de compensation à posteriori des erreurs d'une induction mal réussie (cf. " ad-hocing ").

    Constructives (analyses)
    Le terme " analyse constructive " est souvent utilisé par Garfinkel pour désigner la tradition dominante du raisonnement sociologique. " Par commodité nous rassemblerons sous l'expression " analyse constructive " toute technologie pratique de la sociologie professionnelle. L'analyse constructive et l'ethnométhodologie ont des intérêts irréconciliables " (Garfinkel et Sacks, 1970).

    Contexte
    Dans une perspective ethnométhodologique, les significations des mots et expressions des langues naturelles ne peuvent pas faire l'objet de définitions universelles ; le sens dépend toujours du contexte (sa variation en fonction du contexte étant le fait de l'indexicalité). Il y a selon Bar Hillel de véritables " doublets " reliant des formes verbales et des contextes.

    Contexte d'accomplissement et contexte de compte rendu
    Louis Quéré (1986) reprenant une idée de Bernard Conein écrit :
    " Il y a dans l'idée de pratique chez Garfinkel, du moins telle que je la comprends, une opposition entre contexte d'accomplissement et contexte de description ou de compte rendu "...
    " il me semble que Garfinkel reprend ici quelque chose du thème phénoménologique de la transparence des outils dont nous nous servons... lorsque nous nous servons d'outils, ils deviennent transparents en tant que prolongement de notre corps ; ils deviennent en quelque sorte partie de nous-mêmes ". Et, Louis Quéré cite l'exemple d'une canne d'aveugle. En contexte d'accomplissement, elle a un certain poids, une certaine forme, une certaine rugosité au toucher, il faut la serrer dans sa main ; et dès que l'aveugle s'en sert pour se guider dans la rue, elle lui est disponible comme un prolongement de son corps.

    Correctifs ; conseils aux entreprises
    Le terme de " correctif " a des sens nombreux qui mettent en jeu des systèmes de valeur, donc des inductions ; et l'ethnométhodologie adopte à leur sujet des attitudes où se mélangent la curiosité et la circonspection. Ce terme a été utilisé parfois en ethnométhodologie dans le sens de " conseils que l'on peut donner aux membres d'une institution en vue d'améliorer le fonctionnement de celle-ci ". L'emploi de ce mot fait alors référer à ce que l'on pourrait appeler " la visée correctrice de la sociologie ". C'est en tant que personnes singulières (en tant que membres) seulement que les ethnométhodologues peuvent exercer de telles activités. Mais ils peuvent y employer leurs connaissances ethnométhodologiques.
    Selon Garfinkel (1995 trad. CEMS), bien que s'abstenant de proposer des systèmes de valeur pour des correctifs, l'ethnométhodologie peut fournir à cette activité d'importants moyens : " ce qui s'est passé c'est qu'elle n'avait pas mis son ethnométhodologie de côté ; elle s'en était servi pour faire en sorte que ses compagnons de travail disposent de leur travail dans leurs propres termes, et cela d'une façon que ne leur avaient pas permis jusque-là leurs propres manières classiques de rendre compte de leurs pratiques et de les analyser ".

    Création continue du sens et dérive continue des conventions de langage
    Un thème souvent évoqué en ethnométhodologie est celui de la création du sens, de la création des catégories, de la création des pratiques sociales, etc. Selon que l'on appartient à une tendance plus ou moins radicale de l'ethnométhodologie, il pourra y avoir insistance plus ou moins grande sur l'imprévisibilité du processus de création continue du sens. Mais de toute manière, il est clair que ce processus intervient pour rendre dangereux le raisonnement par induction. (Cf. I,7 et II,4 de la présente revue).
    Cette imprévisibilité ébranle toutes possibilités de codes (rendant toujours nécessaire le ad-hocing ; cf. ce terme) et à partir de là contribue fortement à ébranler la notion même de langue. Car si la création du sens vient perturber constamment les codes de la langue, il en résultera qu'une langue naturelle n'est pas vraiment susceptible d'une définition objective posée en tant qu'affirmation d'un système abstrait déterminé.

    Définitions indexicales et définitions objectives
    Dans le chapitre 1 des Studies, Garfinkel montre que les sciences sociales s'efforcent constamment de remédier aux défauts des " définitions indexicales " en leur substituant des " définitions objectives ". Or l'ethnométhodologie dénonce le caractère illusoire de ces entreprises. La plupart du temps il sera impossible de construire des définitions objectives. Et les tentatives faites en ce sens conduiront à des " tâches infinies ".
    Cette référence à des " tâches infinies " est évidemment en relation avec la série infinie des opérations que nécessiterait le contrôle effectif d'un processus d'induction. Affirmer " objectivement " quelque chose, c'est poser une proposition comme toujours vraie indépendamment de l'observateur ce qui ne peut se vérifier autrement qu'ad infinitum sur un nombre infini d'observations.

    Descriptions
    Décrire est un genre d'opération qui implique des catégories, donc des inductions. Mais l'ethnométhodologie parvient à éviter d'assumer la responsabilité d'affirmer des catégories, en empruntant les catégories même du groupe qu'elle étudie ; et décrire devient donc pour elle alors une opération non inductive en soi.

