1.4.7.- Infinitude des indexicalités. (en anglais : infinity of indexicalities).Commençons par une image simple, dans un langage formel, en prenant un exemple en LISP. On peut voir, dans l'article "indexicalité", que l'équivalence permettant le remplacement, dans une expression indexicale, par l'expression référencée est connue de tous, en particulier de la machine et du programmeur. C'est ce qu'on appelle, pour les fonctions (les mots) de ce langage, sa définition. L'idée de définition ici est utilisée dans un sens tout à fait analogue (mais pas identique) à la définition d'un mot du langage naturel dans un dictionnaire d'usage.
Par exemple, la fonction CAAR(l) peut se définir comme :
CAAR(l)=CAR(CAR(l)).
C'est la fonction qui, appliquée à une liste (éventuellement formée de sous-listes), ramène le "premier élément (de la liste (de la sous-liste))" ou, dit d'une autre façon, ramène le premier élément de la première sous-liste.
Il existe, dans un automate capable d'interpréter LISP, un module, qui, lorsqu'il rencontre la forme CAAR(l) fait le remplacement du corps de la fonction par sa définition. De même, il existe un module qui, lorsqu'il rencontrera la forme CAAR(l), cherchera dans le passé, ou attendra dans le futur la forme qui lui permettra de remplacer l'argument "l" par une valeur, faisant ainsi exactement le même travail que notre esprit, quand nous lisions la deuxième occurrence de l'article "la" dans l'exemple 1 de l'article "indexicalité".
Exactement comme nous, cet automate, dans le cas où la référence est dans le futur et ne vient jamais, aura un problème d'interprétation : la phrase "le chat l'a tuée." n'est pas interprétable sans une suite : "c'était pourtant une bien jolie souris".
Mais dans une définition de fonction en LISP, il peut se produire le phénomène suivant : le nom de la fonction que l'on est en train de définir apparaît dans la définition. Ceci apparaît, par exemple, dans la définition classique de la factorielle donnée ci-après.
FACT(n) : si n<0 alors message d'erreur
si n=1 alors FACT(n)=1
sinon FACT(n)= n * FACT (n-1)
Cette fonction, appliquée à un nombre positif, réalise le calcul de factorielle n, suivant le principe que la factorielle d'un nombre, c'est ce nombre multiplié par la factorielle du nombre immédiatement inférieur et que factorielle de un est égale à 1.
Exemple d'utilisation :
FACT(4)=4*(FACT(4-1))=4*FACT(3)
=4*3*FACT(3-1)=4*3*FACT(2)
=4*3*2*FACT(2-1)=4*3*2*FACT(1)
=4*3*2*1=24
On voit immédiatement qu'une définition de fonction ainsi faite (on dit que la définition est récursive) peut poser de sérieux problèmes d'interprétation à l'automate qui reviennent à répondre à la question suivante : en combien d'étapes de remplacement de la fonction par sa définition va t'on arriver à une expression objective?.
Dans certaines situations, dont celle de l'exemple ci-dessus, le nombre d'étapes de remplacement est fini. Mais ce n'est pas toujours le cas. Ainsi en est-il de la fonction FOO(l) définie comme suit :
FOO(l) : quelle que soit l, FOO(l)=FOO(l)
Cette définition provoquera, lors de la tentative d'interprétation, une suite infinie de remplacements par elle même. L'automate interpréteur de LISP ne s'arrêtera plus jamais de faire des remplacements, sauf s'il contient un module capable de reconnaître la forme particulière FOO(l)=FOO(l) même si elle n'est pas directe, c'est à dire que les définitions de plusieurs fonctions se renvoient l'une à l'autre, par exemple :
FUU(l) : quelle que soit l, FUU(l)=FAA(l)
et
FAA(l) : quelle que soit l, FAA(l)=FUU(l)
les deux derniers exemples ci-dessus montrent des expressions qui donnent lieu à un nombre infini d'interprétations, c'est à dire que, quel que soit le nombre de remplacements successifs que l'on effectue sur l'une d'elle pour tenter de l'interpréter, on ne peut atteindre une expression équivalente et objective, c'est à dire qui ne soit pas indexicale. Cette infinitude potentielle des interprétations de certaines expressions est généralement néfaste : l'automate (l'ordinateur et ses logiciels) commence à interpréter et ne s'arrêtera que sur coupure de courant. Cependant, dans certains cas, on cherchera justement cet effet :
CRI : ((IMPRIME "je suis un bel ordinateur")
(CRA))
CRA : ((EFFACE)
(CRI))
L'automate chargé d'interpréter l'expression CRI ainsi définie, s'il est placé dans une vitrine, se comporte en agent publicitaire infatigable, mais à aucun moment, il ne ramènera le résultat de l'évaluation de l'expression CRI.
