A la guerre comme à la guerre

 

"You smell that? Napalm, son. Nothing in the world smells like that. I love the smell of napalm in the morning. You know, one time we had a hill bombed, for 12 hours. When it was all over, I walked up. We didn't find one of 'em, not one stinkin' dink body. The smell, you know that gasoline smell, the whole hill. Smelled like... victory." Citation de Robert Duvall, dans le film Apocalypse Now (1979), écrit par John Milius et Francis Ford Coppola.


Ils savent tous que les guerres sont criminelles par essence. Les justifications de la guerre ne servent qu'a rassurer les peuples ignorants, à lui imposer des sacrifices ou à le contrôler par la peur. C'est de notoriété publique, le peuple n'est plus souverain, on lui fait subir des traitements de choc et des manipulations à n'en plus finir. C'est ainsi que l'on parvient à imposer les conditions de la guerre, si bien que le sort que l'on réserve à l'ennemi désigné fini par entrer dans la croyance collective des peuples endoctrinés : on a le droit de tuer l'ennemi et l'obligation de participer à l'effort de guerre.

Les gouvernements et les états sont enclins à la guerre, surtout s'ils peuvent un tirer un profit économique et géopolitique. Si la guerre est un racket, alors nous vivons une époque qui glorifie la loi du plus fort dans les actes, mais le dissimule cyniquement sous une parure diplomatique, et un droit international ajustable selon les besoins et les alliances.

Le champ de bataille se démultiplie à toutes les sphères de l'influence et du contrôle. Tandis que le spectre du champ de bataille se déplace, il disparaît et se recompose pour se recréer dans  différents lieux d'action qui déchaîneront les tactiques et les ruses les plus impitoyables. Ce mouvement permanent dans le grand échiquier géostratégique décime des innocents et engendre l'horreur.

Les stratèges militaires laissent les justifications de la guerre aux politiciens et propagandistes qui ont l'art de fabriquer de fausses raisons et surtout de laver les cerveaux. Pour obtenir le consentement de gré ou de force, l'appareil répressif d'État servira à recycler la contestation, à surveiller les opposants et affaiblir toute résistance face à un système politique devenu totalitaire.

Ces stratèges jusqu'au-boutistes ont d'autres préoccupations plus effroyables, celles de construire une puissance par tous les moyens et d'étendre leurs zones d'influence. Oui, la grande cause qui les anime c'est de juguler l'ennemi. C'est toujours l'ennemi éternel qu'il faut tuer, dominer, contrôler, soumettre, confiner, endiguer, humilier, détruire, corrompre, effrayer, pacifier, exterminer.

D'où l'importance de la représentation d'un ennemi surpuissant qui sera utilisé comme un épouvantail. Quand on veut abattre un ennemi, le plus urgent est de l'installer chez soi et d'en faire un instrument politique de la terreur. Si la menace devient permanente alors la réponse de l'appareil répressif d'État deviendra violente aussi bien à l'intérieur des frontières qu'à l'extérieur.

Les verrous idéologiques du pacifisme et les grands principes moraux sautent les uns après les autres, la guerre devient non seulement possible, mais elle devient nécessaire. On pourrait même croire que la guerre est une passion qui obsède les classes dirigeantes et perpétue en tant que finalité politique un idéal hégémonique et messianique.

Si la guerre est un crime contre la raison, alors les exterminateurs professionnels ne sont pas tenus de raisonner. Leur métier même leur interdit cette faculté naturelle qu'est le questionnement moral sur leurs actions. La guerre est inconciliable avec la raison. Le grand mensonge, c'est de trouver des justifications morales et humanitaires à ce meurtre de masse. Une raison suffisante à ce mensonge est de contraindre temporairement les esprits à accepter l'imminence des hostilités. Une fois la guerre déclenchée, la vérité n'empêchera pas la catastrophe de s'accomplir.

Il faut l'avouer, la guerre est une folie. Le plus incroyable c'est qu'elle peut être totale et éternelle. En cas de pénurie d'armes blanches et de munitions, on pourra s'entretuer avec toutes sortes de bombes, des bombes fulgurantes, des bombes sales, des bombes chirurgicales, et toute une panoplie d'armes nucléaires de nouvelle génération qui brûleront et pulvériseront tout dans un crépitement de détonations que l'on verrait depuis l'espace.

En cas de pénurie de bombes, on pourra s'exterminer à coup d'armes non létales, ces fameuses armes qui ne sont pas censées tuer mais qui tuent quand même. Ou prendre ces puissantes armes électromagnétiques et électriques, à rayonnement dirigé ou à énergie pulsée que l'on croirait sortir de la science-fiction mais qui sont bien réelles et dont l'efficacité repose sur des procédés technologiques les plus avancés. Ces armes dites non létales permettront de provoquer à distance des catastrophes géophysiques, climatiques ou induire sur le corps humains de nouvelles pathologies incapacitantes.

Pour déshumaniser l'action guerrière un peu plus, il suffit de rendre obsolète la conscience morale et réprimer cette aversion à tuer un autre être humain. On pourra faire la guerre par procuration, en employant des mercenaires sans foi ni loi, en agitant les peuples avant de s'en servir par la fabrication d'insurrections et de contre-révolutions afin de tuer dans dans l'œuf toute menace de véritable révolution, et utiliser ensuite la robotique de guerre pour terminer le travail d'extermination.

Si la technologie conventionnelle ne suffit pas, on inventera des armes bactériologiques, biotechnologiques et nano technologiques. Le génie génétique et médical sera bien satisfaire à la demande militaire tant qu'il y aura des agents pathogènes que l'on pourra manipuler pour garantir une mortalité élevée.

Pour faire plus de ravage, on pourra engager la société entière, en détournant l'industrie civile pour fabriquer des poisons, des déchets toxiques et des gaz mortels. Mais pour prospérer dans cette voie, il est nécessaire d'investir massivement dans une économie de guerre, et d'orienter la science au profit du développement du complexe militaro-industriel.

Au nom du progrès, c'est la fabrication de la mort à tout prix, tant que cela permet d'être plus puissant que l'ennemi. Alors il n'y a plus de morale, à la guerre comme à la guerre, les armes sont remplaçables mais pas l'ennemi. Le monde deviendra le terrain de jeux de criminels de guerre et de psychopathes, une étape de plus vers une fin de partie.

A moins que toute cette mascarade sur les différents champs de bataille ne serve à cacher la véritable stratégie du chaos, la constitution d'un nouveau clivage sociétal à l'échelle mondiale, avec le renforcement d'une nouvelle féodalité de classes dirigeantes qui asserviront le reste de l'humanité par l'influence néfaste de réseaux d'oligarchies sans frontières. Alors cette nouvelle répartition des pouvoirs et leur détention par une minorité pour le bénéfice d'intérêt privés, transformera notre planète en devenir en une vaste entreprise dictatoriale et marchande.

Le futur se prépare maintenant, et il ressemble à une dystopie, à un monde sans repères ni projets collectifs, à une Terre oppressante où l'on se sentira aussi bien que dans une prison à ciel ouvert.

Il est peut être temps de sortir de ce dédale de la folie et de penser à un autre futur possible.