    Déterminisme local, déterminisme global
    Le principe de " compétence unique " (voir ce mot) ne peut que réduire beaucoup, pour l'ethnométhodologue, l'intérêt que l'on attache aux différentes théories universelles ici et là construites pour proposer des explications déterministes de l'ordre global du monde.
    Par contre, tout au long des " studies " Garfinkel insiste sur l'existence de fortes cohérences logiques locales au niveau d'actions pratiques. Une femme de ménage aura sa logique pour balayer. Une cartomancienne aura sa logique pour étaler ses tarots sur la table, épier les réactions de son client, donner à celui-ci une satisfaction suffisante pour espérer qu'il revienne. (Cf. : rubrique " Arbitraire du sens "). Cette affirmation d'une logique locale et de sa permanence au niveau d'un groupe localement étudié s'accorde fort bien avec celle de l'existence tangible tout court de ce groupe, par contraste avec ce qui est connu seulement au travers de récits.

    Durkheim E.
    Né en 1858, mort en 1917, Emile Durkheim est considéré non seulement comme le fondateur de l'école franÿaise de sociologie, mais encore comme se situant à l'origine des traditions de pensées et de raisonnements qui prévalent dans l'ensemble du monde de la sociologie.
    Dans : " Les règles de la méthode sociologique " (1895) Durkheim affirme l'existence objective et la spécificité des " faits sociaux ", thèse dont sept décennies plus tard Harold Garfinkel, fondant l'ethnométhodologie, allait somme toute montrer qu'elle n'était pas la seule voie possible et qu'il y avait une alternative, celle des " sociologies sans induction ". Durkheim et la tradition issue de lui jouent en ethnométhodologie le rôle de l'adversaire que l'on cite le plus volontiers lorsque l'on montre que la supposée définissabilité objective de faits sociaux, implique très souvent des séries d'opérations infinies motivant des études sans fin (Garfinkel, 1967).
    Parmi les oeuvres de Durkheim, on peut citer aussi : " Le Suicide " (1897), et le touchant l'ethnologie : " La prohibition de l'insecte et ses origines " (1898) ; " Les formes élémentaires de la vie religieuse : le système totémique en Australie " (1912).

    Ethnocentrisme
    Plusieurs ethnologues (et notamment Levi Strauss) ont dénoncé le travers consistant à étudier une population déterminée à travers les lunettes déformantes des systèmes conceptuels d'une autre population (par exemple " le sauvage ", considéré par " l'européen ") ; ou ce qui est pire encore à imposer par la force à une population ndeg. 2 les systèmes conceptuels d'une population ndeg.1.
    La position ethnométhodologique pourrait se définir comme recommandant un " ethnocentrisme réflexif " : elle privilégie la compétence d'un groupe lorsqu'il s'agit de lui faire donner des descriptions de lui-même (compétence inique). Et surtout, elle recommande de faire l'effort d'acquérir la qualité de membre dans le groupe que l'on étudie (cf. : Appartenance sociale).
    En fait, l'observateur a un groupe d'origine aussi, et il y a toujours multi-appartenance de l'observateur. Les descriptions multi-référentielles ne sont bien entendu pas exclues, dans la mesure où elles sont vécues ; et où surtout l'observateur satisfait à la condition d'être membre du groupe ou des groupes dont il réfère le point de vue.

    Ethnométhodes
    On utilise parfois le terme d'ethnométhodes en sociologies pour faire allusion à l'emploi ponctuel, au sein d'études proprement sociologiques, de méthodes tirant leur inspiration de l'ethnologie.
    L'acception du mot ethnométhodes que l'on rencontre le plus souvent en ethnométhodologie est différente, et fait référence aux " méthodes des membres " d'une forme sociale quelconque (par exemple un jury de procès d assises) ; méthodes que ces membres mettent en oeuvre pour l'accomplissement d'activités pratiques.
    Le suffixe " ...logie " à la fin d'un mot signifie habituellement " science de... ". De sorte que l ethnométhodologie sera " la science des méthodes des membres ". On voit donc que l'ethnométhodologie n'est pas une ethnométhode, mais une discipline qui étudie les ethnométhodes.

    Ethnométhodologie
    " Qu'est-ce que l'ethnométhodologie ? Les études qui suivent se proposent de traiter les activités pratiques, les circonstances pratiques et le raisonnement sociologique pratique comme des thèmes (topics) d étude empirique en accordant aux activités les plus communes de la vie quotidienne l'attention habituellement accordée aux événements extra-ordinaires. Elles cherchent à les traiter en tant que phénomènes de plein droit. Leur recommandation est que les activités par lesquelles les membres organisent et gèrent les situations (settings) de leur vie courante sont identiques aux procédures utilisées pour rendre ces situations descriptibles " (" accountable "). Le caractère " réflexif " et " incarné " des pratiques de description (accounting practices) et des descriptions constitue le noeud de cette recommandation " (Harold Garfinkel ,1967 début du chapitre 1 des " Studies in ethnomethodology " ; trad. CEMS 1984).

    Ethnosciences
    On a longtemps appelé " ethnoscience " une branche de l`ethnologie appelée à comparer les connaissances positives des sociétés exotiques à celles de la science occidentale. Plus tard, pour éviter de faire jouer à la science occidentale un rôle privilégié, on a parlé au pluriel d'ethnosciences ce qui introduit une vision dans laquelle toute ethnie a " ses sciences ". Dans la mesure où science implique méthode, il y aura au pluriel également des " ethnométhodes ". Mais ce dernier terme a pris des acceptions variées.