On peut remarquer qu'il y a une très forte proximité dans le fonctionnement de la relation entre FOO(l) et FAA(l) et le fonctionnement de la relation entre "le col" et "le vase" présentée dans l'article "réflexivité".
Si l'on cherchait à définir cette forme d'infinitude potentielle des interprétations, qui provoque une apparente impossibilité d'interprétation, par effet miroir, générateur d'un nombre infini de tentatives de remplacement, entre un certain nombre d'expressions, il me semble que le terme d'infinitude verticale de l'indexicalité serait assez approprié, par analogie avec le terme employé en économie pour désigner l'extension d'une entreprise dans son seul secteur d'origine. En effet, on peut remarquer que l'ensemble des expressions qui se renvoient ainsi l'une à l'autre sans fin sont toutes situées dans un même contexte (voir l'exemple de la figure dans l'article "réflexivité"). Toutes les relations d'indexicalité ne présentent pas cet aspect d'infinitude. On a vu, dans l'article "indexicalité" des exemples d'expressions indexicales qu'il était possible de remplacer par des expressions objectives. Par contre, si une relation d'indexicalité présente la caractéristique d'être réflexive, alors elle aura cet aspect d'infinitude verticale. Mais il y a une seconde forme d'infinitude des indexicalités qui, me semble t'il, pourrait avec la même analogie que précédemment être qualifiée d'infinitude horizontale des indexicalités. Cette forme d'infinitude ne se rapporte pas à une caractéristique de toutes ou de certaines des relations d'indexicalité, mais au nombre potentiel d'index ayant pour origine la même expression.
Prenons un exemple. Je vais dessiner deux points sur cette feuille de papier. Je vais leur donner des noms : P et S. Je pourrai alors m'asseoir et les regarder, silencieusement, et vous proposer de faire de même. Chacun de nous deux parviendrait ainsi à une connaissance profonde des deux points, observant directement le fait même. (Les sages disent qu'il faut observer très longtemps).
Si nous souhaitons échanger des informations sur ces deux points, par exemple sur leurs positions réciproques, leurs déplacements lorsque je les fait bouger, nous devons fixer, ce que l'on appelle un référentiel. En effet, échanger des informations sur ces points, c'est en faire des descriptions. Et, afin de nous comprendre, nous devons nous mettre d'accord sur la façon dont nous allons décrire ces points. Sans entrer dans le détail de la notion de référentiel, disons qu'il faut une origine et une métrique. Voici un référentiel possible :
Une fois fixé ce référentiel, je peux donner des descriptions de P et S : leurs coordonnées (3,5) et (8,2), qui seront uniques et liées au point par une relation d'équivalence totale. Cette équivalence totale entre le point et sa description dans le référentiel fait qu'un être pensant qui vivrait dans ce référentiel, sans imaginer qu'il puisse exister d'autres référentiels, pourrait penser que les coordonnées de P et de S sont objectives.
Mais j'aurais aussi bien pu prendre une autre échelle, un autre point d'origine, un autre type de référentiel (par exemple, au lieu de considérer le monde comme un plan, de le considérer comme un cylindre ou une sphère et, exprimer les coordonnées sous forme d'angles). Il y a infinité potentielle de référentiels et donc infinité potentielle de descriptions de P et de S, toutes également indexicales, chacune par rapport à l'un des référentiels.
On peut remarquer ici que, lorsque nous donnons les descriptions de P et de S, elles ne prennent leur sens que si, en même temps, nous disons dans quel référentiel nous nous situons. C'est cette même idée que Bar Hillel développe, pour le langage naturel, lorsqu'il dit qu'il existe de véritables doublets entre les formes verbales et leur contexte d'occurrence.
Examinons donc, maintenant, le concept d'infinitude des indexicalités dans le cadre de la langue naturelle.
On a vu, dans l'article "réflexivité", l'exemple de l'image dont deux interprétations (les visages face à face ou bien un vase) étaient également possibles et dans lequel le mot désignant l'ensemble était lié par une relation indexicale à chacun des mots désignant une partie de l'ensemble. Cette relation était réflexive, puisque, chaque partie de l'image ne prenait son sens que si l'ensemble était fixé et réciproquement. On a là un exemple d'une relation d'indexicalité présentant un aspect d'infinitude verticale.
Pour illustrer le concept d'infinitude horizontale des indexicalités, je vais prendre un exemple à partir du travail que j'avais mené à l'occasion de mon DEA [Dégremont 1982].
L'un des aspects de ce travail a consisté à concevoir et réaliser un théâtre de marionnettes à fils dont les différents éléments mobiles puissent être pilotés par un ordinateur. Destiné à étudier les langages de descriptions de gestes ainsi que les langages gestuels, ce dispositif comprend, outre une électronique permettant d'animer chacun des fils de chacune des marionnettes, un ensemble de logiciels dont l'usager se sert pour définir des mouvements élémentaires, puis, par "empilements successifs", des mouvements de plus en plus complexes. Le nombre et la complexité des empilements ne sont limités que par la taille de la mémoire de l'ordinateur hôte du logiciel.
