Une horloge imaginaire pour un compte à rebours définitif

L'horloge de la fin du monde

source wikipédia : L’horloge de la fin du monde, ou horloge de l'Apocalypse (Doomsday Clock en anglais), est une horloge conceptuelle créée peu de temps après le début de la guerre froide et régulièrement mise à jour depuis 1947 par les directeurs du Bulletin des scientifiques atomistes de l'Université de Chicago, sur laquelle minuit représente la fin du monde.

L'horloge utilise l'analogie du décompte vers minuit pour dénoncer le danger qui pèse sur l'humanité du fait des menaces nucléaires, écologiques et technologiques. Depuis le 22 janvier 2015, l'horloge affiche minuit moins trois (23:57).

  « Doomsday Clock graph »

Sur le graphique ci-dessus, l'échelle verticale représente le temps qu'il reste sur cette horloge jusqu'à l'heure fatidique de minuit (00:00). Les périodes rouges représentent les périodes de tensions internationales pendant lesquelles on considère que l'heure de la fin du monde approche. À l'inverse, les périodes en bleu représentent des périodes de détente pendant lesquelles l'heure de la fin du monde semble s'éloigner. À sa création, en 1947, l'horloge indiquait 23:53, soit minuit moins sept. Le petit nuage en forme de champignon à gauche est destiné à lever toute ambiguïté sur le sens de la lecture.



Minuit moins trois minutes. Alarme lancée par de réputés scientifique US sur la possibilité d'une guerre nucléaire


L'aiguille de l' « Horloge de l'apocalypse », le pointeur symbolique qui sur le « Bulletin of the Atomic Scientists » indique à combien de minutes nous sommes du minuit de la guerre nucléaire, a été déplacée vers l'avant : de minuit moins 5 en 2012 à minuit moins 3 en 2015, même niveau qu'en 1984 en peine guerre froide. Sur les grands médias, la nouvelle est passée presque totalement sous silence. Et pourtant l'alarme est lancée par de réputés scientifiques de l'Université de Chicago qui, après consultation d'autres collègues (dont 17 Prix Nobel), évaluent la possibilité d'une catastrophe provoquée par des armes nucléaires en concomitance avec le changement climatique dû à l'impact humain sur l'environnement.

L'optimisme prudent sur la possibilité de garder sous contrôle la course aux armements nucléaires s'est évanoui face à deux tendances : l'impétueux développement de programmes pour la modernisation des armes nucléaires et le blocage substantiel du mécanisme de désarmement. A la première place, parmi les causes de la relance de la course aux armements nucléaires, les scientifiques étasuniens mettent le programme de « modernisation » des forces nucléaires USA, qui a un « coût astronomique ». Ils confirment ainsi ce qui a déjà été documenté sur il manifesto (24 septembre 2014 (1)) : le président Obama -à qui a été remis en 2009 le Prix Nobel de la paix pour « sa vision d'un monde libéré des armes nucléaires, qui a puissamment stimulé le désarmement »- a présenté 57 projets d'upgrade (modernisation, mise à jour) de sites nucléaires militaires, pour un coût estimé à 355 milliards de dollars en dix ans. Le programme prévoit aussi la construction de 12 nouveaux sous-marins d'attaque nucléaire (avec chacun 24 missiles en mesure de lancer jusqu'à 200 ogives nucléaires), 100 autres bombardiers stratégiques (chacun armé d'environ 20 missiles ou bombes nucléaires) et 400 missiles balistiques intercontinentaux avec base à terre (chacun avec une puissante ogive nucléaire). On estime que le programme complet coûtera environ 1000 milliards de dollars.

La Russie aussi, indiquent les scientifiques étasuniens, est en train de procéder à la modernisation de ses forces nucléaires. Moscou confirme qu'elles feront en 2015 plus de 100 manoeuvres. Selon la Fédération des scientifiques américains, les USA entretiennent 1920 ogives nucléaires stratégiques prêtes au lancement (sur un total de 7300), en comparaison des 1600 russes (sur 8000). Celles de la France et de la Grande-Bretagne comprises, les forces nucléaires de l'Otan disposent d'environ 8000 ogives nucléaires, dont 2370 prêtes au lancement. En ajoutant celles chinoises, pakistanaises, indiennes, israéliennes et nord-coréennes, le nombre total des ogives nucléaires est estimé à 16300, dont 4350 prêtes au lancement.