    Expressions indexicales
    Expressions dont le sens renvoie au contexte ; par opposition à " expression objective " dont le sens ne dépend pas du contexte.

    Faits sociaux
    La tradition dominante de raisonnement sociologique présuppose qu'il est possible de définir objectivement des faits sociaux ; hypothèse dont on doit la formulation à Durkheim (cf. : rubrique à ce nom).
    L'ethnométhodologie attire l'attention sur le fait que la plupart du temps, les définitions que l'on donne de " faits sociaux " font intervenir des inductions ; et nécessiteraient en toute rigueur des nombres d'opérations infinies. Par là elle met d'une certaine manière en doute l'édifice tout entier des modes de raisonnements traditionnels de la sociologie ; non pour nier l'existence de cet édifice qui persistera de toute manière et restera utile pour un grand nombre d'usages ; mais pour faire comprendre l'intérêt des voies alternatives ouvertes par l'ethnométhodologie.

    Garfinkel H.
    Professeur à l'université de Californie de Los Angeles, Harold Garfinkel est de manière incontestée le fondateur principal et pratiquement unique de l'ethnométhodologie en tant que discipline et courant d'ides aux USA. Essentiel à cet égard est son ouvrage : " Studies in ethnomethodology " (1967), dont le premier chapitre s'intitule : " Qu'est-ce que l'ethnométhodologie ? ". Prises dans leur ensemble, les " Studies " de 1967 sont du reste l'ouvrage de référence numéro un de la discipline.
    On admet généralement que Erwin Goffman, Talsott Parsons et surtout Alfred Schutz ont eu une influence importante sur la genèse de la pensée de Garfinkel ; mais sur le point absolument capital de l'indexicalité, c'est l'influence de Bar Hillel qui doit surtout être mise en avant.
    Parmi les principaux écrits de Harold Garfinkel, on peut citer : " The perception of the others. A study in social order ".(1952), " Some sociological concepts and methods for psychiatrists " (1955), " Conditions of sucessful degradation ceremonies " (1956), " Aspects of the problem of common sense knowledge of social structure " (1959), " Common sense knowledge of social structure. The documentary method of interpretation in lay and professional fact finding " (1962), " A conception of and experiments with " trust " as a condition of stable concerted actions " (1963), " Remarks on ethnomethodology " (1972) ; et aussi : " On formal structures of practical actions " (1970 en collaboration avec Sacks), " The work of a discovering science construed with materials from the optically discovered pulsar " (1981 en collaboration avec Lynch et Livingston).

    Goffman E.
    Sociologue américain et professeur à l'Université de Berkeley, Erwing Goffman est considéré de par la nature de ses positions comme un inspirateur et un précurseur du mouvement ethnométhodologique. Parmi ses oeuvres les plus significatives à cet égard, on peut citer " Asiles " (1961) et " Les rites d'interaction " (1974).

    Histoire de l'ethnométhodologie
    Le fondateur de la discipline est indiscutablement Harold Garfinkel (né en 1917, actuellement professeur à l'Université de Californie de Los Angeles) ; et du reste dans : " The origins of the term ethnomethodology " (1974), il raconte comment un tel nom lui est venu à l'esprit. Mais le texte réellement fondateur avait été " studies in ethnomethodology " (1967).
    On admet généralement que des précurseurs de l'ethnométhodologie ont été Alfred Schutz, Erwing Goffman et Talcott Parsons, dont Garfinkel avait eu l'occasion de suivre les enseignements. Contemporains de Garfinkel, et proche de lui à une certaine époque, Aaron Cicourel qui ne veut pas être considéré comme un des cofondateurs du mouvement ethnométhodologique, mérite au moins d'être classé parmi ses proches inspirateurs.
    Parmi les principaux noms d'une " première génération . d'ethnométhodologues très proches de Garfinkel, on cite souvent H. Sacks, E.A. Schegloff, D. Sudnow, L Wieder, Zimmerman.

    Incarné
    Le terme " incarné " apparaît dés les premières lignes des " Studies " (1967) pour exprimer l'idée que les activités de l'esprit sont incarnées i.e. par de la matière. Il en est ainsi notamment du sens, des raisonnements, des descriptions. Cette notion d'incarnation joue un rôle central en ethnométhodologie car c'est à partir d'elle qu'il peut être question de machinerie d'une part (cf. ce mot), et de localisation d'autre part (sens local, pratiques localisées, etc.).

    Indexicale (expression indexicale)
    Expression dont le sens renvoie au contexte de son énonciation.

    Indexicale (définition indexicale)
    Définition dépendante du contexte.

    Indexicalité
    C'est en termes universels que l'on parle d'indexicalité : il s'agit donc d'une question située à la fois dans le champ des " sociologies avec induction " et des " sociologies sans induction ". (Cf. I,7, et II,4 de cette revue.)
    Bernard Conein définit (1984) l'indexicalité comme suit :
    " La définition de ce que l'on doit entendre par expression indexicale est donnée dans les Studies dans le chapitre I, et reprise sous une forme plus élaborée dans l'article de 1970. Ces deux textes insistent sur trois caractéristiques de ces expressions :
    a) ce sont des expressions dont la signification ne peut être donnée sans recours à des éléments liés au contexte pragmatique (espace, temps, sujets présents, objets présents) ;
    b) chaque fois que le contexte pragmatique change, la signification de l'expression change, car dans chaque contexte elle se réfère à des états de choses différents ;
    c) ces expressions comportent des indicateurs réflexifs sans valeur descriptive. Les déictiques et les index qui marquent la dépendance contextuelle. "
    En présentant ces caractéristiques, ils reprennent le constat fait par Tarski et Bar Hillel : elles sont non seulement des propriétés propres à des expressions, mais propres au langage naturel en tant que tel (langage naturel s'opposant ici à langage formel ou langue formulaire). On passe dès lors d'une indexicalité localisée à une indexicalité généralisée, toute expression produite en langage naturel comportant un composant indexical. Ce qui veut dire que l'indexicalité n'est plus seulement une propriété de certaines expressions, mais du langage naturel. " (B. Conein, 1984.)