L'aspect de ce théâtre de marionnettes qui nous intéresse ici est le suivant : lorsque l'usager est en train de définir un mouvement élémentaire (tourner la tête, lever le bras...) ou bien un mouvement plus complexe (applaudir, faire un entrechat, danser une gigue...), le système demande à l'usager de donner un nom au mouvement qui est en train d'être défini. L'usager invente donc un nom, une forme graphique, qui peut avoir une ressemblance avec une forme du langage naturel, mais qui peut tout aussi bien être un néologisme. Ainsi, par exemple, l'usager peut appeler "applaudir" le mouvement d'applaudissement, mais il peut tout aussi bien appeler ce mouvement "vcgftrh" ou "dentifrice". On voit, qu'ainsi, le système que j'ai construit se comporte comme un gestionnaire de relations d'indexicalité entre des noms de mouvements (de formes graphiques quelconques, éventuellement extraites du langage naturel), d'autres noms de mouvements e une activité pratique. Certains de ces noms de mouvements ont pour particularité d'être pré-existants au moment où l'utilisateur commence à faire marcher le système : ce sont les commandes primitives qui permettent d'actionner chacun des moteurs et qui sont interprétables par la partie électronique du système.
Bien entendu, après que soient définis les différents mouvements ou combinaisons de mouvements souhaités, un appel à l'un quelconque des mouvements provoque son interprétation (c'est à dire le remplacement de son nom par le ou les noms des mouvements qu'il indexait, jusqu'à obtention d'une expression objective, c'est à dire interprétable par la partie électronique du système). Le système gère, par interdits, la circularité des définitions (il est interdit de dire que "marcher"="marcher", même indirectement) ainsi que les polysémies (des mouvements qui, après interprétation et remplacement se révèlent être des expressions objectives identiques doivent porter le même nom) et les contradictions (quelle que soit la complexité d'une expression décrivant un mouvement, elle ne peut contenir deux primitives contradictoires exécutables simultanément, comme par exemple deux ordre de rotation en sens inverses d'un même moteur). Ce dispositif, à l'évidence, ne gère qu'un langage artificiel objectif : ce n'est pas parce que certaines formes graphiques de ce langage sont identiques à des formes graphiques du langage naturel, que le langage de commande du théâtre est naturel. Bien au contraire, la structure du système est clairement construite de façon à interdire que puissent apparaître des expressions réflexives dont on a vu dans l'article "réflexivité" qu'elles étaient justement l'une des caractéristiques d'une langue naturelle. En quoi ce système, permet-il donc d'illustrer l'infinitude potentielle des indexicalités dans la langue naturelle ?
Et bien, parce qu'il me sert de générateur de nouveaux sens. Puisque l'usager du théâtre de marionnettes peut utiliser n'importe quelle forme graphique (et donc, entre autres, les formes graphiques "autorisées" en français, en France, aujourd'hui) comme nom servant à désigner une séquence précise de mouvements, si l'on prend l'une quelconque des formes graphiques "autorisées" en français, en France, aujourd'hui, quel que soit son nombre de significations déjà existantes ("autorisées"), je peux en rajouter au moins une en inventant un mouvement nouveau et en donnant à ce mouvement nouveau le nom de la forme graphique sélectionnée. Le nombre de mouvements nouveaux est infini : "faire 3 pas", "faire 4 pas", "faire 5 pas"... sont des mouvements tous différents, sans compter qu'il est possible de combiner, également ad infinitum des mouvements pré-existants.
Pourquoi ai-je mis entre guillemets le mot "autorisées" dans le paragraphe précédent ? Et bien, parce qu'il n'y a, en réalité, pas d'autorisation à demander pour pouvoir créer une nouvelle forme graphique française, en France, aujourd'hui. Ni pour donner à une forme graphique déjà utilisée un autre sens que celui qui lui était donné jusqu'à présent. La notion d'autorisation est plutôt ici une notion d'habitude, d'usage, éventuellement relativement renforcée par les déclarations formelles de diverses instances (l'Académie Française, l'AFNOR, les Editeurs de dictionnaires...). Bien que la liberté de création soit totale, chacun d'entre nous ne fait pas de la néologie du matin au soir. Dans l'immense majorité de nos activités langagières, nous respectons les usages sur la forme et sur le sens des expressions.
