Une contribution en forme de témoignage (reçu en avril 2002). Un exemple de " dérive " de la recherche scientifique dans le secteur médical. Un article écrit et envoyé par un docteur spécialiste en épidémiologie . Lire également du même auteur "Les perversités de la communauté" et les annexe 1 et 2 (voir liens en bas de page)

Les Perversions de la Science sur papier glacé


La renommée et la notoriété que certaines équipes de chercheurs, acquise lors de publications dans des journaux scientifiques supposés d’une grande rigueur dans sa sélection d’article, constituent dans le milieu scientifique une part non négligeable du levier motivant pour ces dits "scientifiques ".

Jugez plutôt, pour les experts et les novices vous avez peut être entendu le nom…THE LANCET qui représente une référence non négligeable au sein de la communauté scientifique. Un article publié dans ce journal, assurent aux auteurs la reconnaissance de leurs pairs.

Pourtant on peut retrouve dans ce journal dit de référence certains articles de qualité déplorable qui laisse pensez, quand on est comme moi dans ce monde ou milieu, qu’il doit exister des connivences et autres malversations.

Eh bien, lisez plutôt…

Voici exposé la méthodologie d’un papier scientifique publié en Octobre 1989 dans l’édition française du " Lancet " par une équipe du service d’urgence du Hope Hospital de Salford en Angleterre. (référence : " Aérosol de salbutamol avec ou sans bromure d’ipratropium dans l’obstruction aiguë des voies aériennes. O’Driscoll BR. et al. Lancet ; 1989 8652 ; 1418-20)

Le principe de cet essai clinique est de comparer l’adjonction de bromure d’ipratropium (BI) avec le salbutamol lors d’accidents d’obstruction aiguë des voies aériennes. Le lieu choisi est un service d’urgence d’un Hôpital de Salford. Il nous faut noter que dans le protocole de l’essai il n’est pas fait mention de distinctions dans les différentes pathologies considérées comme des obstructions des voies aériennes. C’est un point important car lors des résultats c’est sur ce groupe "  obstructions des voies aériennes, qu’il faudra sujet les traitements.

Extrait de l’article : paragraphe " Patients et Méthodes "

"  Cent vingt cinq patients consécutifs admis dans des services d’urgences d’un hôpital universitaire pour obstruction aiguë des voies aériennes, ont été affectés par tirage au sort à un traitement par nébulisation d’une solution de salbutamol pour nébuliseur (10mg) mêlée, soit 2ml de sérum physiologique, soit à 2ml de bromure d’ipratropium sans conservateur (0.5mg). Aucun des malades n’avait pas de nébuliseur à domicile et aucun n’avait reçu de traitement de ce type dans l’ambulance. Les patients ont donné leur accord verbal. Les solutions étaient codées et le personnel du service ignorait le traitement appliqué, lequel était déterminé par l’année de naissance du sujet (chiffre pair ou impair). "

" Résultats : Cent vingt-cinq patients consécutifs ont été inclus dans l’étude. Deux d’entre eux ont demandé à rentrer chez eux avent 60 minutes de nébulisation et, dans ce même délai, 20 autres ont été transférés dans un service d’hospitalisation, soit parce qu’il fallait libérer des lits aux urgences pour d’autres malades, soit parce qu’ils étaient affectés à un autre hôpital. "
 

" tableau II : Réponse au traitement par nébulisation chez les asthmatiques et les BCPO (bronchopneumopathie chronique)"
 
 
Salbutamol
Salbutamol + BI
Valeur du p

et [IC à 95%]

Patient au total      
Effectif
44
59
 
DEP moyen de base (l/min)
128
128
 
DEP moyen à une heure (l/min) 
163
184
0.12 Non significatif (pas de différence entre les groupes)
Augmentation de moyenne du DEP (%)
28
52
[51-48%]
Total asthmatiques      
Effectif
23
33
 
DEP moyen de base (l/min)
145
137
 
DEP moyen à une heure ( l/min)
190
222
0.027
Augmentation de moyenne du DEP (%)
31
77
[8-84%]
Asthmatiques à DEP <140l/min à l’admission      
Effectif
12
23
 
DEP moyen de base (l/min)
98
96
 
DEP moyen à une heure (l/min)
129
179
0.04
Augmentation de moyenne du DEP (%)
31
93
[4-12%]
BPCO      
Effectif
21
26
 
DEP moyen de base (l/min)
109
116
0.55
DEP moyen à une heure (l/min)
134
135
 

 

La réalisation d’un essai clinique doit permettre la maîtrise de multiples biais. Ainsi pour ne pas favoriser une certaine "sélection " de patient le tirage au sort doit être réaliser. Celui-ci assure la comparaison des deux groupes et permettra de répartir uniformément soit le salbutamol sans BI dans un groupe et le Salbutamol avec BI à l’autre groupe. On contrôle l’effet du médicament par la mesure du débit expiratoire de pointe (DEP) à l’aide d’un simple appareil où le patient est invité à souffler le plus fort possible. Deux mesures du même patient est réaliser avant et une heure après la prise du médicament. Pour palier l’effet de subjectivité du patient et du médecin, un essai clinique, quand cela est possible, doit se faire sans que les deux protagonistes sachent lequel des traitements le patient a pris.