    Indifférence ethnométhodologique
    " Ethnomethodological studies... describe members' accounts... while abstaining from all judgments of their adequacy, value, importance, necessity, practicality, success, or consequentiality. We refer to this procedural policy as "ethnomethodological indifference " " (Garfinkel et Sacks, 1970).
    Dans l'observation d'un groupe social, le sujet observant joue un rôle triple :
    a) Par l'appartenance sociale, il s'identifie au .groupe observé, il est un membre du groupe observé.
    b) Par le " je ", c'est-à-dire par l'expression à la première personne du singulier de son vécu, il s'explicite lui-même comme observateur, présent sur les lieux de l'action sociale.
    c) Mais un troisième rôle est simultanément tenu par lui comme organisateur fixant la procédure de l'expérience, et veillant à mettre sous contrôle les processus d'induction. (Cf. 1,7 et 11,4.)
    En tant que membre du groupe étudié (rôle a) ou en tant que sujet observant (rôle b), l'observateur doit être aussi participant que possible, perméable à toutes les sensations qui se présentent. Son attitude est le contraire de l'indifférence.
    Mais en tant qu'organisateur par contre des conditions de l'expérience, l'observateur doit mettre en oeuvre une logique aussi froide que possible. Pour évaluer par exemple la réalité de sa qualité de membre, il devra réfléchir froidement au volume effectif de communication qu' il a pu avoir avec le groupe étudié, sans se laisser entra"ner par des illusions et des désirs. Pour évaluer la réalité de l'application faite du principe de compétence unique, il ne devra pas se laisser entra"ner par l'enthousiasme de ses convictions idéologiques ou politiques, etc.
    L indifférence ethnométhodologique interdira-t-elle à l'observateur de conclure par une discussion passionnée et des démonstrations passionnées en faveur de thèse pour lesquels il se passionne ? Certes non, et pas vraiment. Tout cela est en effet tout de même permis à condition de s'assortir d'une " mise entre guillemets " finale, c'est-à-dire d'une prise de recul finale à la faveur de laquelle l'observateur, redevenu indifférent, se décrit lui-même comme " ayant été passionné ".
    A la base et au fondement premier de toute attitude de description ethnométhodologique, on trouve précisément du reste une sorte d'opérateur de " mise entre guillemets " (opérateur de type " je cite "), dont les imbrications possibles multiples permettent d'insérer des discours dans d'autres discours. Cet opérateur est typiquement celui de l'indifférence ethnométhodologique.

    Infinitude des indexicalités
    Le phénomène d' indexicalité peut associer à une forme linguistique donnée, et en fonction des contextes, une quasi-infinitude d' acceptions différentes. Les indexicalités sont donc des polysémies infinies, assorties d'une large imprévisibilité des significations susceptibles de surgir en de telles séries infinies. C'est cette infinitude qui se trouve à la source du caractère irrémédiable du phénomène d'indexicalité.

    Information
    Il ne se crée en principe jamais d' information à partir de rien. L' information (quantité d' information) apportée par la réalisation d'un évènement est égale au logarithme binaire inverse de la probabilité de cet événement ; d'où une parenté avec la notion d'entropie issue de la physique thermodynamique. Les lois de l'entropie entra"nent que, dans un système fermé, il ne peut y avoir que diminution de la quantité globale d'information et qu'il ne se crée donc pas d'information.
    Le phénomène d'indexicalité produit cependant des effets exactement comparables à une création d'information, sans violer pour autant les lois de la physique entropique. Car ce phénomène d'indexicalité prend en compte des données contextuelles aléatoires pour les incorporer dans les significations.
    Il est important de noter, qu'en cela l'indexicalité fonctionne comme un système divinatoire. Les systèmes divinatoires exploitent en effet des tirages au sort, dont ils interprètent les résultats pour fabriquer du sens. Il n'y a pas création physique d'information ; mais transformation d'une information aléatoire sans valeur (l' ordre aléatoire d'un paquet de cartes) en information valorisée (choix d'une conduite de vie). L'interprétation quotidienne par chacun d'une langue naturelle est donc en ce sens un acte partiellement divinatoire.

    Intelligibilité (cf. : " Accountability ").

    Interprétation
    En sociologie, il est habituel d'interpréter et de théoriser les observations que l'on fait. Mais l'ethnométhodologie soutient qu' il n'y a pas de différence de nature entre cette interprétation savante et l'activité constante d'interprétation exercée à des fins pratiques par tout acteur de la vie sociale. (Dans l'un ou l'autre cas, il s'agit d'inductions). Et surtout elle soutient que l'interprétation sociologique savante ne doit pas être prétexte à destruction de l'information contextuelle initiale (travers qu'elle dénonce comme étant la pratique de nombreux sociologues).