C'est en effet parce que nous supposons, à tort ou à raison, que l'auteur d'une expression a respecté ces règles d'usage sur le sens et la forme que nous parvenons à le comprendre rapidement. Si nous ne faisions pas cette supposition, nous serions, en permanence, en train de nous poser des questions sur le sens des paroles entendues, sans jamais pouvoir identifier ce sens car, à cause de la réflexivité de la langue naturelle, nous entrerions dans des processus infinis d'interprétation. Ce principe qui consiste à supposer que l'interlocuteur respecte les règles d'usage sur le sens et la forme n'est pas une loi absolue. C'est à dire que nous le respectons dans la majorité des situations sans même y faire attention, comme allant de soi, mais que, dans certains cas, nous cessons de le respecter (par exemple lorsque nous sommes en train de communiquer avec quelqu'un qui pratique mal notre langue). C'est dans l'article "breaching" que ce thème de l'arbitraire et de la rigidité du sens est développé. Mais, malgré le fait que nous respections et supposions que nos interlocuteurs respectent des règles d'usage de la forme et du sens des expressions que nous utilisons, nous serions bien en peine de dire exactement quelles règles sont respectées.
En effet, cette liberté que je me suis accordée de créer, avec mon petit théâtre, des nouveaux sens, est également utilisable par tout autre pratiquant de la langue française. Non seulement sur le sens des expressions, mais également sur leur morphologie et leur syntaxe. Et l'on comprend donc ce que veulent dire les ethnométhodologues lorsqu'ils proclament que le sens est local, qu'il dépend du lieu, du temps et d'une population de référence. A tout instant, ce sens évolue, sous l'influence créatrice de chacun des membres. Il est, de plus, la résultante d'une opération de négociation permanente dont le résultat est pour le moins difficilement prévisible. Ce phénomène semble se produire également au niveau de la morphologie et de la syntaxe, bien que d'autres mécanismes entrent aussi en action. Et les règles sur le sens ou la forme des expressions que nous utilisons dans la majorité des cas de manière instantanée, semblent ainsi ne jamais pouvoir être saisies et décrites.
Il n'existe à ce jour aucune description formelle complète d'aucune langue naturelle et la discipline qui s'attaque à la réalisation de tels dictionnaires et grammaires rencontre des difficultés telles que l'on ne sait même pas si la tâche est réalisable. Il semble que les langues naturelles présentent comme caractéristique de fonctionner sur un ensemble de règles et de définitions qui ne peuvent s'analyser, comme dans les langages formels, en tant que stock totalement explicité, dans lequel on puise et que l'on enrichit de manière contrôlée, mais plutôt comme un flux en permanente évolution, cette évolution étant, pour une part peut être importante, totalement imprévisible, puisque liée à l'arbitraire créatif de chacun des individus qui utilisent la langue.
Ainsi donc, nous venons de voir qu'il était toujours possible de rajouter un nouveau sens à n'importe quelle expression du langage naturel. Dans la réalité de la pratique langagière, l'arbitraire créatif de chaque individu s'exerce, heureusement, bien au delà de la simple génération de nouveaux mouvements dans un théâtre de marionnettes. Il y a même des expressions de notre langue qui sont spécialement affectées à cette création, c'est à dire dont le sens variera à chaque occurrence, la variation étant potentiellement infinie. On a donné, dans l'article "indexicalité" quelques unes de ces expressions, appelées les déictiques et les embrayeurs. Je ne détaillerai pas les aspects grammaticaux des déictiques et des embrayeurs, qui ne sont dans cette thèse utilisés que comme exemples locaux du phénomène d'indexicalité. Pour illustrer simplement l'idée importante de mots dont le sens change en permanence, voici des exemples : "truc", "chose", "machin", "je", "ici", "là", "aujourd'hui", "maintenant", "ceci", "ensemble"...
Mais l'arbitraire créatif des individus ne s'exerce pas seulement lors de la génération et l'attribution de nouveaux sens à des expressions. Il s'exerce également lors de l'interprétation d'expressions. Garfinkel, dans le chapitre 3 des Studies, présente un dispositif expérimental permettant de mettre en évidence ce phénomène. De quoi s'agit-il ?
A une dizaine d'étudiants-cobayes, on explique qu'ils peuvent consulter un conseiller au sujet de leurs problèmes personnels. Il leur est demandé d'exposer le contexte de quelques problèmes sérieux, puis de poser au conseiller une série de questions à laquelle celui-ci répondra par "oui" ou par "non". Le conseiller est placé dans une pièce différente de l'étudiant et communique avec celui-ci via un interphone. Lorsqu'une question est posée au conseiller, celui-ci ne répond qu'après un temps d'attente. Entre deux questions, l'étudiant est invité à noter ses commentaires sur l'échange qui vient d'avoir lieu. L'étudiant est donc placé en une situation où il a tout lieu de penser que le conseiller va s'efforcer de l'aider dans toute la mesure de ses moyens et donc, ce même étudiant va également s'efforcer de comprendre "du mieux qu'il peut" les conseils qui lui sont donnés. Ce que ne sait pas l'étudiant, c'est que les réponses du conseiller sont aléatoires : les "oui" et les "non" sont répondus, non pas en fonction des questions de l'étudiant, mais en fonction d'une table de réponses établie par avance, tous les étudiants posant le même nombre de questions se voyant administrer le même nombre de réponses-oui et de réponses-non.