Ce sont des estimations approximatives par défaut, puisque personne ne sait exactement combien il y a d'ogives nucléaires dans chaque arsenal. Ce qu'on sait scientifiquement c'est que, si elles étaient utilisées, elles effaceraient l'espèce humaine de la surface de la Terre. Ce qui rend la situation de plus en plus dangereuse est la militarisation croissante de l'espace.

Une résolution contre le déploiement d'armes dans l'espace extérieur, présentée par la Russie aux Nations Unies, a reçu un vote négatif de la part des Etats-Unis, Israël, Ukraine et Géorgie, et l'abstention de tous les pays de l'Union européenne. Y compris l'Italie où, en violation du Traité de non-prolifération, se trouvent 70-90 bombes nucléaires étasuniennes en phase de « modernisation », et où pour la seconde année consécutive s'est déroulée la manœuvre Otan de guerre nucléaire.

Où les grands médias, qui semblent nous illuminer sur tout, éteignent les projecteurs pendant que l'aiguille de l'Horloge s'approche de minuit.

Manlio Dinucci
Edition de mardi 27 janvier 2015 de il manifesto tre-minuti-a-mezzanotte/
Traduit de l'italien par Marie-Ange Patrizio

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(1) « USA, le réarmement nucléaire du Prix Nobel de la paix »

Manlio Dinucci est géographe et journaliste. Il a une chronique hebdomadaire "L'art de la guerre" au quotidien italien il manifesto. Parmi ses derniers livres: Geocommunity (en trois tomes) Ed. Zanichelli 2013; Geolaboratorio, Ed. Zanichelli 2014;Se dici guerra..., Ed. Kappa Vu 2014.

Articles sur le même sujet :



Michel Foucault, « Il faut défendre la société » — Cours au Collège de France, 1976

C'est la guerre qui est le moteur des institutions et de l'ordre : la paix, dans le moindre de ses rouages, fait sourdement la guerre. Autrement dit, il faut déchiffrer la guerre sous la paix : la guerre, c'est le chiffre même de la paix. Nous sommes donc en guerre les uns contre les autres ; un front de bataille traverse la société tout entière, continûment et en permanence, et c'est ce front de bataille qui place chacun de nous dans un camp ou dans un autre. Il n'y a pas de sujet neutre. On est forcément l'adversaire de quelqu'un.

« Il faut défendre la société », Michel Foucault, éd. Gallimard Le Seuil, coll. Hautes Etudes, 1997 (ISBN 978-2-02-023169-5), Cours du 21 janvier 1976, p. 43

La guerre, c'est l'effet immédiat d'une non-différence ou, en tout cas, de différences insuffisantes. En fait, dit Hobbes, s'il y avait eu de grandes différences, si effectivement entre les hommes il y avait des écarts qui se voient et se manifestent, qui sont très clairement irréversibles, il est bien évident que la guerre se trouverait par là même bloquée immédiatement. S'il y avait des différences naturelles marquées, visibles, massives, de deux choses l'une : ou bien il y aurait effectivement affrontement entre le fort et le faible — mais cet affrontement et cette guerre réelle se solderaient aussitôt par la victoire du fort sur le faible, victoire qui serait définitive à cause même de la force du fort ; ou bien il n'y aurait pas affrontement réel, ce qui veut dire, tout simplement, que le faible, sachant, percevant, constatant sa propre faiblesse, renoncerait avant même l'affrontement. De sorte que — dit Hobbes — s'il y avait des différences naturelles marquées, il n'y aurait pas de guerre ; car, ou bien le rapport de force serait fixé d'entrée de jeu par une guerre initiale qui exclurait qu'elle continue, ou bien, au contraire, ce rapport de force resterait virtuel par la timidité même des faibles. Donc, s'il y avait différence, il n'y aurait pas de guerre. La différence pacifie. En revanche, dans l'état de non-différence, de différence insuffisante — dans cet état où on peut dire qu'il y a des différences, mais rampantes, fuyantes, minuscules, instables, sans ordre et sans distinction ; dans cette anarchie des petites différences qui caractérise l'état de nature — qu'est-ce qui se passe ? Même celui qui est un petit peu plus faible que les autres, qu'un autre, il est tout de même suffisamment proche du plus fort pour se percevoir assez fort pour n'avoir pas à céder. Donc, le faible ne renonce jamais. Quant au fort, qui est simplement un tout petit peu plus fort que les autres, il n'est jamais assez fort pour n'être pas inquiet et, par conséquent, pour n'avoir pas à se tenir sur ses gardes. L'indifférenciation naturelle crée donc des incertitudes, des risques, des hasards et, par conséquent, la volonté, de part et d'autre, de s'affronter ; c'est l'aléatoire dans le rapport primitif des forces qui crée cet état de guerre.