    Irrémédiable (voir rubrique : caractére irrémédiable de l'indexicalité).

    " Je "
    En ethnologie (dans une certaine ethnologie en tout cas) il est d'usage que l'observateur se décrive lui-même en même temps qu'il dépeint la scène observée ; ou du moins qu'il signale son existence (et la perturbation éventuelle qu'il introduit) en s'exprimant à la première personne du singulier. Or il est important de rappeler que la prise en compte du " je " n'est pas forcément la source d'une perte d'objectivité. Il est d'usage en effet, dans les sciences physiques, lorsqu'on décrit les résultats d'une expérience, de donner en même temps une description de l'appareil d'observation. Mais en ethnologie, l' appareil d'observation n'est rien d'autre que l'observateur lui-même, c'est le " je ". Si " je " par exemple est sourd, il doit signaler la chose. S'il est borgne et ne peut regarder que d'un seul côté, il doit le dire. S'il est obsédé par une mélodie et ne prête attention à rien autour de lui, cela équivaut à faire de lui-même un aveugle partiel et un sourd partiel : il doit le signaler.
    L'ethnométhodologie, pour des raisons qui ne sont pas exactement celles énumérees ci-dessus, mais qui n'y sont pas complétement étrangères non plus, impose un minimum de description du rôle " je ", simultanément à celle de toute chose observée ; elle exige en effet que l'observateur participe de manière effective à l'activité des groupes humains qu'il étudie, et que ses relations de participation fassent l 'objet de descriptions précises. Elle souligne aussi le fait que le " je " fait partie du contexte, si bien que l'indexicalité impose sa prise en compte. En l'absence de cette précaution de rappel du rôle du " je ", il pourrait en effet s'installer une illusion d'objectivité scientifique, comme si le système de référence de la description que l'on fait était " l' absolu immatériel des sciences universelles " ; illusion dont on veut se garder.
    Il s'avère ainsi une fois encore que, tout en bannissant le concept d'objectivité, I'ethnométhodologie cultive une forme de prudence qui se rapproche considérablement de l'esprit d'objectivité : attitude consistant à éviter par dessus tout de présenter comme certitudes des affirmations qui pourraient se trouver un jour sujettes à révision.
    L'ethnométhodologie pose les fondements de son épistémologie en amont de la pratique des langues naturelles. Cela lui permet de critiquer les pratiques habituelles des sciences humaines en tant qu'entachées des imprécisions des langues naturelles du fait du pénomène de l'indexicalité.

    Lexique
    Un lexique énumère des formes de mots en face desquels il place des définitions. Or l'ethnométhodologie conteste qu'il puisse exister des définitions objectives (i.e. définitions ayant une validité indépendante du contexte). Un lexique doit donc se donner une base locale de définition en se référant à un groupe humain bien déterminé, ayant des dimensions limitées.
    Le présent lexique se donne pour groupe humain de référence un " village universitaire parisien où l'on porte intérêt à l'ethnométhodologie " .

    Local
    Parce qu'elle est " incarnée ", la connaissance est " locale " ce qui conduit à parler de " sens local ", " logique locale ", etc.

    Logique locale (ruptures de)
    Garfinkel à de nombreuses reprises sur le caractère logiquement construit, intelligent, élaboré des pratiques de la vie quotidienne. Le monde est localement logique (cf. : Déterminisme local).
    Poser le principe qu'il y a des logiques locales, c'est manifester ipso facto de l'intérêt pour les ruptures de logique locale. Intéresseront donc l'ethnométhodologie :
    - Les paradoxes.
    - Les indexicalités (paradoxales puisqu'elles donnent aux mots des acceptions contradictoires, faisant qu'un mot ne désigne soudain plus la même chose qu' auparavant).
    - Les cas de personnalités multiples (paradoxe sur l'identité du " je ")
    - Les états modifiés de conscience, transe, etc. (qui sont des formes atténuées de personnalités multiples).
    - Les sectes, à condition de définir celles-ci comme des zones de discontinuité sémantique

    Machinerie sociale, routines, logiciels sociaux
    " The machinery of professionals' gloss achievements is described... as members' machinery " (Garfinkel and Sacks, 1970 : 361).
    " Ainsi ce n'est pas une conversation particulière, en tant qu'objet, qui ; m'intéresse vraiment. Ce que je vise plutôt c'est à arriver à transformer, en un sens que je conçois presque comme littéral, physique, notre vision de ce qui s'est passé dans une interaction particulière : ne plus le voir comme spécifique à cette interaction particulière produite par des gens particuliers, l'interaction étant alors l'objet de l'étude ; mais le voir comme spécifique aux interactions en tant que produits d'une machinerie, ce qui est alors à découvrir étant la machinerie, étant entendu que pour la découvrir il nous faut accéder à ses produits. Pour l'instant, c'est la conversation qui nous assure un tel accès. " (Sacks 1970, trad. française CEMS, 1984, p. 143.) "
    Nombreux sont les textes ethnométhodologiques qui comparent le fonctionnement de groupes sociaux à des " machineries " qui s'opposent à dérouler autre chose par leurs " routines " (le terme de " routines " intervenant du reste dans le titre du chapitre 2 des Studies). Pour désigner les " logiciels " de telles machineries sociales nous proposons ie terme de " logiciels sociaux ".