Ce dispositif fait apparaître, après analyse des échanges et interview des étudiants, que ceux ci jugent de façon globalement positive les "conseils" qui leurs ont été donnés. Chaque nouvelle question était élaborée par l'étudiant en fonction de la réponse du conseiller à la question précédente, l'étudiant gérant sans aucun problème les réponses incomplètes, inappropriées et contradictoires et même le fait qu'il soupçonne qu'il soit en train d'être "dupé".
Ainsi donc, alors que les réponses "oui" ou "non" ne contiennent, par construction même puisqu'elles sont aléatoires, aucun sens, l'étudiant génére, pour chacune de ces réponses, une quantité considérable de sens. Cette activité créatrice introduit une infinitude potentielle de sens, puisque chaque nouvelle question (et il y en a une infinité potentielle) induit un nouveau sens pour la réponse. On peut remarquer que, étant donné le mode de création des réponses, le conseiller aurait très bien pu être remplacé par un automate. La généralité de cette expérience est assez réduite, puisqu'elle ne porte que sur un nombre très limité de termes (les "oui" et les "non").
Différentes expériences ont été tentées avec des objectifs semblables ou voisins, de mise en évidence de la création de sens par le destinataire d'un message. On peut citer, en poésie, les expériences d'écriture automatique des surréalistes au début du siècle. Plus près de nous, en 1960, François Le Lionnais a créé le mouvement OULIPO (Ouvroir de littérature potentielle) justement sur l'hypothèse que toute forme produit du sens. Il ne s'agit pas de prétendre, pour les membres de ce groupe, que le sens est la forme, mais qu'il y a une relation bijective symétrique de la forme au sens et du sens à la forme, aucune de ces deux notions ne pouvant, en aucune façon, agir de façon autonome. C'est dans ce lien insécable que l'Oulipo situe le littéraire. Et c'est ainsi que Raymond Queneau produit, de façon manuelle, Cent mille milliards de poèmes . Ce groupe, pourtant formé de mathématiciens (Le Lionnais, Berge, Queneau), de logiciens (Roubaud) et d'informaticiens (Braffort) ne créa pas de sous-groupe utilisant l'informatique, bien qu'il ait produit quelques oeuvres à l'aide de systèmes informatisés, 1014 sonnets de Raymond Queneau, par exemple. [OULIPO 1987]. C'est en 1982 que l'ALAMO (Atelier de littérature assistée par la mathématique et les ordinateurs), groupe d'étudiants et de chercheurs directement inspiré par les thèses de l'OULIPO, commence à produire des textes dont la lecture de certains peut, me semble t'il, être considérée comme de bons exemples de l'infinitude potentielle des indexicalités.
A l'Université Paris 7, de nombreux travaux à l'UER d'ethnologie-anthropologie ont porté sur la réalisation d'automates capables de produire, en situation de dialogue, des expressions qui amènent l'usager du système à leur attribuer un sens. On peut citer, en particulier, [Lepage 1979]. Dans la troisième partie de "Anthropologie et calcul", [Jaulin et Richard 1971], Robert Jaulin propose une analyse formelle de la géomancie qui permettrait, une fois implémentée en machine, de réaliser un système divinatoire automatique, dans lequel l'usager, comme habituellement dans de tels systèmes, génére lui-même le sens de la réponse à la question qu'il a posé au devin.
C'est l'aspect ténu de la frontière entre création pure de sens et divination qui amène Yves Lecerf [Lecerf 1986-1] à proposer de conclure que toute activité ordinaire de décodage du langage naturel inclura, peu ou prou, une part d'activité divinatoire. Cet auteur, dans son lexique ethnométhodologique [Lecerf 1986-2], exprime très clairement, me semble t'il, la gravité des conséquences du phénomène d'infinitude potentielle des indexicalités :
"Le fait que le sens des mots puisse être multiple n'est pas, dans l'histoire des langues et de leurs dictionnaires, une nouveauté. Par contre, relativement nouvelle est l'affirmation du caractère irrémédiable du phénomène à travers l'indexicalité. L'irrémédiable tient au fait que dans des conditions imprévisibles et de manière indéfiniment répétée, il peut apparaître, de par le phénomène d'indexicalité, toujours des significations nouvelles. Rien ne prouve donc jamais qu'une liste de significations est complète. (...)
Des argumentations seront donc développées pour montrer que ce phénomène sape dans une certaine mesure toute entreprise de construction d'une sémantique pour une langue donnée ; avec des répercussions ensuite qui compromettent très gravement toute possibilité de construire des grammaires formelles (et l'on connait les difficultés rencontrées par l'école chomskienne en cette matière). Les langues naturelles ne sont finalement donc, du fait de l'indexicalité, pas susceptibles individuellement de définitions complètement précises : affirmation grave qui mine sournoisement les bases de la linguistique générale.