« Il faut défendre la société », Michel Foucault, éd. Gallimard Le Seuil, coll. Hautes Etudes, 1997 (ISBN 978-2-02-023169-5), Cours du 4 février 1976, p. 78

Jusqu'au XVIIe siècle la guerre c'était bien, essentiellement, la guerre d'une masse contre une autre masse. Boulainvilliers, lui, fait pénétrer le rapport de guerre dans tout rapport social, va le subdiviser par mille canaux divers, et va faire apparaître la guerre comme une sorte d'état permanent entre des groupes, des fronts, des unités tactiques, en quelque sorte, qui se civilisent les uns avec les autres, s'opposent les uns les autres, ou au contraire s'allient les uns avec les autres. Il n'y a plus ces grandes masses stables et multiples, il va y avoir une guerre multiple, en un sens une guerre de tous contre tous.

« Il faut défendre la société », Michel Foucault, éd. Gallimard Le Seuil, coll. Hautes Etudes, 1997 (ISBN 978-2-02-023169-5), Cours du 18 février 1976, p. 144


Le mot « guerre », lui-même, est devenu erroné. Il serait probablement plus exact de dire qu'en devenant continue, la guerre a cessé d'exister. […] Une paix qui serait vraiment permanente serait exactement comme une guerre permanente. [C'est] la signification profonde du slogan du parti : La guerre, c'est la Paix. 1984, George Orwell.


 

Le risque de guerre nucléaire se dissout mais tend à réapparaître comme un reflet des tensions géopolitiques et des bras de fer incessant entre grandes puissances continentales qui luttent sans répits pour le maintien de leurs intérêts vitaux. Un signal d'alarme par ici, un message éminent de l'autre, un cri d'horreur au final, pour un avertissement constamment répété : «...on vous communiqua que les plus grandes puissances préparaient une guerre nucléaire dans le cas où la partie la plus faible, ou la plus raisonnable, n'acceptait pas la pression que supposait une mobilisation logistique des armes dissuasives d'attaque atomique. Vous-mêmes avez pu vous rendre compte que notre information était tristement véridique...»

Même le Dr Manhanttan nous avait prévenu, les humanoïdes terrestres ont un comportement insensé, ils transforment des archipels de rêves en terrain de mort. Ils ne laissent que des nuages toxiques et des trous dans le sol comme empreinte de leur folie. Cette planète est prise dans le vertige d'une guerre perpétuelle globale et immorale. Tout cela n'est que vaine agitation sur la croute terrestre d'une planète qui a connu de bien pires catastrophes et de multiples fin du monde. Cette planète nous survivra, mais si nous disparaissons de sa surface, nous aurons perdu pour un temps l'occasion d'un défi grandiose, celui de réaliser l'impossible.

Le Dr Manhattan est parti sur la planète Mars pour méditer sur le sort de l'humanité et envisager l'exploration d'autres formes de vie dans l'univers. Il pourrait revenir nous aider et d'un clin d'œil résoudre nos problèmes les plus angoissants, mais je doute qu'il le fasse. Ce serait là aussi, un autre constat d'échec, incapable de nous sauver par nous même du danger que représente la bombe, nous implorons une aide extérieure que nous refusons d'assumer de peur de nous révéler une vérité trop puissante. Quel monde de contradictions et de folies ! Sommes nous vraiment en train de préparer notre caveau ?