    Machines à analyser les langues naturelles, et indexicalité
    Dès la décennie de 1960, Bar Hillel annonçait l' impossibilité de la construction de telles machines. Du fait de l'indexicalité disait-il les langues naturelles ne sont pas vraiment définies. On n'a pu en effet jusqu'ici concevoir et réaliser que des machines très grossières et très approximatives.

    Machines cognitives et indexicalité
    Même lorsqu'une machine est supposée pouvoir remplir une fonction cognitive (c'est-à-dire même lorsqu'une machine a pu être construite et fonctionne " convenablement " au sens commun du terme, par exemple comme un système expert), il n'en reste pas moins qu'il y aura indexicalité dans l'interprétation des messages que cette machine envoie ; ce qui fera apparaitre l'équivalent d'une dimension divinatoire de fait au niveau de son utilisation.

    Membre (qualités de)
    Rapport existentiel entre chacun de nous et les formes sociales d' appartenance concrète à tel ou tel groupe de personnes. (Cf. : " Appartenance sociale ".)

    Négociation du sens
    Dans un groupe humain de dimensions limitées dont les membres communiquent les uns avec les autres, il s'opère des mises en commun d'objets usuels et de concepts servant à désigner ceux-ci. D'où un certain partage du sens. (Cf. : Appartenance sociale.)
    Les mises en commun de concepts supposent des déplacements sémantiques de ceux-ci lorsque au départ leurs definitions diffèrent d'un individu à l'autre. Il y a négociation du sens. Cette négociation est arbitraire au niveau des résultats qu'elle peut produire. Il y a donc un certain degré d'arbitraire dans la fixation du sens.

    Objectivité (définitions objectives)
    Une définition est dite " objective " si sa validité est indépendante du contexte.

    Objectivité des faits sociaux
    Selon Louis Quéré (1986, page 1) l' ethnométhodologie recommande " de ne pas traiter les faits sociaux comme des choses, mais de considérer leur objectivité comme réalisation sociale " (Car) " elle cherche à analyser le monde social non pas tel qu' il est donné, mais tel qu' il est continuellement en train de se faire, en train d' émerger comme réalité objective, ordonnée, intelligible et familière ".

    Objet culturel
    On appellera " objet culturel ", le couple constitué par un objet matériel et par un fait social contextualisé tel qu' envisagé dans la rubrique lexicale " Objectivité des faits sociaux " ; c est-à-dire qu' un objet culturel sera le couple constitué par un objet et par une interprétation culturelle de l histoire et de la fonction de cet objet.
    Une boite de conserve utilisée comme ballon par des enfants sera un couple boite de conserve/ballon.
    Il est fréquent d' observer que les objets dont on est entouré (maison, meubles, instruments, etc.) ont été produits ou pour le moins façonnés par autrui, à travers des processus culturels faisant intervenir, parfois pour un seul de ces objets, des dizaines et des dizaines de personnes. Même un objet à première vue naturel est transformé par son utilisation.

    Outil (transparence de l')
    Selon Louis Quéré (1986, page 8) : " Garfinkel reprend quelque chose du thème phénoménologique de la transparence des outils dont nous nous servons... ceux-ci ne sont plus pour nous des objets du monde objectif dotés de propriétés déterminées ; ils deviennent en quelque sorte partie de nous-même. " Pour distinguer ces deux visions contextuelles, dont l' une est transparente et l' autre point, Louis Quéré parle de contexte de compte rendu et de contexte d' utilisation.
    Dans son contexte d' utilisation ou d' accomplissement, une paire de jumelles pèse un certain poids, sa tenue en position réclame un certain effort, etc. Dans son contexte de compte rendu, la même paire de jumelles est un prolongement direct de notre vue ; d' où une seconde perspective qui est celle de voir, et dans laquelle le poids, la gène de la paire de jumelles sont oubliés.

    Outil (le groupe social comme outil cognitif)
    La rubrique précédente a donné l' occasion d' un exemple de connaissance à travers un outil, une paire de jumelles. L' exemple aussi d' une connaissance du monde à travers une canne d' aveugle a été proposé dans la rubrique " Contexte d'accomplissement et contexte de compte rendu. Les ordinateurs aussi sont d'autres exemples très importants d'outils que des informaticiens passionnés finissent par percevoir comme des prolongements de leur propre corps, en tant qu'outils de connaissance.
    Mais le genre de machines à conna"tre, le genre d'outils auxquels l'ethnométhodologie s'intéresse le plus fondamentalement est le groupe social (cf. " Machineries ").
    Dans le processus de connaissance que privilégie l'ethnométhodologie, l'action de conna"tre se stratifie sur deux étages : contexte " d'accomplissement " dans la perception que l'on a de " l'incarnation " du groupe ; contexte de compte rendu quand on voit à travers les yeux du groupe.

    Parsons (Talcott)
    Talcott Parsons, sociologue américain, a effectué ses études à Londres et à Hidelberg pour devenir assistant puis professeur de sociologie à Harward (professeur titulaire ,à partir de 1944). Ses oeuvres principales sont : The structure of Social Action (1937), Essays in Sociological Thery (1949), The Social System (1951), Toward a General Theory of Action (1951), Family, Socialization and Interactio Process (1955), Structure and Process (1955), Structure and Process in Modern Societies (1959), Social Structure and Personality (1963), Societies : Evolutionary and Comparative Perspective (1966).
    Ces contributions ont été très importantes au niveau de la théorisation des notions de fonction et de rôle. Parsons avait été un des professeurs de Garfinkel ; l'on en tire parfois argument pour voir dans l'ethnométhodologie, une sorte de fonctionnalisme ultraradicalisé.