125 patients arrivés dans le service avec un diagnostic d’obstruction des voies aériennes aiguës sont sélectionnés et soumis au tirage au sort… mais la technique utilisée est incorrecte. En effet, pour déterminer dans quel groupe le patient sera ( S + BI ou S) on prend son année de naissance. Or, le médecin, s’il n’est pas tout a fait innocent, et si un groupe plutôt que l’autre se rétablit plus vite… il devinera vite que ces patient naît une année paire ont pris l’association S+ BI par exemple. Un tirage au sort fiable est disponible à tout expérimentateur dans de nombreux livres de références sous forme d’une grille de nombre tiré au hasard.

Un autre fait troublant qui moi me laisse perplexe dans la qualité de cet essai et de la manière dont les investigateurs ont voulu publier un article concerne les " perdus de vus ". Dans un essai clinique, quand un médecin veut comparer deux traitements, avec donc, deux groupes il redoute toujours les patients qui ne reviendront pas l’examen nécessaire après la prise du médicament qui sera comparer au résultat d’avant la prise. Dans cet article les auteurs nous révèlent que 22 patients ne sont allés au bout de l’essai, ce qui fait un taux de 17.6%. C’est un taux assez important dans un essai clinique classique. Mais ce qui est incroyable c’est que cet essai dure UNE heure ! En effet, le patient arrive aux urgences, on l’inclut dans l’essai au sortir du diagnostic, puis il est tiré au sort pour l’attribution de l’un des traitements, on lui prend sa DEP avant la prise du traitement puis on attend une heure et on reprend sa DEP.

Un taux de 17.6% de patients atteints d’obstruction des voies aériennes ont échappé aux médecins en UNE heure de temps ! ! ! cela en mon sens...préjuge de la qualité médiocre des investigateurs dans la réalisation d’essai clinique… surtout que enregistrer une DEP se fait en quelques minutes ! le temps que le patient souffle fort dans l’appareil, avant de les transférer, ce geste aurait pu être réaliser et les auteurs auraient donc eu les résultats de ces patients…

Il faut savoir que des taux de perdus de vus de moins de 10% peut être atteints dans une étude longue de plusieurs années...alors les auteurs ne devrait ils pas plus justifier et tenter d’expliquer ce taux.. ?

Dans le milieu scientifique, il est acquis qu’un article est publié s’il présente des résultats concluants entre les deux traitements. Et plus ces résultats montrent une différence significative du trop sacro-saint "petit p " plus la publication est de bonne qualité. Or ce qui est important de savoir c’est que ce qui nous intéresse c’est la différence entre les deux groupes (ici S et S+ BI). Une analyse des résultats autres n’est pas valable car on a constitue nos risques d’erreur selon cette hypothèse. Or dans cet article le résultat qui nous importe est non significatif (en italique, valeur de p =0.12 tableau II). Un petit p < 0.05 marquerait une différence significative entre les deux traitements ce qui n’est pas le cas ici. Mais pour ne pas avoir fait tout ca pour rien…les auteurs decident de scinder et de faire des sous-groupes (asthmatiques< ou > a 140 l/min). Cela est incorrect ! Une analyse en sous-groupe de patients inclus n’a de valeur que si elle était prévue a priori dans le protocole et que si l’analyse sur la DEP sur les groupes de départ est trouvée significative sinon cela ne peut être interprété ou aboutir à des conclusions ! Les auteurs comparent des groupes qui ne sont plus comparables …(mais qu’ils n’étaient peut être pas comparable dès le début…)

Une autre astuce pour comprendre des résultats scientifique est l’intervalle de confiance à 95%. Cet intervalle est l’estimation de la valeur du p ou d’un moyenne par exemple, dans notre échantillon. Or dans le tableau II tous les intervalles de confiance sont larges ! (ce qui présume un manque de puissance et donc de un manque de précision des résultats. Autrement dit, l’intervalle où peuvent se situer les DEP des groupes S et S+BI (tableau II) peuvent prendre des valeurs comprises entre 1 et 48%. Avouez que je ne mouille pas trop ….

Il faut juger de la qualité des résultats également par la précision et la petitesse de son intervalle de confiance sinon on ne montre pas grand chose.

Voilà donc un article de qualité faible publié dans un journal scientifique dit de renommé ou de prestige. Je ne conclut pas et n’interprete pas les faits. Je trouve curieux cependant, que les comités de lecture des journaux ne sont pas vigilants sur la méthodologie des essais cliniques.

Je vous invite à lire cet article, il est en français et l’abstraction des termes trop médicaux peuvent être maîtrisé.

Cette petite critique pour vous dire deux choses :

  1. Rester très vigilant vis à vis des articles publiés dans des journaux de "prestige " ou non d’ailleurs…
  2. Garder toujours le doute présent sur le pourquoi et le comment des publications scientifiques.
Voir à ce sujet les recomandations de l'annexe 1.

Dr Anteac.