De ce fait, comprendre un texte, c'est pour partie raisonner, mais pour partie donc aussi exercer une fonction divinatoire. A partir de là, et de proche en proche, l'indexicalité sapera aussi dans une certaine mesure l'édifice scientifique de la sociologie et ceux des sciences sociales puisque les langues naturelles sont les instruments obligés de ces disciplines. L'indexicalité ôtera d'abord tout espoir d'expliciter une fois pour toutes les "allant de soi" d'un groupe (le langage naturel du "non dit" n'est pas mieux défini que le langage naturel du "dit"). L'indexicalité empêchera ensuite de donner avec certitude des définitions objectives (car sans langage, point de définitions), mais sans définitions objectives, point de sciences sociales au sens traditionnel du terme.
Ce genre de tableau apocalyptique doit bien entendu s'interpréter avec sérénité."
Dans les textes fondateurs de l'ethnométhodologie américaine, on ne trouve pas de proclamation explicite de l'infinitude des indexicalités, bien que cette notion soit en permanence utilisée. Cela provient, me semble t'il, du fait que l'infinitude des indexicalités "n'intéresse" pas les membres de l'école américaine d'ethnométhodologie en tant que phénomène majeur du langage naturel, parce que ces derniers sont, de par leurs origines intellectuelles comme dans leurs sujet de recherche, plus centrés sur l'étude du fait social. Ils exploitent les résultats des philosophes et théoriciens du langage (Bar Hillel, entre autres) dans leur domaine d'intérêt sans approfondir la voie proprement philosophique et linguistique. Cependant, les conséquences de l'infinitude potentielle des indexicalités sont tout à fait clairement perçues, en particulier par Garfinkel, puisque celui-ci consacre plusieurs pages des Studies à expliquer la vanité des tentatives de remplacement des expressions indexicales par des expressions objectives.
La liaison essentielle entre la notion d'infinitude potentielle des indexicalités dans le langage naturel et les concepts de base de l'ethnométhodologie a été mise en évidence par l'Ecole pariseptiste d'ethnométhodologie. Ce résultat s'explique, tout comme le "désintérêt" de l'école américaine, par les origines de certains des membres de l'Ecole pariseptiste. On trouve, en effet, dans cette école, des membres qui, dans leurs parcours intellectuels ou universitaires, ont longuement exploré la logique et/ou la philosophie du langage et/ou la linguistique et/ou les traitements informatiques du langage naturel, avant d'aborder l'ethnologie qu'ils ne considèrent pas seulement en tant que telle (une des sciences de l'homme), mais également comme un lieu d'expérimentation et de pratiques langagières. Yves Lecerf est, me semble t'il, l'archétype, en même temps que l'initiateur de cette tendance, à laquelle Daniel Lepage, Jacqueline Signorini et quelques autres se rattachent également.
Cette façon de considérer la pratique de l'ethnologie comme un exercice de manipulation formelle du langage naturel rend les membres de ce groupe très proches de l'attitude "d'indifférence ethnométhodologique" que Garfinkel recommande quand il étudie les pratiques des sociologues professionnels (voir l'article "indifférence ethnométhodologique").
Il me semble que l'on pourrait dire que l'une des tendances de l'ethnométhodologie pariseptiste est de mettre en oeuvre, en permanence, des procédures de "dédoublement de la personnalité" de l'ethnométhodologue, qui, tout en pratiquant la science de l'homme, s'éloigne de lui même pour observer ses propres pratiques, en particulier sous l'angle de la logique et de la linguistique. De même qu'une partie de l'ethnométhodologie pariseptiste recommande, comme procédure d'étude d'un groupe humain observé, la construction d'automates simulant les comportements langagiers des membres de ce groupe, il y a peut être, au fond de l'esprit des pariseptistes quelque espoir de construction d'un automate générant un discours d'ethnométhodologue (automate, hélas, non encore implémenté sur ordinateur, car je l'aurai alors utilisé pour écrire cette thèse...mais d'ailleurs, peut-être existe t'il, secret jalousement gardé tout comme la grande grammatisatrice automatique de [Roald Dahl 1962]).
Ainsi donc, les ethnométhodologues proclament qu'il existe une indexicalité irrémédiable des descriptions des faits sociaux, des activités pratiques, qu'elles soient réalisées par des professionnels (les sociologues, les ethnologues) ou des profanes. L'Ecole pariseptiste complète cette proclamation d'une proposition qui fait reposer l'indexicalité des descriptions sur une propriété fondamentale du langage naturel.