    Politique et ethnométhodologie
    Etre humaniste, proposer un grand dessein politique pour l'humanité, implique d'assumer des raisonnements par induction. Aussi, dans la préface des Studies, Garfinkel écrit " nous ne sommes pas à la recherche d'arguments humanistes" , et il précise également que les recherches ethnométhodologiques " ne visent pas à proposer un remède pour des actions pratiques ", comme si on pouvait trouver à propos des actions politiques qu'elles sont meilleures ou pires que ce qu'on prétend habituellement.
    A propos pourtant de l'accountability, Louis Quéré (1984) signale que cette notion apporte " la possibilité de construire en sociologie un modèle d'acteur qui ne réduise pas l'homme-en-société à un idiot dépourvu de jugement ". " De ce point de vue, la problématique de l'accountability constitue, chez Garfinkel, l'épine dorsale de sa critique de toutes les théories sociologiques de l'action qui ne peuvent concevoir les membres que comme des " judgmental dopes ", " des idiots culturels ", ainsi qu'une base d'appui pour esquisser une alternative raisonnée à l'explication de leurs conduites par des règles, des normes, des croyances et autres déterminants externes " (Louis Quéré, 1944, p. 102).
    A travers ces explications de Louis Quéré, nous découvrons que le système construit par celui qui (pour éviter une induction) ne prétendait pas être humaniste, produit des modes de raisonnement permettant de respecter tout simplement les gens. La question des relations entre l'ethnométhodologie et la politique est donc beaucoup moins simple qu'il ne pourrait sembler à première vue.

    Réalité
    Louis Quéré (1986) reprenant une idée de Bernard Conein distingue, chez Garfinkel, deux niveaux de réalité :
    - Le niveau des " contextes d'accomplissement " (par exemple, un groupe d'astronomes bien en chair et en os, s'occupant à examiner le ciel).
    - Un niveau de " contexte de compte rendu " (la découverte d'un pulsar, comme réalité de compte rendu produite par ces mêmes astronomes).
    On peut noter que le second niveau s'appuie sur le premier ; que l'affirmation de l'existence d'un pulsar implique une induction ; mais que cette dernière restera acceptable puisqu'elle est objectivée à travers un accomplissement.

    Réflexivité
    En mathématiques, une relation réflexive est une relation qui renvoie d'un objet à lui-même. L'égalité par exemple est réflexive pour le motif que a = a. Une relation réflexive y est une sorte de miroir pouvant renvoyer d'un objet quelconque à lui-même. Or ce même terme de " réflexivité " est utilisé dans la page 1 des " Studies ", où Garfinkel (1967) nous dit que les descriptions sont " incarnées " et " réflexives. " Le caractère réflexif et incarné des pratiques de descriptions et des descriptions constitue le noeud de cette recommandation ".
    Que faut-il entendre par descriptions " incarnées " et par descriptions " réflexives " ? " Incarnées " signifie que les descriptions sont portées par de la matière. Elles s'incarnent dans la personne qui décrit. Et " réflexives " signifie alors que la description renvoie à cette personne et à son contexte. Au total, la description, qui est donc dans la personne, est aussi un miroir de celle-ci. Grâce à la réflexivité, les catégories mêmes employées par exemple par un enfant pour décrire le monde qui l'environne, pourront être considérees comme jouant un rôle miroir vis-à-vis de cet enfant ; elles seront le miroir d'une certaine mentalité enfantine.
    Par extension, il arrivera que certains ethnométhodologues appellent " réflexivité " le lien tout court qui met en correspondance une expression indexicale et son contexte. Et, par une extension encore plus lointaine, on définira parfois aussi la réflexivité comme une capacité subjective de gérer l'indexicalité, permettant d'effectuer sans hésiter des choix parmi les significations multiples qui se proposent à partir de plusieurs réseaux contextuels auxquels on appartient . Ces choix supposent en effet que l'on établisse des liens pertinents de " miroir " entre une forme de discours, et la réalité contextuelle au milieu de laquelle ce discours s'incarne.

    Sacks (Harvey)
    A sa mort survenue en 1975, Harvey Sacks était considéré comme le collaborateur le plus proche et le meilleur continuateur possible de H. Garfinkel dont il avait été l'élève. On classe habituellement H. Sacks dans la " première génération des ethnométhodologues " (aux côtés de Schegloff, Sudnow, Zimmermann, Wieder).
    L'article : " On formal structure of practical actions " (1970) publié par lui en collaboration avec Garfinkel, a presque valeur de manifeste. Parmi ses principaux travaux, on peut citer aussi : " Sociological description " (1963) ; " An initial investigation of usability of conversationnal data for doing sociology " (1972) ; " On the analysability of stories by children " (1972), " Tout le monde doit mentir " (1973) ; " Opening up closing " (1974 en col!aboration avec Schegloff).

