Yves Lecerf et l'ethnométhodologie enseignée
Dès l'instant où il a découvert l'ethnométhodologie - c'était en 1983 - Yves Lecerf s'en était occupé de multiples facons, qui toutes convergeaient dans l'animation et la gestion du DESS d'ethnométhodologie et informatique. Il s'était lancé dans cette dernière étape de sa carrière à corps perdu, et je n'étais pas seul, ces derniers jours, à remarquer la fatigue que nous mettions au compte des tâches multipliées de cette rentrée universitaire. Il est mort au moment même où cette phase, particulièrement éprouvante, arrivait à sa fin, la veille même de ces petites fêtes auxquelles, à Paris 7 comme à Paris 8, il avait l'habitude de nous inviter chaque année, pour célébrer l'ouverture des cours.
Son activité très intense de responsable pédagogique administratif de cette filière n'avait rien à voir avec le travail bureaucratique routinier alors même que ces routines inévitables dévoraient son énergie. Ce travail d'administration, en même temps que l'enseignement et la recherche autour de l'ethnométhodologie s'était en effet organisé autour et en fonction d'un projet intellectuel qui avait trouvé sa première formulation, dès 1985, dans la préparation et la publication d'un numéro double de la revue Pratiques de formation (du Service de la formation permanente de Paris 8). Cette publication servait de support aux enseignements en la matière, il avait été conçu comme un manuel collectivement élaboré sous sa direction.
Il rencontrait régulièrement le fondateur de l'ethnométhodologie, Harold Garfinkel, soit à Los Angeles où il a pris sa retraite, soit à Paris où il l'invitait à animer des rencontres avec les étudiants. Il souhaitait que Garfinkel soit fait docteur honoris causa de notre université et il avait effectué déjà les démarches nécessaires. Il serait à cet égard très souhaitable que l'université réalise cette dernière volonté d'Yves Lecerf et que, ce faisant, elle réunisse dans un même hommage l'oeuvre de notre collègue américain et celle de notre ami.Il nous avait invités, Robert Jaulin, Joseph Sumpf et moi-même, à signer avec lui la maquette du diplôme "à double sceau", de sorte que j'ai pu connaître de près, en y participant, le dispositif qu'il avait conçu et mis en place à la fois à l'institut d'ethnologie de Paris 7 et au département d'informatique de Paris 8.
Les enseignements y étaient assurés, pour l'essentiel, par une équipe d'enseignants-chercheurs réunis autour de lui : les réunions de travail, les sessions hebdomadaires de cours, les examens de fin d'année, les fêtes pour l'ouverture de la nouvelle année étaient autant d'occasions d'échanges.
Il arrivait tout juste à la fin de la période d'examens et aussi, en même temps, de l'accueil des nouveaux étudiants. Les fêtes pour l'ouverture de la nouvelle année universitaire devaient, je l'ai rappelé déjà, célébrer ce passage. Il s'en est allé à ce moment-là ...
Georges Lapassade
Saint Denis, ce 23 novembre 1995