Pour Garfinkel, les interactions sociales sont inextricablement liées au contexte dans lequel elles ont lieu (voir l'article "contexte") et, ainsi, explicables seulement dans le cadre de ce contexte. Il y a, d'après cet auteur, un lien fondamental entre un fait (social en particulier, mais pas seulement, voir l'article "objectivité") et la description qui en est réalisée par un membre dans le contexte où ce fait a eu lieu : "Les descriptions des membres sont liées de façon réflexive et essentielle, pour ce qui est de leurs caractéristiques rationnelles, aux occasions socialement organisées de leur usage, pour cette raison qu'elles sont les éléments de ces occasions." [Garfinkel 1967]
On voit que de cette proclamation découle immédiatement qu'il y a infinité potentielle des descriptions (puisqu'un autre protagoniste aurait fait une autre description et que, dans des contextes ultérieurs, d'autres descriptions peuvent encore être faites) et que cela amène un problème épistémologique : est-il possible de faire une description de ces interactions sociales qui soit en dehors du contexte et qui reste cependant compréhensible ?
Garfinkel proclame qu'il n'existe pas de telles descriptions totalement objectives, bien que les membres d'une société puissent avoir l'impression que les descriptions qu'ils font sont objectives.
Essayons d'illustrer cette affirmation.
Soit "x", un fait social (ou autre, par exemple l'existence d'un pulsar) et "c" le contexte du fait. Une description de "x" dans le contexte "c", peut se noter Dc(x). Pour un membre du contexte "c", ne sachant pas qu'il puisse exister d'autres contextes, Dc(x) a toute l'apparence de l'objectivité. C'est ce que pense l'astronome de l'existence du pulsar, le membre d'une secte de Dieu, Don Juan des "alliés". Ces descriptions Dc(x) sont évidemment réflexives.
Un observateur extérieur au contexte "c", situé dans un autre contexte "r" peut tout à fait décrire le fait "x", obtenant ainsi Dr(x). C'est, par exemple, la description que fait un ethnologue, pour ses confrères ethnologues, du mariage, tel qu'il l'a lui même observé, silencieusement (c'est à dire "vu d'avion", sans en discuter avec aucun membre participant au fait décrit) dans une société "primitive". On peut trouver également des exemples de telles descriptions dans les rapports de missions et d'observations faits par les premiers explorateurs des XVIème et XVIIème siècles sur les "sauvages" rencontrés aux antipodes. L'observateur peut, également, décrire dans "r", la description du fait "x" qui est faite dans "c" : Dr(Dc(x)). Il rapportera alors à ses confrères des enregistrements des descriptions faites par les acteurs de "x" et réécrites par lui (dans la langue des ethnologues). Remarquons que ces descriptions Dr(Dc(x)), peuvent être obtenues de deux façons différentes.
- La première façon consiste en ce que l'observateur se procure des descriptions de type Dc(x) sans aucun contact avec le contexte "c" et les interprète dans le contexte "r". C'est, par exemple, ce que fait un préhistorien dans les grottes de Lascaux. Le problème est évidemment, dans ce cas, qu'il est possible que les membres du contexte "c" n'aient jamais réalisé de description directe ou indirecte, du fait "x", et que s'ils en ont réalisé, ces descriptions ne sont pas entièrement transmissibles, car, à la fois réflexives et dépendantes du moyen de transmission.
- Dans la deuxième façon de se procurer des descriptions Dr(Dc(x)), l'observateur est entré en contact avec des acteurs du fait "x", mais, pour pouvoir communiquer avec eux, il a été amené à, lui même, entrer dans le contexte "c", ce qui peut provoquer deux distorsions :
a) une "pollution" du contexte "c", qui amènera les membres de "c" à faire, à l'intention de l'observateur, des descriptions Dc(x), qui dépendent de la vision que ces membres ont de l'observateur et de son contexte d'origine (phénomène classique des histoires sur "l'Afrique profonde" racontées à l'ethnologue qui est vu par l'informateur comme un "touriste"). L'identité totale que Garfinkel affirme entre le fait et la description qu'en font les membres du référentiel où a lieu ce fait amène à ajouter que cette modification des descriptions faites à l'observateur rejaillit sur le fait et le transforme. On voit ici la forte proximité de la pensée de Garfinkel avec celle de Robert Jaulin, lorsqu'il parle du terrorisme structural de l'activité de l'ethnologue [Jaulin 1970].
b) une pollution de la description Dr(Dc(x)), par le fait que l'observateur, ayant été obligé d'entrer dans le contexte "c", (par exemple, en apprenant sa langue), ne fait plus du tout la même description lorsqu'il revient dans son contexte d'origine. C'est cette transformation que l'on peut voir, chez Castaneda, entre la description ethnographique faite à la fin de [Castaneda 1968], et les descriptions faites ultérieurement [Castaneda 1972 et 1974]. L'observateur est parfois même "capturé" par le contexte "c", au point qu'il n'est plus compréhensible lorsqu'il tente des descriptions dans le contexte "r". Ce serait le cas, par exemple, d'un ethnologue qui, étudiant une secte en deviendra adepte et, dans un esprit de prosélytisme, s'efforcerait de convaincre ses anciens collègues de le rejoindre.