    Savoir, Science
    Poser une quelconque définition " objective " du " savoir " implique que l'on assume plusieurs séries infinies d'inductions, dont certaines se situent en amont même de la notion de langage. L'ethnométhodologie ne pourra donc manipuler que de façon indirecte cette notion, en la faisant porter par un groupe humain de référence qui joue son rôle de " machinerie cognitive " et d'outil. (Cf. 1,7 et 11,4 de la présente revue.)
    Assumer au singulier et comme un absolu le mot science suppose que l'on assume une double infinitude d'inductions, relatives d'une part à une quasi-infinitude d'objets, et d'autre part à une quasi-infinitude de personnes qui seraient supposées admettre la légitimité de la construction " science ". Il s'agit donc d'un concept que l'ethnométhodologie devra tenir sous contrôle :
    - soit en le " localisant " (notion de science locale, spécifique à un groupe humain fini donné, porteur de la science en question ; cf. " Ethnosciences ") ;
    - soit par indirection ce qui n'est pas exactement la même chose, le choix du groupe de référence étant bien plus large (Exemple " la science telle que la conçoivent les adhérents parisiens de l'union rationaliste ").

    Schegloff
    Professeur au département de sociologie de l'université de Californie de Los Angeles, E.A. Schegloff est considéré comme un des plus brillants ethnométhodologues de la première génération. On peut citer ses articles : " Opening up closing . (1974, en collaboration avec Sacks), " A simplest systematics for the organization of turn-taking for conversation " (1974, en collaboration avec Sacks et Jefferson).

    Schutz (Alfred)
    Est souvent considéré comme un précurseur très proche (le plus proche peut-être) de l'ethnométhodologie. Parmi ses oeuvres significatives à cet égard, on peut citer : " The phenomenology of social world " (1967) ; " The structures of the life world " (1973, en collaboration avec Luckmann).

    Sens, sens local
    En ethnométhodologie, le sens dépend de l'espace (le lieu l'on est), du temps (le moment), et du choix d'une population de référence. Le sens est local, il se négocie.

    Statistiques
    Des méthodes statistiques sont souvent proposées en sociologie pour mettre en évidence des corrélations entre " faits sociaux ".
    Les statistiques supposent la mise en place de segmentations catégorielles, avec absence de prise en compte des diversités du sens local. Elles soulèvent donc souvent, au-delà des nombres, des problèmes d'interprétation. Le fait que certains résultats soient numériques ne les rend pas nécessairement pour cela objectifs (cf. Cicourel).

    Subjectif (caractère subjectif de l'approche ethnométhodologique)
    " L'idée centrale de l'ethnométhodologie était que toute espèce de réalité devait être considérée comme une construction subjective, ou du moins intersubjective, de personnes qui en parlaient. " (Richard De Mille, page 68, 1980.)
    Pourtant lorsque Garfinkel, dans les premières lignes du chapitre 1 des " Studies " (1967), évoque " le caractère (...) incarné des pratiques de description ", lorsqu'il parle de machinerie à propos des formes sociales, il semble clair qu'il admet l'existence objective des subjectivités et du groupe ; position comparable à celle de l'informatique qui pose en principe l'existence de ces machines, puis décrit le monde à travers la « subjectivité » de celle-ci.

    Subjectivité
    Ce terme peut être utilisé par opposition à la notion de membre d'une forme sociale, pour désigner la part d'activité pensante d'un membre qui se situe en dehors de la forme sociale considérée, ou en amont de celle-ci.

    Sudnow (David)
    David Sudnow fit partie du petit groupe de personnes que Garfinkel avait cité en 1967 dans la préface des " Studies " comme ayant contribué avec lui à la naissance de l'ethnométhodologie. Cette même année 1967 fut du reste celle de la soutenance par Sudnow à Berckley de son doctorat, au jury duquel figuraient Garfinkel, Goffman et Cicourel. David Sudnow a édité en 1972 l'ouvrage collectif " Studies in Social interaction " (N. Y., The Free Press). Il est par ailleurs l'auteur de " Ways of the hand ", Cambridge, Harward University Press.

    Terrain ethnologique
    Un " terrain " ethnologique est une forme sociale localisée.

    Transsexualité d'Agnès
    Le cas Agnès, un chapitre célèbre des " Studies in ethnomethodology " : au départ Agnès est un homme et se conçoit intellectuellement comme femme dans son essence. Il tient son physique d'homme comme une erreur de la nature.
    Les questions de transsexualité n'ont pas d'intérêt spécial en soi pour l'ethnométhodologie. Ce qui fait l'importance du cas Agnès, c'est la démonstration qu'il apporte d'un arbitraire total au niveau du choix des catégories. C'est arbitrairement qu'Agnès se déclare femme. Et cet arbitraire l'emporte finalement sur tout le reste. (Cf. Arbitraire du sens.)

    Wieder D.L.
    Professeur au département de communication de l'Oklahoma university, D.L. Wieder est considéré comme l'un des plus brillants ethnométhodologues de la première génération. Parmi ses ouvrages, on peut citer : "Language and social reality " (1974).

    Zimmermann D.H.
    Professeur au département de sociologie à l'université de Californie de Santa Barbara, D.H. Zimmermann est, comme Sacks, Schegloff, Pollner et Wieder, considéré comme l'un des plus brillants ethnométhodologues de la premiére génération. Parmi ses articles, on peut citer : "Record - keeping and the intake process in a public welfare agency" (1969), "The every day world as phenomenon"(1970, en collaboration avec Pollner) ; "Ethnomethodology and the problem of order : comment on Denzin", (1970 ; en collaboration avec Wieder).
     


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