A toutes ces pollutions s'ajoute la barrière ultime : les descriptions sont faites dans la langue naturelle en usage au moment de leur réalisation. Or cette langue subit, ainsi que cela a été décrit précédemment une évolution permanente et pour partie imprévisible. Si bien que, malgré toutes les précautions que pourrait prendre l'observateur lorsqu'il rédige ses descriptions (il ne peut pas aller jusqu'à décrire l'ensemble du contexte dans lequel il travaille, car de proche en proche il devrait décrire tout son univers), il n'évitera pas une dérive inéluctable du sens qu'il a voulu mettre dans sa description. C'est cet effet de dérive qui nous rend si étrange la lecture des textes scientifiques des siècles (années ?) passés, indépendamment du soin, de la rigueur, de l'honnêteté que les auteurs ont apporté à leur rédaction.
Le sociologue présente cette caractéristique qu'il étudie les faits sociaux dans un contexte très proche du sien. Comme le dit Bernard Conein [CEMS1984] : "Tout sociologue distingue implicitement deux niveaux expressifs dans son activité d'enquête : les expressions qu'il traite comme données et les expressions qui lui servent à expliciter, analyser, commenter ses données."
C'est ici que se situe l'origine de la critique des sociologues "classiques" par l'ethnométhodologie.
En effet les ethnométhodologues considèrent que le discours des professionnels (les sociologues) lorsqu'ils analysent les faits sociaux est indexical, tout comme le discours des profanes lorsqu'ils exercent cette même activité quotidiennement, à des fins pratiques. Et ils soutiennent que l'interprétation sociologique ne doit pas être prétexte à la destruction, sous couvert de théorisation et de généralisation, de l'information contextuelle initiale.
Comme le dit R. Dulong [CEMS 1984] : "Même si elles mettent en oeuvre une panoplie plus sophistiquée de procédures et de justifications, les recherches des sociologues professionnels prennent pour objet ceux là même sur lesquels portent les investigations des membres et elles s'appuient sur les mêmes ressources qu'eux. Ainsi ethnologues, démographes, sociologues acceptent ce que leur livrent les autres membres - comptes rendus, statistiques, réponses aux enquête - sans effectuer une critique sérieuse de ces données. Le "sérieux" de la critique ne porte pas sur l'attention que peut prêter un chercheur à la méthodologie de son travail ni sur les réserves qu'il peut formuler dans un compte rendu de recherche, mais sur les données en tant qu'elles sont produites au terme d'un processus sur lequel on ne s'interroge pas ou trop peu."
[Zimmerman 1970] généralise cette critique en insistant sur le fait que le sociologue, au moment de la définition de sa recherche, du choix de sa méthodologie de travail, de sa collecte de données, de ses interprétations et de la réalisation des analyses et des descriptions n'échappe à aucun moment au monde qu'il est en train d'étudier, faisant ainsi de la sociologie "un élément interne à l'ordre qu'elle décrit", incapable d'appréhender comme phénomène les structures fondamentales, si elles existent, de l'activité sociale.
Selon cet auteur, le sociologue ne produit donc, finalement que des descriptions de type Dc(x), dont rien ne permet de dire qu'elles sont objectives, même s'il est "normal" que le sociologue le pense. Cependant, cet auteur, lorsqu'il émet cette critique, se trouve assez isolé si on le considère comme ethnométhodologue. En effet Garfinkel n'est jamais allé aussi loin, préférant placer l'ethnométhodologie comme une activité se rattachant à la sociologie mais ayant un objet différent de la sociologie telle qu'on l'entend habituellement, plutôt que comme une activité prolongeant ou faisant avancer la sociologie (Voir l'article de R. Dulong dans [CEMS 1984]). C'est ce qu'il explique dans [Garfinkel 1985] :
"En qualité de sociologues, les ethnométhodologues parlent, au titre des arts et des sciences, de l'action pratique. Néanmoins, ils rompent avec le reste des sociologues en ce qu'ils considèrent les méthodes et les conclusions de la sociologie conventionnelle comme les manifestations d'un phénomène crucial dans la société ordinaire et de ses pratiques localisées."
Pour reprendre la formulation que propose Yves Lecerf : "Tout en bannissant le concept d'objectivité, l'ethnométhodologie cultive une forme de prudence qui se rapproche considérablement de l'esprit d'objectivité : attitude consistant à éviter par dessus tout de représenter comme certitudes des affirmations qui pourraient un jour se trouver sujettes à révision."
On voit que cette critique ne remet absolument pas en cause le soin et la précision du travail des sociologues. En effet, on peut ici encore citer Bernard Conein [CEMS 1984], page 14, "l'enquêteur, en tant que chercheur en sciences sociales, découvre moins des phénomènes sociaux que l'existence d'une connaissance commune des structures sociales."